Le Cac 40 et les profits progressent, mais le chômage aussi…

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Par Marc Touati Publié le 1 mars 2014 à 7h00

Cette semaine a été marquée par deux évènements majeurs sur le front de l'économie française. D'une part, les profits des entreprises du Cac 40 et le niveau de ce dernier ont nettement progressé. D'autre part, le nombre de chômeurs a atteint un nouveau sommet historiques : 3,316 millions de personnes de catégorie A en métropole et 5,228 millions en englobant l'ensemble des catégories de chômeurs A, B, C ainsi que les départements d'outre-mer.

Face à ce contraste douloureux entre des marchés boursiers heureux et des chômeurs français de plus en plus nombreux, la tentation pourrait être grande de mettre en cause les dérives du capitalisme et de souligner que si les entreprises du Cac 40 se portent bien c'est justement parce que le chômage augmente. En d'autres termes, aux armes citoyens, la lutte des classes doit s'intensifier, tous à la Bastille…

Si ce raccourci est évidemment facile, il n'en est pas moins erroné. Et pour cause : si les profits des entreprises du Cac 40 augmentent c'est parce que près de 80 % de ces derniers sont réalisés à l'étranger. A l'inverse, la grande majorité des PME franco-françaises voient leurs profits stagner et souvent régresser. Sans parler de celles qui mettent la clé sous la porte. Autrement dit, il n'y a pas de spoliation des Français par les entreprises, mais simplement un accroissement de l'activité de ces dernières en dehors de l'Hexagone. Pourquoi ? Tout simplement, parce que la pression fiscale et le coût du travail y sont trop élevés, mais aussi parce que la croissance et la confiance y sont trop faibles.

C'est d'ailleurs pour ces mêmes raisons que le nombre de chômeurs ne cesse de battre des records. Les quelques emplois aidés, hier pour les jeunes et demain peut-être pour les « séniors », ne sont que des palliatifs qui masquent la gravité de la situation. Pis, ces aides créent des « poches à précarité », condamnant les moins de vingt-cinq ans à des emplois jeunes mal rémunérés et reléguant les plus de cinquante-cinq ans dans la pré-retraite et/ou des voies de garage.

Même si les dirigeants politiques français refusent de l'admettre depuis des années, il faut bien comprendre que tant que la croissance ne dépassera pas durablement 1,5 %, il sera quasiment impossible de baisser significativement le chômage. Et ce d'autant que les rigidités du marché du travail agissent comme un frein à l'embauche et dissuadent les entreprises de créer des emplois, par peur des coûts et des contraintes que ces derniers pourraient engendrer.


Dans ce cadre, déjà caduques l'an passées, les promesses de faire reculer le chômage d'ici la fin 2014 sont tout aussi irréalistes. C'est triste à dire, mais le nombre de chômeurs de catégorie A avoisinera les 3,5 millions de personnes en France métropole d'ici la fin 2014 et les 5,5 millions pour les catégories A, B, C avec les départements d'outre-mer.

En effet, de la même façon que le CICE n'a eu que très peu d'impact sur l'activité et les créations d'emploi, le pacte de responsabilité sera tout aussi vain. Non seulement parce que sa mise en pratique paraît hautement compliquée, mais surtout parce qu'il sera vidé de sa substance avant même d'avoir vu le jour. D'ores et déjà, la réduction des charges et des dépenses publiques promise par le Président Hollande semble vouée à l'Arlésienne.

Ce qui est le plus troublant c'est qu'en dépit des échecs successifs de sa politique économique, le gouvernement français continue d'appliquer les mêmes recettes, basées exclusivement sur des effets d'annonce et du marketing, en espérant que la « providence » fera jaillir la croissance forte… Cela fait trente ans que ces méthodes absurdes sont appliquées, avec les résultats que l'on sait. Pourtant, elles continuent de perdurer. La seule différence c'est qu'aujourd'hui, cette attitude burlesque commence vraiment à faire désordre, d'autant que la France est devenue l'un des derniers pays du monde développé à refuser de se réformer en profondeur.

Après les analyses accablantes de Standard and Poor's et de Moody's (cette dernière ayant néanmoins refusé de dégrader la note de la France, par on ne sait quel miracle et en dépit du bon sens), la Commission européenne vient d'ailleurs d'annoncer qu'elle ne croyait aucunement aux promesses gouvernementales de réduction des déficits publics et donc de la dette. Encore plus troublant, la Commission a annoncé qu'elle prévoyait un déficit français de 4 % du PIB en 2014, tout en relevant sa prévision de croissance hexagonale à 1 %. Cela signifie donc qu'elle ne base pas ses conclusions de dérapages budgétaires sur une activité en berne, mais sur le non-respect des promesses gouvernementales de réduction des dépenses publiques.

Lorsque l'on voit les dernières données d'enquêtes (PMI et INSEE) faisant état d'une stagnation voire d'une baisse du PIB aux premier et deuxième trimestres 2014, on imagine l'étendue des dégâts si la croissance n'atteint pas 1 % en 2014. Pis, la chute de 2,1 % de la consommation des ménages français en janvier 2014 indique qu'une baisse du PIB pourrait bien avoir lieu dès le premier trimestre.

Dans ce contexte de piètre crédibilité de la politique économique française, on peut aisément comprendre pourquoi les entreprises nationales, grandes, moyennes, mais aussi petites, vont encore accroître leurs investissements à l'étranger et augmenter la part de leur profit à l'extérieur de notre douce France. Dès lors, il est malheureusement inévitable que le fossé entre un Cac 40 relativement bien-portant et l'aggravation du chômage dans l'Hexagone va encore se creuser.

Dans la mesure où la culture économique des Français demeure faible et continuera de le rester grâce au travail acharné de l'establishment politique et médiatique bien-pensant, un tel décalage servira bien entendu les idées extrémistes en tous genres et fera peser un risque de crise sociétale majeure dans les prochains mois.

Le Président Hollande et le gouvernement en sont forcément conscients. Alors qu'attendent-ils pour réagir ? Comme le disait en son temps Raymond Barre à qui on reprochait (déjà !) de ne pas avoir assez réformé le pays lorsqu'il était premier ministre : « les Français ne souffrent pas assez ! » Faut-il donc connaître une crise « à la grecque » pour enfin réagir ? Peut-être. Mais une question se pose alors : la société française sortira-t-elle indemne d'un tel tsunami ? Plutôt que d'attendre la réponse, il serait bien plus opportun d'agir tout de suite…

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Marc Touati est économiste, auteur du "dictionnaire terrifant de la dette", paru aux Editions du Moment, Président du cabinet ACDEFI, Maître de conférences à Sciences Po Paris.