Invité pour une conférence devant le Haut Conseil des Finances Publiques le 10 mai 2022, François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, a confié son inquiétude : la dette de l’Hexagone est trop élevée. Du moins, elle commence à poser problème dès lors qu’une hausse des taux directeurs est prévue et annoncée, bien que non encore décidée, en Europe.
Les taux directeurs bientôt en hausse en Europe ?
La Banque Centrale Européenne (BCE) n’a pas encore fait d’annonce officielle, mais elle ne saurait tarder et pourrait survenir dès cet été 2022 selon les analystes : une hausse des taux directeurs. Ces derniers sont en effet encore négatifs début mai 2022, à -0,5%. Un taux qui n’est pas compatible avec l’inflation, élevée, qui frappe l’Europe et le monde.
D’ailleurs, les banques centrales d’autres pays l’ont déjà annoncé : la FED, la banque centrale américaine, ainsi que la Bank of England, britannique, ont prévu ou ont annoncé des hausses de leurs taux directeurs, hausses qui pourraient se poursuivre. Augmenter les taux directeurs est en effet un outil pour réduire l’inflation, ou tout du moins tenter de le faire.
Or, l’Union européenne est loin d’être protégée de l’inflation. Si elle n’a atteint que 4,8% en avril 2022 en France, elle a déjà dépassé les 7% en moyenne dans la zone euro (7,4% en mars 2022, 7,5% en avril 2022), et aucune amélioration à court terme n’est prévue.
Trop de dette est une menace pour la France
Si une hausse des taux directeurs n’est, en soit, pas forcément une mauvaise nouvelle pour l’économie, ces hausses annoncées tombent au plus mauvais moment : après deux ans de crise de la Covid-19. Les pays, et en particulier la France, ont déployé des centaines de milliards d’euros pour la gestion de la pandémie, les soins et les vaccins ou encore les aides aux entreprises et aux ménages. De quoi faire exploser la dette publique.
La France, notamment, a vu sa dette passer de 100% du PIB fin 2019 à 113% fin 2021. François Villeroy de Galhau regrette que cette question, pourtant centrale, ait été peu discutée durant la campagne présidentielle. Selon lui, désormais les Français jugent que la dette « serait devenue sans limite et sans coût », a-t-il déclaré le 10 mai 2022. « Cette double illusion, si séduisante, est aujourd’hui notre plus grand danger. Ce qui était une réponse exceptionnelle à des circonstances exceptionnelles ne doit pas devenir un 'nouveau normal' ».
Or, ce n’est pas le cas : la dette doit être remboursée… et elle est associée à un taux d’intérêt qui va augmenter à mesure que les taux directeurs augmentent à leur tour.
Le coût de la dette va exploser, il faut la réduire
François Villeroy de Galhau explique que si la France ne réduit pas la dette, celle-ci va lui coûter de plus en plus cher : « les taux ont donc déjà significativement monté (l’OAT à 10 ans est passé de 0,1% il y a un an, début mai 2021, à 1,6% aujourd’hui), ils devraient continuer à le faire en particulier sur le segment à court terme ». La France va donc devoir rembourser de plus en plus : « Chaque 1% de hausse des taux d’intérêt représente donc à terme un coût annuel supplémentaire de près de 40 milliards d’euros ».
Le gouverneur de la Banque de France n’y va donc pas par quatre chemins : il n’y a qu’une solution et c’est la réduction de la dette. L’objectif serait de la porter à moins de 100% du PIB le plus rapidement possible, ce qui passe bien évidemment par une baisse des dépenses publiques, ou tout du moins un ralentissement de leur augmentation. Cette dernière est actuellement d’environ 1% par an, la Banque de France aimerait plutôt une hausse de l’ordre de 0,5% par an, soit de la moitié.