Ne laissons pas la Grèce devenir le cimetière des ambitions de l’Europe

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Par Daniel Karyotis Publié le 11 septembre 2012 à 10h03

De retour de Grèce, je porte un regard différent sur ce qui s’y passe, en essayant d’avoir à la fois une vision socratique des choses et une distance platonicienne des événements.

Regard différent car tous ceux qui ont été à Athènes cet été ont été frappés par la pauvreté croissante des Athéniens et la déshérence des jeunes qui forment des bataillons impressionnants de SDF dans les rues. Une jeunesse frappée par un taux de chômage de plus de 50 %, les meilleurs et les plus talentueux d’entre eux n’hésitant d’ailleurs plus à quitter le navire hellène. En Grèce comme en Espagne, la réalité des faits est souvent plus mordante que la perception des choses !

Au-delà des chiffres dont nous sommes abreuvés au quotidien sur la croissance économique, l’inflation ou le chômage, nous ne mesurons que trop peu la portée sociale et humaine d’un tel marasme économique. Et un jeune qui n’a ni espérance ni croyance devient une cible facile pour ceux qui veulent plonger un pays dans le chaos et la révolution. Ne sous-estimons jamais ces risques car seul celui qui a quelque chose à préserver garde raison et rationalité !

Regard différent car les Grecs ont un amour réel pour la France et les Français et nul doute que les soutiens présidentiels de Nicolas Sarkozy d’abord et de François Hollande aujourd’hui pour leur pays y contribuent fortement. Attrait réciproque car les touristes français ont afflué me semble-t-il cet été sans doute aidés par un effet d’éviction de l’Afrique du Nord (Tunisie, Maroc) au profit de l’Europe du Sud (Grèce, Italie, Espagne..).

Ainsi fonctionnent les hommes aujourd’hui qui "swappent" une destination contre une autre tels les traders avec les devises ! Sans doute mes origines familiales (mes grands-parents paternels étaient grecs) expliquent- elles ma sensibilité particulière sur le sujet. Mais il est un fait que les Grecs font aujourd’hui des efforts surhumains pour s’en sortir et que notre devoir est de les aider.

Bien sûr, le laxisme et la fraude ont été leurs péchés mignons pendant des décennies. Mais aujourd’hui la situation s’est brutalement inversée. Ne faisons pas payer à la jeunesse grecque les errements de leurs ainés. L’Europe doit démontrer qu’elle est un gage de stabilité, de croissance et de paix. Elle doit former un bloc uni et homogène quand l’un de ses membres est en difficulté.

En imposant des règles certes, et des contrôles bien sûr, mais ce sont dans les périodes difficiles que se forgent les grandes communautés. Ceux qui raisonnent en purs technocrates en disant qu’une sortie de la Grèce ne poseraient "techniquement" pas de problèmes majeurs n’ont rien compris. Rien compris à la transformation accélérée du monde qui s’opère devant nous et qui a comme conséquence que chaque pays européen pris isolément est désormais un "nain de jardin politique et économique".

Rien compris car le cas grec est peut-être le premier test réel de crédibilité pour l’Europe et son ambition de compter comme puissance mondiale. Rien compris en essayant de reproduire avec la Grèce le même funeste raisonnement que firent les Américains en décidant de laisser tomber Lehman Brothers en septembre 2008.

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Daniel Karyotis est le président de la banque Palatine depuis 2007. Homme d'affaires, il a également publié deux ouvrages, la notation financière (1995) et la France qui entreprend (2011).