La grande distribution fait sa révolution

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Par Nicolas Bressant Modifié le 19 avril 2018 à 12h40
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@shutter - © Economie Matin
5 000Dès 2018, Monoprix compte proposer au moins 5 000 produits en livraison sur Amazon Prime Now.

Livraison, logistique, services aux consommateurs… Les grands groupes français de distribution rivalisent d'innovation à travers une série de nouveautés disruptives. Multipliant les alliances entre eux ou avec de nouveaux acteurs comme Amazon, Casino, Carrefour, Leclerc ou encore les enseignes du groupe Mulliez tentent de réinventer la consommation de demain.

Longtemps figé suivant un modèle unique, le monde de la grande distribution est aujourd’hui à un tournant, rendu inévitable par l’avènement du digital. Un simple exemple, mis en évidence dès 2013 par l’académicien Michel Serres, suffit d’ailleurs à illustrer la transformation numérique de notre société : « la véritable adresse n'est plus aujourd'hui l'adresse postale ; c'est à partir de l'ordinateur, de la tablette ou du téléphone mobile qu'ont lieu de nos jours la plus grande partie des échanges. Ainsi donc l'adresse électronique (l'« adel », comme disent les Québécois) ou le numéro de téléphone mobile sont devenus prépondérants. » Conscients de ce changement en profondeur des comportements, les chaînes de grande distribution alimentaire proposent depuis plusieurs années des services de « drive » et de livraison à domicile.

Depuis le 26 mars 2018, Monoprix est passé à l’étape supérieure. En s’alliant à Amazon, les magasins de l’enseigne du groupe Casino sont les premiers à faire le pari de l’avenir : celui de recourir à un des redoutables GAFAM pour livrer leurs produits. Pour Amazon, leader du e-commerce en France selon Kantar Worldpanel avec 18,9% de parts de marché, c’est l’occasion de se positionner dans le secteur de l’alimentaire où le géant est sept fois plus petit que Leclerc. Déjà leader de la distribution multicanale aux Etats-Unis depuis le rachat de Whole Foods Market, et donc de ses 473 magasins, Amazon accroît sa position de leader de la distribution multicanale en Hexagone.

Dès cette année, Monoprix proposera donc entre 5 000 et 10 000 produits, disponibles à la livraison sur Amazon Prime Now. Réservé aux abonnés pour 49 euros par an, ce service permettra de recevoir ses courses chez soi et dans l’heure (7,90 euros), ou dans les deux heures (3,90 euros), et gratuitement pour plus de 40 euros d’achats. À partir du deuxième semestre 2018, les commandes seront préparées dans deux magasins Monoprix, qui pourront être épaulés par d’autres sites si la demande explose.

Casino défie Carrefour et E.Leclerc sur le terrain de l’innovation

Dans la guerre commerciale que se livrent les industriels du secteur, Casino avait déjà amorcé un virage dans la livraison. En 2016, le groupe français a lancé son service de livraison en moins d’une heure dans un périmètre de 500 m autour des magasins Monoprix (Shop1h), puis offert l’option de laisser son chariot dans une zone dédiée en magasin (Shop and go).

Suite à l’accord avec la plateforme britannique Ocado en novembre 2017, les consommateurs de région parisienne, de Normandie et des Hauts-de-France pourront également, d’ici 2019, recevoir chez eux les produits de l’enseigne sous 24 heures. Une offre de plus en plus complémentaire et diversifiée, qui répond aux récentes attaques de la concurrence de la grande distribution alimentaire.

Fin mars, E.Leclerc a inauguré son service de livraison à domicile à Paris, baptisé Leclerc chez moi, avec des prix annoncés 15 à 20 % plus bas que ses rivaux. Un projet de drive piéton est également prévu pour 2020 à Montparnasse, rendu possible par l’ouverture d’une énorme plateforme logistique à Bruyères-sur-Oise (95) début mars 2018. Bientôt aux commandes d’une nouvelle plateforme alimentaire à Aulnay-sous-Bois, Carrefour n’est lui non plus pas en reste en matière d’innovation. Avant la mise en service de cet outil qui permettra de livrer 8 000 commandes par jour en 2019, le géant tricolore multiplie déjà les drives piétons et la livraison gratuite à J+1 de 14 000 articles à Paris, Lyon et Saint-Étienne.

Face à l’automatisation, l’humain fait de la résistance

Question de survie pour les hypermarchés, la métamorphose concerne également les acteurs de la grande distribution non-alimentaire. À l’image de l’alliance entre Casino et Conforama, Leroy Merlin, Auchan et Boulanger, appartenant au groupe Mulliez, ont décidé de s’unir derrière la plateforme Enki, spécialisée dans la maison connectée. Les trois poids lourds se sont engagés à produire des objets compatibles avec cette solution créée en avril 2017 par Leroy Merlin, comme des ampoules, volets ou appareils de chauffage qui peuvent être contrôlés à partir d’une même application. D’ici la fin de l’année, Enki a pour ambition de proposer plus de 200 références issues de 35 marques. Misant sur la proximité, les trois enseignes entendent ainsi tenir tête aux Apple, Amazon et Google, qui commercialisent déjà leurs propres systèmes de gestion de domotique…

Faut-il y voir une forme de résistance face à la robotisation rampante de la distribution ? Avec l’automatisation des tâches répétitives, d’aucuns craignent la disparition de professions comme les hôtesses de caisses et les employés d’entrepôts, de plus en plus remplacés par des machines. En 2015, le groupe E.Leclerc a ainsi ouvert un entrepôt presque totalement robotisé près de Châlons-en-Champagne, qui doit permettre de desservir les 102 points de vente de la région. Pourtant Michel Édouard Leclerc, son PDG, assure qu’aucun emploi ne sera supprimé et que 10 000 recrutements sont même prévus d’ici 2020. Quant aux caissières, celles d’Intermarché à Clichy ne manipulent certes plus d’espèces, mais elles accompagnent les clients dans leur parcours d’achat. Si l’humain ne semble donc pas totalement exclu de cette évolution, cette dernière pourrait au contraire coïncider avec la création d’opportunités pour redonner du sens au travail.

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Nicolas Bressant est chef de projet européen Innovation -Transfert de technologie. Études marketing.