La hausse des taux déstabilise les marchés actions

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Par Nathalie Benatia Publié le 12 mai 2022 à 5h35
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6,2%Le yen a continué de se déprécier en avril 2022 (-6,2% face au dollar).

Crise géopolitique, recrudescence de l'épidémie de Covid-19 en Chine et remontée des taux ont entraîné un net repli des actions en avril. Ces éléments ont occupé les pensées des investisseurs en avril. Qu'en sera-t-il en mai ?

Les actions mondiales étaient parvenues à corriger une bonne partie de la baisse liée au risque géopolitique, connaissant un net rebond à partir du 9 mars. En raison de la faible visibilité sur l'issue du conflit entre la Russie et l'Ukraine, ce rally s'est essoufflé. Le discours de plus en plus agressif de la Réserve fédérale américaine (Fed) a entraîné une accélération des tensions sur les taux qui, au fil des semaines, ont franchi des seuils symboliques au fil de variations heurtées. Le taux réel américain à 10 ans (déjà passé de -1,00 % début mars à -0,50 % environ fin mars) s'est dirigé vers 0 %.

Dans ce contexte, les actions se sont rapidement orientées à la baisse pour enregistrer un recul de 8,1 % en avril (indice MSCI AC World en dollars). Cette baisse mensuelle, la plus importante depuis la chute de 13,7 % enregistrée en mars 2020, a totalement effacé le rally de mars 2022, renvoyant l'indice à son plus bas niveau en plus d'un an. Sur certains marchés, des signes d'une capitulation à la baisse ont pu être identifiés en fin de période. Par exemple, les investisseurs ont privilégié la mise en place de protections contre un recul supplémentaire des actions à un repositionnement sur les marchés. Les inquiétudes sur les perspectives sur les valorisations des actions face à la remontée des taux d'actualisation ont gouverné les variations des indices.

Le risque sanitaire continue à inquiéter

Un autre élément a pesé sur le moral des investisseurs : la recrudescence de l'épidémie de Covid-19 due au variant Omicron en Chine a contraint les autorités à mettre en place de nouvelles restrictions qui ont limité la consommation en mars et font peser un risque sur l'activité manufacturière mondiale. En effet, la situation sanitaire est loin d'être stabilisée et des confinements supplémentaires sont envisageables après la campagne de tests obligatoires menée à Pékin fin avril.

Dans ce contexte, la Banque centrale (PBoC – People's Bank of China) a annoncé le 15 avril une baisse de 25 pb du taux de réserves obligatoires (RRR) et une baisse supplémentaire pour les plus petites banques. Par ailleurs, la situation conjoncturelle dégradée, alors que l'objectif de croissance de 5,5 % en 2022 a été réaffirmé, a conduit les autorités à multiplier les annonces de mesures de soutien à l'activité et aux marchés, y compris aux acteurs de l'économie numérique qui avaient pâti du durcissement des réglementations.

Les actions émergentes ont ainsi un peu mieux résisté que les actions développées en avril (-5,7 % pour l'indice MSCI Emerging en dollars).

Les valeurs de croissance délaissées

Une autre caractéristique des mouvements observés sur les actions au cours des dernières semaines est la nette sous-performance des indices américains, et plus particulièrement des valeurs de croissance affectées par la violente remontée des taux longs. Malgré un début de saison des résultats plutôt favorable (sur les bénéfices comme sur les ventes), l'indice S&P 500 a perdu 8,8 % tandis que l'indice du Nasdaq a reculé de 13,3 %.

Les indices européens et japonais ont moins baissé (-2,6 % pour l'Eurostoxx 50 et -2,4 % pour le Topix), sans doute en raison de leur composition (moindre poids des grandes valeurs technologiques) et de la dépréciation de l'euro et du yen face au dollar.

Mouvements significatifs sur le marché des changes

Le durcissement de ton des commentaires de la Fed a entraîné une nette appréciation du dollar. Dès le début du mois, la parité EUR/USD (1,1067 fin mars) s'est inscrite sur une tendance baissière qui l'a ponctuellement envoyée sous 1,05, au plus bas depuis début 2017. Elle termine à 1,0545, en baisse de 4,7 % par rapport à fin mars et de 7,3 % depuis le début de l'année. En sus du différentiel de politique monétaire entre la Fed et ses homologues, la phase d'aversion pour le risque traversée par les marchés a soutenu le dollar. Face à un panier de devises, l'indice DXY a gagné 4,7 % en avril.

Au sein du G10, les devises des pays où les banques centrales ont remonté leurs taux d'intérêt en avril ou indiqué qu'elles allaient rapidement le faire, sont parvenues à s'apprécier face à la devise américaine (dollars australien, néozélandais et canadien suivis des couronnes suédoise et norvégienne).

Le yen a continué de se déprécier en avril (-6,2 % face au dollar, -3,7 % pour le taux de change effectif réel). Ce mouvement a été alimenté par la réaffirmation du maintien d'une politique très accommodante par la Banque du Japon (BoJ). La parité USD/JPY, qui avait retrouvé son plus haut niveau depuis avril 2002 à plus de 131 en séance le 28 avril, a terminé le mois à 129,7 après les déclarations du porte-parole du Ministère des Finances : « les récents mouvements sur le dollar-yen sont extrêmement préoccupants. Nous prendrons les mesures appropriées si besoin, en liaison avec la BoJ et d'autres pays ».

Un message clair pour des temps troublés

Le message que les banques centrales tiennent manifestement à faire passer auprès des investisseurs et des agents économiques est qu'elles sont préoccupées par l'inflation et, surtout, qu'elles entendent prendre les décisions nécessaires pour assurer la stabilité des prix. Les incertitudes sur l'activité nées de la crise géopolitique sont élevées et ont conduit à des révisions significatives de la croissance pour 2022 mais le vrai sujet d'inquiétude à l'heure actuelle est l'évolution des coûts.

Si les ménages et les entreprises peuvent être rassurés par l'engagement des banques centrales, l'inflation pesant sur le pouvoir d'achat des uns et, dans la plupart des cas, sur les marges des autres, les investisseurs sont plus inquiets. Dans les prochains mois, il est vraisemblable que l'évolution des actions va rester sous l'influence des perspectives bénéficiaires et des tensions sur les taux.

Notre scénario central prévoit une décélération de la croissance (mais celle-ci resterait toujours à un niveau élevé) et une décrue de l'inflation (sans doute pas immédiate mais les effets de base finiront par inverser la tendance). Par ailleurs, malgré la normalisation des politiques monétaires et la remontée des taux longs, les conditions financières resteront accommodantes.

Les perspectives bénéficiaires des entreprises seront la clé des évolutions à venir des marchés actions. La nervosité et la faible visibilité à court terme sur les facteurs exogènes que sont le risque politique et la situation sanitaire incitent à un peu plus de prudence à court terme.

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Nbenatia

Nathalie Benatia est macroéconomiste, BNP Paribas Asset Management