Grèce : fermeture des banques, contrôle des capitaux et référendum… La sortie de la zone euro approche !

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Par Captain Economics Publié le 1 juillet 2015 à 5h00
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@shutter - © Economie Matin
35 %Le taux d'emprunt de la Grèce vient d'augmenter de 35 %.

Si vous avez raté l'actualité du week-end (bon ok, picoler du rosé au soleil c'est tout de même plus cool que de parler d'Emergency Liquidity Assistance et de contrôle des capitaux...) et que vous êtes encore fatigué de votre week-end, sachez que le réveil des grecs ce matin est autrement plus difficile que le votre... et pas pour les mêmes raisons !

En effet, entre l'annonce d'un référendum vendredi soir sur l'acceptation du plan d'aide (contre réformes) proposé par les créanciers de la Grèce, le début des files d'attente devant les distributeurs en Grèce dès samedi, l'annonce hier soir de l'arrêt de l'extension du mécanisme de financement de la Banque Centrale Européenne (ELA), la confirmation que les banques grecques seront fermées jusqu'au 6 juillet et la fermeture de la bourse d'Athènes aujourd'hui pour éviter le krach... autant vous dire que les grecs se réveillent avec une bonne grosse gueule de bois ! Mais comment en est-on arrivé là ? La sortie de la Grèce de la zone euro est-elle inévitable ?

Bon, le Captain' ne va pas vous refaire l'histoire de la Grèce depuis le début (comptes truqués, entrée dans la zone euro, taux intérêt bas, endettement, crise de la dette, plan d'aide, austérité, déflation interne, aggravation de la crise, restructuration privée, élection de Syriza, re-crise...). Il y a pas mal de manières de raconter cette histoire grecque, avec la possibilité d'accuser (1) la troïka (FMI, UE, BCE) pour les mesures d'austérité, (2) la Grèce pour avoir truquer ses comptes et ne pas savoir lever l'impôt, (3) l'Allemagne pour sa position trop ferme (voir "Who's Unreasonable Now?" du prix Nobel Paul Krugman), (4) l'Europe toute entière pour son incapacité à créer une zone monétaire optimale (voir "Les défauts de conception de la zone euro : une nouvelle crise basée sur les mêmes causes ?") ou (5) la méchante finance sans qui la crise des subprimes ne serait pas arrivée et qui spécule sur un défaut de la Grèce.

Globalement, il n'y a en réalité pas UN seul fautif dans l'histoire... La situation actuelle est une somme d'un peu tout ça : la pondération sur chacune des cinq causes (il peut y en avoir d'autres) dépendant de la vision de chacun. Mais au final, le résultat est le même : c'est le bordel ! Il y a un peu plus de quatre mois, le Captain' avait rédigé un article sur le mécanisme de refinancement des banques commerciales auprès de la Banque Centrale Européenne "La BCE a t-elle vraiment fermé son guichet aux banques commerciales grecques ?" en expliquant que les banques commerciales grecques étaient dépendantes de ce que l'on appelle l'Emergency Liquidity Assistance (ELA). Pour les flemmards n'ayant pas envie de relire tout cet article, voici donc un copier coller du passage sur l'ELA.

"Et c'est là qu'arrive THE solution de la dernière chance : l'Emergency Liquidity Assistance (ELA). Lorsqu'une banque ne peut plus ou n'est plus autorisée à se financer auprès de la BCE, par exemple tout simplement car elle n'a plus d'actifs éligibles à apporter en garantie, une banque peut alors obtenir des liquidités auprès de sa Banque Nationale (ici donc la Banque Nationale de Grèce), en payant un taux d'intérêt supérieur et pour des montants relativement limités (taux de 1,55%, contre 0,05% auprès de la BCE). Les banques grecques sont déjà pas mal habituées à l'ELA, qui a été largement utilisé au moment de la crise, mais aussi très récemment, début janvier 2015, à la suite d'une forte baisse des dépôts ayant entrainé un problème de liquidité (source: "Greek banks make requests for ELA funding").

Mais comment fonctionne l'Emergency Liquidity Assistance ? Et bien globalement de la même manière que les opérations de la BCE, sauf que (1) les actifs éligibles sont bien plus larges, (2) le taux d'intérêt est plus élevé, (3) le prêt est accordé par la Banque Nationale du pays concerné qui assume alors les coûts et les risques liés à la fourniture de la liquidité d'urgence. Mais la BCE garde un contrôle sur tout cela : en effet, les opérations dans le cadre de l'ELA peuvent être interdites par la BCE si celle-ci juge que les opérations "ELA" interfèrent avec les objectifs et les missions de l'Eurosystème (voir pour tous les détails les "Procédures relatives à la fourniture de liquidité d'urgence"). Par exemple, la BCE peut interdire une opération ELA (= voter la mort d'une banque à la majorité des deux tiers) si elle juge qu'il s'agit d'un problème de solvabilité (et non de liquidité) et qu'une opération d'apport de liquidité ne ferait que retarder la faillite d'une banque (voire même amplifier les dégâts en gonflant la bulle avant qu'elle n'explose)."

Hier, la Banque Centrale Européenne a annoncé arrêter l'extension du programme d'Emergency Liquidity Assistance (source : "ELA to Greek banks maintained at its current level" - ECB), suite à l'annonce du référendum en Grèce et à la non-prolongation du programme d'ajustement proposé. La tournure de la phrase est plus précisement : "nous maintenons le plafond de l'ELA à son niveau actuel", mais ce qui revient à dire "nous ne prêterons pas davantage, et si aucun accord n'est trouvé, vos banques et votre système financier vont s'écrouler" (traduction en language Captainistique).

"Following the decision by the Greek authorities to hold a referendum and the non-prolongation of the EU adjustment programme for Greece, the Governing Council declared it will work closely with the Bank of Greece to maintain financial stability. Given the current circumstances, the Governing Council decided to maintain the ceiling to the provision of emergency liquidity assistance (ELA) to Greek banks at the level decided on Friday (26 June 2015)."

Sans acceptation de mesures structurelles (hausse TVA, réforme des retraites), la troïka refuse de verser la prochaine tranche d'aide à la Grèce. Sans financement de la part de la troïka, l'Etat grec ne peut faire face à ses obligations et va devoir faire défaut sur sa dette. Etant donné cette situation, la BCE arrête l'extension de l'ELA et les banques grecques ne peuvent plus se refinancer. Pour éviter le bank-run, les banques ferment. Et voilà donc comment l'on passe d'une proposition de référendum à une fermeture des banques jusqu'au référendum en 48 heures...

Mais quels sont les différents scénarios possibles ? (1) Si lors du référendum du 5 juillet, les grecs votent contre les mesures proposées par les créanciers de la Grèce, le financement de l'Etat (via plan d'aide) et des banques grecques (via BCE / ELA) devrait s'arrêter, et la seule solution possible semble être un "hard" défaut sur dette et une sortie de la zone euro. (2) Si lors du référendum du 5 juillet, les grecs votent pour, alors la situation pourrait se stabiliser (mais pour combien de temps ?) et il est possible d'imaginer à terme une restructuration de la dette grecque (négociation avec les créanciers). (3) Si comme en 2011 (sous Papandréou), le référendum est finalement annulé avant le 5 juillet (la situation devenant incontrôlable en Grèce), on retourne à la même situation qu'il y a 15 jours (encore une fois, sans régler le problème et en ayant sûrement renforcé encore le sentiment anti-euro d'une partie de la population grecque), avec simplement un remaniement possible en Grèce..

Mais alors, la sortie de la Grèce de la zone euro est-elle inévitable ? La situation est actuellement davantage politique qu'économique: il est donc très difficile de savoir ce qu'il va se passer. Dans un speech hier (sous-titre en anglais), Alexis Tsipras critique ouvertement le choix de la troïka, qui, en arrêtant l'ELA et le plan d'aide avant le référendum, exerce une pression énorme sur les grecs, ce qui aura forcément une influence sur le vote (c'est d'ailleurs peut-être un peu ce qui est voulu par la troïka...). Il ne faut pas oublier que les négociations entre la Grèce et ses créanciers est en réalité un "chicken-game" : chaque joueur fonce avec sa voiture sur l'autre, et le premier qui dévie de sa trajectoire a perdu (jeu de la poule mouillé). Le problème du chicken-game est que si les deux joueurs foncent tout droit, c'est un carnage... Et pour le moment, chacun garde son pied bien appuyé sur l'accelérateur !

Selon Mohammed El-Erian, ex CEO de PIMCO (le plus gros fond obligataire au monde), la Grèce a 85% de chance de sortir de la zone euro (source : "El-Erian Sees 85% Grexit Odds as ‘Massive' Contraction Looms"). Et à voir la réaction des marchés ce matin, c'est un peu la panique générale. Sur le marché obligataire, le taux d'emprunt à 10 ans grec a subi sa plus forte hausse avec une augmentation de près de 4 points en un jour (+35%) (source : "Bunds Surge Most Since 2011 as Greek Crisis Escalates"), et le CAC40 perdait près de 4% à l'ouverture. Bref, activez vos alertes "Le Monde" sur votre téléphone et posez le à côté de votre verre de rosé : les jours à venir vont être décisifs !

Conclusion : "Boy, That Escalated Quickly" !

Article publié sur le site de Captain Economics

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Doctorant en économie à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et professeur d'économie à l'IESEG Paris, Thomas Renault est le créateur du site Captain Economics, un blog ayant pour but de démystifier l'économie, en abordant cela sans prise de tête ni prise de parti.  

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