Baisse des taux d’usure, hausse des taux de crédit… de plus en plus d’emprunteurs voient leur crédit refusé

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Par Sandrine Allonier Publié le 1 avril 2022 à 5h01
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@shutter - © Economie Matin
1,35%Le taux moyen d'un crédit sur 20 ans est de 1,35% en mars 2022.

Alors que les taux de crédit immobilier augmentent significativement depuis le mois de février, avec des hausses de 0,25 point en moyenne, le taux d’usure pour les crédits sur 20 ans et plus, est encore en baisse au 1er avril 2022.

Ce taux maximum auquel il est possible d’emprunter atteint ainsi un plus bas niveau historique, à 2,40 %, dans un contexte pourtant de fortes hausses des taux, entrainant un effet ciseau et l’exclusion de plus en plus d’emprunteurs, et plus seulement les plus fragiles ou ceux qui ont un taux d’assurance élevé en raison de leur âge ou d'un problème de santé.

Les taux d’usure remontent sur les courtes durées mais baissent encore sur 20 ans et plus

Dans le contexte actuel de remontées des taux de crédit, la publication des taux d’usure du 2ème trimestre, taux au-delà desquels il est interdit pour un établissement de prêter, était très attendue. La sentence vient de tomber, dans le Journal Officiel du 28 mars : si sur les durées courtes, moins de 10 ans, le taux d’usure remonte, il baisse à nouveau pour les crédits sur 20 ans et plus pour atteindre son plus bas niveau à 2,40 %, contre 2,41 % au T1 2022, mais 2,6 % il y a un an.

Les taux d’usure sont actuellement totalement décorrélés de la réalité du marché. Pour preuve, sur 20 ans et plus, les durées de crédit les plus répandues, le taux d’usure a baissé de 20 points en un an, passant de 2,60 % à 2,40 %, alors même que les taux de crédit ont augmenté de 15 points. En avril 2021, on empruntait en moyenne à 1,25 % contre 1,40 % actuellement, avec un taux d’usure actuellement plus bas. On comprend donc bien qu’aujourd’hui de nombreux emprunteurs soient de fait exclus du crédit.

Une méthode de calcul du taux d’usure qui pose problème

C’est la méthode de calcul de ce taux d’usure, censé à la base protéger les emprunteurs en interdisant l’octroi de prêt à des conditions de taux « hors marché », qui pose problème dans le contexte actuel de remontée des taux. En vertu de l'article L. 314-6 du code de la consommation, « constitue un prêt usuraire tout prêt conventionnel consenti à un taux effectif global qui excède, au moment où il est consenti, de plus du tiers, le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les établissements de crédit et les sociétés de financement pour des opérations de même nature comportant des risques analogues ».

En cas de remontée des taux, la méthode de calcul du taux d’usure se basant sur les taux effectivement accordés durant le trimestre précédent, plus une marge d’un tiers, pose problème. Le taux d’usure des 3 prochains mois est donc calculé sur la base des taux effectivement accordés – assurance et tout frais inclus – en janvier, février et mars 2022. Or en janvier et février, on pouvait encore emprunter avec un très bon profil à moins de 1 % sur 20 ans. La hausse des taux, récente et très forte, n’a donc pas été prise en compte, ou très peu seulement. C’est ce décalage de 3 mois qui provoque ainsi un effet ciseau qui exclut du crédit une plus large catégorie d’emprunteurs. Et comme ceux qui se voient proposer un taux de crédit trop élevé ne peuvent emprunter à cause des taux d’usure, ces taux plus élevés ne sont pas pris en compte le calcul du taux d’usure, qui met donc plus de temps à remonter.

De plus en plus d’emprunteurs pénalisés par le taux d’usure dans un contexte de hausse des taux de crédit

En mars, comme en février, la plupart des banques ont remonté significativement leurs taux de crédits, certaines repassant même la barre symbolique des 2 % sur les durées de 20 ans et plus, pour les profils avec les plus bas revenus. D’après les premiers barèmes reçus pour avril, les hausses de taux devraient se poursuivre, dans un contexte marqué par l’inflation et la remontée des taux d’emprunt d’Etat à 10 ans repassés au-dessus de 1 % fin mars.

C’est le taux annuel effectif global (TAEG) du prêt qui ne doit pas dépasser le taux d’usure, en incluant donc le taux nominal mais aussi les frais de dossier, frais de courtage, coût d’assurance et garantie obligatoire… (article R. 314-11 du code de la consommation). On comprend bien donc qu’avec des taux atteignant actuellement parfois 2 % hors assurance, certains dossiers ne passent plus…

Ainsi, dans un sondage interne auprès des 200 agences du réseau Vousfinancer, 76 % des répondants déclarent avoir eu récemment un refus de prêt à cause du taux d’usure ou du taux d’endettement maximum. Dans une agence c’est même 1 dossier sur 5 qui dépassait le taux d’usure au mois de mars.

Exemple : couple de 40 ans, 45 000 € de revenus qui souhaite emprunter 200 000 € sur 20 ans avec 10 % d’apport.

Taux proposé dans une grande banque nationale : 1,95 % sur 20 ans

Taux d’assurance : 0,30 % (sur capital initial, 50 % sur chaque tête)

Mensualité assurance incluse : 1057 €

TAEG : 2,70% (incluant la caution Crédit Logement de 2630 € et 1000 € de frais de dossier) - supérieur au taux d’usure à 2,40% donc REFUS alors que taux d’endettement à 28 %.

« Avec les taux d’usure actuels, les 3 prochains mois risquent d'être très compliqués. Alors que jusqu’à maintenant, les profils les plus fragiles ou avec un problème de santé ou un âge avancé pénalisés par le taux d’assurance, étaient les plus impactés par ces taux plafonds, ce sont désormais des profils plus classiques qui sont aujourd’hui également exclus du crédit. Heureusement des solutions existent, comme tenter de négocier le taux du crédit, les frais de dossier, jouer sur la couverture de l’assurance ou réduire nos honoraires de courtage, mais elles ne sont pas tenables sur la durée… » conclut Julie Bachet, directrice générale de Vousfinancer.

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Après avoir été journaliste économique, Sandrine Allonier est responsable des études économiques et porte-parole de meilleurtaux.com, courtier en crédit immobilier.En 2014, elle rejoint VousFinancer.com pour entretenir et renforcer les relations avec les partenaires bancaires et contribuer ainsi au développement de ce courtier.  

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