Franck Duval est président du S3E chez SUEZ, Syndicat Autonome de l'Encadrement, Environnement, Eau. Bien qu’opposé très activement à l’OPA de Veolia pendant de longs mois, le S3E n’a pas fait partie de l’intersyndicale menée par les autres syndicats. Le rachat finalement acté, l’heure est désormais à un premier bilan et, selon Franck Duval, l’essentiel a été sauvé.
Êtes-vous optimiste pour Suez et ses salariés ?
« Veolia a capté 10 milliards sur les 18 milliards de notre activité. On repart avec nos structures France. On conserve une grande partie de nos bases, toute l’Afrique, toute l’Asie, des pays européens : l’Italie, la Tchéquie, l’Azerbaïdjan, l’Ouzbékistan. Nous avons des implantations en Amérique du Sud, en Amérique Centrale et du Nord, même si ce sont de toutes petites bases. Nous avons notre structure financière, économique. Nous avons toutes nos chances de tirer notre épingle du jeu. Et nous avons sauvé l’essentiel, notre indépendance. »
Comment envisagez-vous les évolutions de gouvernance au sein du groupe ?
« Nous souhaitons un changement de gouvernance et c’est ce que désire également Thierry Déau. Il s’est engagé sur une société à mission, sur un autre mode de fonctionnement. Depuis l’accord de l’hôtel Bristol, nous sommes en relation avec lui pour qu’il tienne ses engagements. Nous appuyons la démarche de M. Déau parce qu’elle correspond à ce que les salariés et ceux de l’encadrement attendaient. M. Déau nous a apporté un nouvel élan. Il nous sauve de la disparition. »
Comment Sabrina Soussan, votre nouvelle directrice générale de Suez, a-t-elle été accueillie ?
« Mme Soussan, qui a déjà dirigé de grandes entités, a manifestement la tête sur les épaules. Auprès des salariés, elle a fait un très bon démarrage. Elle vient avec l’idée de mettre en place une nouvelle stratégie pour notre groupe. Elle a insufflé de l’envie, de l’impulsion. Elle s’est donnée cent jours pour définir sa stratégie. Je l’ai rencontré pour lui présenter la vision de notre syndicat de l’encadrement. Les premiers mots de Mme Soussan vont dans le même sens que ceux de M Déau. Nous avons également des réunions bilatérales avec lui, qui nous assure de la continuité stratégique mise en oeuvre par la nouvelle direction.
Et pourtant vous êtes inquiet sur la stabilité de l’actionnariat du consortium. Pourquoi ?
« Du côté de l’entreprise, nous faisons 8 milliards de chiffre d’affaires et nous sommes en ordre de marche, puisque finalement, on ne change que d’actionnaire. Tous nos territoires n’ont pas été remis en cause. Tout fonctionne comme s’il ne s’était rien passé. On gagne des marchés contre Veolia. A l’international, on sait qu’il y a des clients qui ne veulent pas de Veolia. Certains seraient déjà prêts à retravailler avec nous.
Mais là où nous restons inquiets, c’est sur la place accordée finalement à M. Déau, nous sommes pour qu’il soit définitivement le président du Conseil d’Administration de SUEZ, afin d’impulser la stratégie de SUEZ et mettre en œuvre via la directrice générale les engagements dits.
La Caisse des dépôts, un de nos actionnaires, semble jouer un rôle qui n’est pas le sien. Cela pourrait être un point de désaccord majeur ! Nous n’avons aucun actionnaire majoritaire, ce que nous avons dénoncé depuis la fin juillet 2021. Nous n’avons qu’un seul actionnaire à 40%, Méridiam, qui s’est engagé vis-à-vis de nous, salariés de l’entreprise, pour mettre en place une société à mission, faire du développement, du maintien de l’emploi pendant cinq ans et des accords d’entreprise qui, au moins pendant trois ans, ne visent pas de rentabilité pour pouvoir justement réinvestir sur les marchés. Nous ne comprenons pas l’attitude de la CdC, qui est normalement là pour accompagner les entreprises, pas pour donner des ordres. Nous sommes opposés au fait qu’un actionnaire d’appoint comme la CdC, dont une grande partie de l’actionnariat est prévue pour être transférée à l’actionnariat salarié, vienne dicter sa loi. Nous pensons que Thierry Déau arrive à bien s’entendre avec les représentants de GIP sur la stratégie à développer à court et moyen terme. Mais la CDC devient trop interventionniste. Nous nous élevons en faux contre cela. »