Pour la première fois depuis 2011, le 21 juillet 2022, la Banque centrale européenne a relevé ses taux directeurs de 0,5%. Dès le 27 juillet, le taux des opérations principales de refinancement passera à 0,50%. Sébastien Laye est économiste, entrepreneur et dirigeant d'entreprises dans l'immobilier, il est aussi chercheur associé au Think tank Institut Thomas More.
Économie Matin - Pour quelle raison la Banque centrale européenne (BCE) relève-t-elle ses taux ?
Sébastien Laye - Face à la montée de l'inflation, la BCE se devait de réagir : l'inflation moyenne en Europe est de 8,6% en douze mois glissés, et de 6,5% en France statistique Eurostat (au prix d'une budgétisation de l'inflation de 25 milliards et sans aucune augmentation significative des salaires). La banque centrale, qui a procrastiné de nombreux mois, n'avait plus le choix, notamment du fait des hausses vigoureuses aux Etats Unis, qui en creusant le différentiel de taux d'intérêt entre les deux continents, a fait vaciller l'euro. La première hausse en Europe est certes vive -un demi point-, mais après l'erreur initiale de politique monétaire, elle arrive (trop) tardivement : son impact sera donc limité, comme en atteste l'absence de reprise du cours de l'euro.
Économie Matin - En 2011, lors de l’augmentation des taux directeur de la BCE, l’Europe avait fait face à une forte récession. Pouvons-nous craindre la même chose cette fois-ci ?
Sébastien Laye - Inéluctablement, une remontée mécanique des taux face à l'inflation entraîne un ralentissement : cela étant, historiquement, cela ne signifie pas toujours ipso facto une récession. Avec le fort acquis de croissance post Covid (initialement, la France devait croître de 4% en 2022, nous serions ramenés à seulement 2% du fait de l'inflation et presque 0% en 2023), nous aurions pu, en augmentant les taux il y a plusieurs mois, passer à travers l'épisode de remontée des taux sans récession (définie comme deux trimestres consécutifs de contraction du PIB). Mais Madame Lagarde a mal calibré sa réaction à l'inflation, et une récession est désormais du domaine du fort possible d'ici il y a quelques mois. Elle sera modeste en magnitude (contraction du PIB) mais longue (4 trimestres), quelque part entre la crise de 2009 et la récession du début des années 1990. Surtout, cette récession aurait pu, aurait dû être évitée.
Économie Matin - Quelles conséquences cela va avoir pour les marchés ?
Sébastien Laye - Tant que les taux d'intérêt augmenteront, les marchés corrigeront. En théorie économique, le ratio cours/bénéfices (PER) du marché est l'inverse du taux sans risque corrigé d'une prime de risque. L'expansion des marchés sur les six dernières années s'explique aux trois-quarts par la baisse des taux et l'expansion des multiples. Le même phénomène va jouer en sens inverse, en se déployant sur quinze mois...