Gilets jaunes : c’était prévisible et ça recommencera

Par Bertrand de Kermel Modifié le 6 janvier 2019 à 21h17
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@shutter - © Economie Matin

OPINION

Le 22 janvier prochain, s’ouvrira le Forum de Davos. Nous allons à nouveau entendre que les inégalités ont encore augmenté sur la planète (et donc dans nos pays), que les X% les plus riches ont encore capté un peu plus de richesses au détriment des autres, que l’instabilité et donc la précarité deviennent la règle, etc.

Parallèlement, on continuera de répondre aux gilets jaunes par des mesures ponctuelles et partielles, qui ne s’inscrivent pas dans un plan d’ensemble. Le mouvement repartira un jour, car c’est une répétition du mouvement des indignés de 2011 et les réponses apportées sont les mêmes.

Relisons le manifeste de Stéphane Hessel, paru fin 2010 : Indignez-vous.

Stéphane Hessel proposait d’aller dans cinq directions : - Trouver un motif d'indignation (Hessel se refusait à proposer un ou deux motifs, tant il y en avait) - Changer de système économique - Mettre fin au conflit israélo-palestinien - Choisir la non-violence - Endiguer le déclin de notre société. Tout cela n’est-il pas encore d’actualité ?

Prenons le point 3 de Stéphane Hessel : « changer le système économique. » Vaste programme ! Est-ce seulement possible ? Pour le savoir, commençons par définir ce système, puis à identifier ses principaux défauts.

Le système économique actuel va vers sa fin.

Le définir est très simple. Le Président de la République s’en est chargé lors de ses vœux 2019. Qu’on en juge : «  …. Vous le voyez, nous sommes en train de vivre plusieurs bouleversements inédits : le capitalisme ultralibéral et financier trop souvent guidé par le court terme et l’avidité de quelques-uns, va vers sa fin... » ? Voilà une information importante. Le système va vers sa fin. Donc, pas de regrets pour le changer.

Après la définition, examinons les défauts. C’est encore très simple. Le Président du Forum Economique Mondial de Davos, Klaus Schwab, s’en est chargé pour nous dans Le Figaro du 16 janvier 2017. Qu’on en juge : « Il faut une réforme du système capitaliste. Les gens ne s'y identifient pas en raison de trois sortes de défaillances : la corruption, le court-termisme des acteurs, des mécanismes fondés sur la méritocratie qui en tant que tels engendrent des gagnants et des perdants, or les premiers tendent à se désintéresser totalement du sort des seconds ! ».

On peut ajouter d’autres défauts : évasion fiscale à échelle planétaire, inégalités d’un niveau sans précédent, droits de l’homme bafoués dans le mondialisation économique etc

Troisième point : par quel système remplacer ce capitalisme «ultra libéral et financier», dénommé également «capitalisme anglosaxon» ? Là encore, c’est très facile.

Le bon vieux capitalisme rhénan est sans doute la voie de l’avenir, car il est plus juste.

Que nous dit le Président du Forum Economique Mondial de Davos sur ce sujet ? L’article du Figaro précité précise : «Son cœur (Klaus Schwab) penche pour le capitalisme rhénan, pour l'économie sociale de marché à l'allemande, sa culture d'origine, où tous les «stake holders» (les parties prenantes, dont les salariés) sont pris en compte, et pas seulement les «stock holders» (les actionnaires) ».

Il y a encore mieux. Cette forme de capitalisme est une obligation légale ! Relisons l’article 3 alinéa 3 du traité sur l’Union Européenne ! Cet article est bafoué depuis l’origine. C’est scandaleux.

Article 3.3 : « L'Union établit un marché intérieur. Elle œuvre pour le développement durable de l'Europe, fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique ».

Nous avons là une ligne toute tracée pour le système politique (le développement durable) et pour son pilier économique : l’économie sociale de marché (encore dénommée : capitalisme rhénan).

Vers l’avènement prochain du développement durable ?

Quatrième et dernier point. Qu’est ce que le développement durable ?

Le Sommet de la Terre tenu à Rio en 1992, a défini le développement durable dans les termes suivants : « un développement économiquement efficace, socialement équitable, et écologiquement soutenable ». Il repose donc sur trois piliers inséparables  : l’économie, le social et l’environnement. Nous en sommes très loin.

Il appartient donc au Président de la République de mettre en place le développement durable en France en Europe et dans la mondialisation. A minima, de rendre le processus d’évolution irréversible. C’est son Job. C’est lui le «patron» de la France. C’est lui le co-patron de l’Europe. C’est enfin lui qui co-signe les accords de libre échange, donc le cadre de la mondialisation.

Bien évidemment, ce point fondamental doit avoir une place de choix dans la consultation publique qui va être menée.

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Ancien directeur général d'un syndicat patronal du secteur agroalimentaire, Bertrand de Kermel est aujourd'hui Président du comité Pauvreté et politique, dont l'objet statutaire est de formuler toutes propositions pour une "politique juste et efficace, mise délibérément au service de l'Homme, à commencer par le plus démuni ". Il est l'auteur de deux livres sur la mondialisation (2000 et 2012)