Quel étrange sentiment que celui de cette rentrée politique où plus personne ne sait au juste s'il existe un centre du pouvoir avec une orientation.
D'un côté, la France s'est manifestement égarée dans la guerre avec la Syrie
Après avoir annoncé avec un frétillement de queue digne d'un berger allemand une opération militaire contre Bachar el-Assad, après avoir livré de prétendues preuves tonitruantes selon lesquelles environ 200 Syriens seraient morts d'une attaque au gaz dans la banlieue de Damas (mais que diable le pouvoir syrien gaze-t-il les banlieues fidèles de sa capitale?), ce qui constituerait un incontestable crime contre l'humanité, après avoir fait donné le ban et l'arrière-ban des médias officiels en faveur de la guerre, tu fais mine, François, de tergiverser et de ne plus savoir si oui ou non tu veux y aller.
Il est vrai que tu as toi-même, par ta précipitation, enfermé la France dans une seringue épouvantable: le Parlement anglais t'a fait faux bond, le Président américain adorerait que tu y ailles à sa place, la Prusse fait front contre toi, et le Tsar annonce qu'il mordra au premier écart. Sans compter les provocations de Bachar qui se charge de toi à la récréation, tellement tu ne lui fais pas peur.
Dans les affaires du Royaume, la déroute est identique
Tes ministres ont répété à l'envi qu'il fallait une pause fiscale. Nous sommes maintenant à quelques jours de la présentation de la loi de finances, et si le thème de la pause fiscale continue à prospérer, il ne se passe pas un jour sans l'annonce d'une nouvelle taxe.
Ainsi, fin août, le Premier Ministre annonçait une hausse des cotisations pour financer les retraites. Le lendemain, le Ministre des Finances annonçait une baisse des cotisations de la branche familles pour compenser cette hausse. Ensuite, la rumeur courait selon laquelle une hausse de taxe compenserait de mouvement de passe-passe. Puis sont venues les annonces sur la réforme de la fiscalité des entreprises, pendant que la rumeur courait d'une suppression d'avantages familiaux pour les contribuables.
En fait, le gouvernement procède par cacophonie. Tout et son contraire y est dit en permanence, sans que l'on ne sache s'il s'agit d'une stratégie ou d'une déroute digne de 1940.
Je dois te mettre en garde contre le danger que représente pour toi, François, cette étrange gouvernance fondée sur la palinodie, l'hésitation, les circonvolutions et les pas de côté. Peut-être dois-je te rappeler que la première qualité d'un monarque est d'être prévisible. Pour que tout un peuple te suive, même ceux qui sont au dernier rang doivent avoir une bonne vision de ton cheminement, et même eux doivent pouvoir anticiper les changements de direction que tu leur demandes d'accepter.
Le problème avec ton gouvernement est que, outre sa platitude ennuyeuse, sa route est trop sinueuse
On a si souvent l'impression de revenir en arrière, ou d'être déjà passé par le même endroit...
Prends l'exemple de la défiscalisation des heures supplémentaires. On dit que tu as essayé de les rétablir. En tout cas, la rumeur en a couru dans Paris, de façon suffisamment insistante pour certains de tes députés interviennent pour dire non. Mais à quoi rimerait cette mesure que tu rétablirais après l'avoir supprimée rageusement l'an dernier? Et penses-tu raisonnable de donner aujourd'hui le sentiment que tu t'en repens?
A tous ces signaux, à toutes ces perpendicules, les Français perdent leur latin, et comme tu le sais, sans le latin, point de Français correct.