La crise sanitaire pèse sur le pouvoir d’achat. Pour conserver leur clientèle, les enseignes alimentaires s’engagent dans une guerre des prix dont tout le monde ne sortira pas indemne.
Quelles seront les conséquences de la pandémie de Covid-19 sur le secteur de la grande distribution alimentaire ? Jusqu’ici, les enseignes ont réussi à éviter la tempête. Les ventes ont résisté et même, pour certaines enseignes, progressé. « La situation sert la grande distribution parce que le nombre de repas pris à domicile a augmenté », explique Olivier Dauvers, expert en grande distribution.
Un horizon chargé
Mais l’horizon s’annonce incertain car « les marges de manœuvre budgétaires des ménages se réduisent et il y a peu de chances que le pouvoir d’achat reparte de l’avant rapidement », pronostique Philippe Goetzmann, consultant stratégique retail et grande consommation. Dans ces conditions, « il faut s’attendre à une concurrence accrue de la part des distributeurs qui va s’accompagner de fortes tensions sur les prix », estime l’expert.
Cette guerre tarifaire a déjà commencé. Bien que les ventes de produits bios s’envolent, le différentiel de croissance entre produits traditionnels et produits bios est au plus bas depuis huit ou neuf ans. Ce qui prouve que la guerre des prix atteint également les produits bios dont la demande pourrait justifier une hausse des prix.
Redistribution des cartes
Selon Philippe Goetzmann, tout le monde ne sortira pas indemne de cette course aux prix. Même si la grande distribution sera relativement préservée : « Il va y avoir de la casse et, comme à chaque fois, les plus solides rachèteront les plus faibles ou les laisseront disparaitre pour prendre la place vacante ».
Mécaniquement, cela renforcera la concentration dans le secteur. Mais cette redistribution des cartes ne sera guère visible pour le grand public. « Le nombre d’enseignes ne va pas diminuer, car les consommateurs attendent de la différenciation, simplement ces dernières seront concentrées entre les mains d’une frange d’acteurs plus réduite », analyse l’expert.
Gagner la bataille du digital
La crise sanitaire va aussi faire office d’accélérateur de la transition digitale. Avec le confinement, de nombreux consommateurs se sont orientés vers la vente en drive et le e-commerce. Pour Jean-Charles FHAL, un expert de la grande distribution « Tout l’enjeu pour les distributeurs va être de fidéliser ces nouveaux clients », en lui offrant une expérience, un choix et un service de haute qualité sans faire fondre les marges. « Il ne faudra pas tarder car la concurrence en ligne s’avive, avec des enseignes spécialistes comme Picard et Grand Frais par exemple qui progressent à grand pas sur ce terrain », relève le spécialiste. Ce qui n’échappe pas aux investisseurs : Grand Frais pourrait être la première acquisition de 2MX Organic, la SPAC créée par Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Moez-Alexandre Zouari.
La data, oui, mais pas seulement. Pour renforcer leurs offres et leurs services, les magasins développeront davantage la transformation et la préparation culinaire sur place. Selon Olivier Dauvers : « Les magasins vont devenir des cuisines ».
En attendant l’éclaircie salvatrice, les acteurs du secteur ont de quoi s’occuper.