Un univers de fausses valeurs

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Par Marc Albert Chaigneau Publié le 20 janvier 2016 à 5h00
France Perte Valeurs Reperes Morale
@shutter - © Economie Matin
3Les valeurs de la France sont au nombre de trois : liberté, égalité, fraternité.

Nous vivons dans un univers de fausses valeurs. Et je dois dire que, sans doute comme la plupart d’entre vous, j’ai eu beaucoup de mal à m’en rendre compte.

Pourtant, j’ai connu un certain nombre d’alertes: la valorisation des «Super héros», qui dévalue l’héroïsme quotidien de nombre de nos concitoyens. L’infinie noirceur des « Super méchants », qui édulcore la nuisance, des petits délinquants et des malversations courantes. Cet immense débat sur « La peine de mort », alors que la mesure était, déjà depuis longtemps, tombée en désuétude en France.

Et puis, je me suis rendu compte que ce système, était d’une application beaucoup plus large, que mes premières impressions ne me l’avaient laissé entendre. Discutant avec les enfants, ils m’ont montré que les valeurs morales auxquelles ils se référaient étaient, pour beaucoup, issues des dessins animés, notamment de Walt Disney. Que seules de grandes actions, réalisées de façons dramatiques, dans des circonstances exceptionnelles, pouvaient constituer des références morales. Que l’effort quotidien, obscur, les contraintes de la vie courante, « normale », étaient des conditions à mépriser et à fuir.

Et ceci participe sans doute à expliquer, ce que je dénonçais dans un autre article : « La règle fondée sur l’exception ». Il existe une sorte de manichéisme ambiant, qui fait que tout doit être noir ou blanc et que ce qui ne l’est pas, semble négligeable et sans incidence. Qu’il y aurait une sorte de gris uniforme, nimbant l’essentiel de nos vies et de nos actions.

Or la réalité est pleine de nuances. Et ce sont des milliers, voire des millions, d’actions quotidiennes que nous accomplissons, le plus souvent sans y penser, ni en considérer les conséquences, qui conditionnent notre présent. Qui déterminent notre avenir et celui de nos enfants. Nous prônons et valorisons, au moins verbalement, la fraternité et la solidarité. Tout en acceptant qu’au sein de notre société, ce soient la compétition et la concurrence entre les personnes, qui s’appliquent. Ne sommes-nous pas conscients que ces valeurs sont antinomiques, incompatibles, inconciliables ? Que des enfants, auquel le principe de la compétition est inculqué dès l’école, qui n’ont jamais l’occasion de s’entraider et de collaborer, ne pourront pas se conduire de façon solidaire et fraternelle, à l’âge adulte ?

Ayant pris l’habitude, dans les films et les séries télévisées, que des policiers et auxiliaires de justices, s’autorisent à déroger aux lois, pour combattre de monstrueux criminels, n’avons-nous pas nous même, pris l’habitude de déroger aux règles, sans vraiment nous soucier des conséquences, puisqu’il ne s’agit pas de crimes horribles, ou de conséquences apocalyptiques.

Les actes ne sont pas tout blancs, ou tout noirs ! La plupart ne sont pas non plus d’un gris sans nuance. Les nuances, les différences sont importantes. Il existe, il doit exister, un système moral assurant une hiérarchie des infractions, des crimes et délits. Et la situation actuelle, de peines inappliquées, de prisons encombrées, qui s’avèrent être des écoles du crime, montre assez que ce système de sanctions est inefficace.

Encore faut-il que les règles, les lois, soient effectivement destinées à assurer un consensus social et qu’elles y parviennent. Ce qui n’est malheureusement plus et de moins en moins, le cas. Pour cela il faudrait que la réparation prime sur la sanction et que d’éventuelles sanctions soient adaptées à la nature, au moins autant qu’à la gravité, du délit.

Il peut exister une compétition, une concurrence, entre les entreprises, les biens et les services, qui pourrait à certaines conditions, ne pas s’opposer à l’entraide fraternelle. Mais, si l’on souhaite vraiment que la fraternité règne entre les citoyens, qu’ils puissent se sentir solidaires, il faut exclure du champ social toute compétition ou concurrence. Or il s’avère que ce sont les seules valeurs, qui ont encore cours dans notre société. De fait, ce qui est qualifié de solidarité relève, pour ceux qui y contribuent, plus du racket que du don et pour ceux qui en bénéficient, plus de la subordination humiliante, que de l’entraide. Sans compter les abus des profiteurs en tous genres, qui exploitent le système. Quant à la fraternité, bien que le mot soit sur toutes les lèvres, il semble que la signification en ait été perdue et que les cris et pleurs, vociférations et manifestations médiatiques, lui aient été substitués, sans aucun effet notable pour les « bénéficiaires » d’ailleurs.

Comment en sommes-nous arrivés à une telle confusion des valeurs morales ? Beaucoup, en voulant imposer, du sommet de hiérarchies aveugles, des règles abstraites, qui déshumanise la relation entre les individus. En voulant privilégier la fonction sur la personne, le contrôle des individus, sur les conséquences des actions.

Car en fait, si nous observons autour de nous et même, pour chacun, nos propres comportements : Qui se soucie vraiment des conséquences de ses actes ? Les dirigeants, les gouvernants, ne veulent être appréciés que sur leurs promesses et déclarations. Parfois sur les mesures qu’ils prennent. Jamais sur leurs conséquences, pour lesquelles, surtout lorsqu’elles sont mauvaises, voire dramatiques, ils trouvent toujours d’autres causes, ou excuses. Et si les dirigeants, avec toute leur puissance, ne sont pas responsables des conséquences de leurs actions, peut-on demander au simple citoyen, dont les moyens permettent à peine de survivre, d’assumer les siennes ?

Notre morale existe, elle ne figure pas que dans la déclaration des droits de l’homme, nous avons tous les moralistes : Montaigne, La Boétie, Pascal, La Bruyère, La Rochefoucauld, Bossuet, Chamfort, Vauvenargues, Rivarol, La Fontaine, mais aussi Montesquieu, Voltaire, Racine, Corneille et même Molière, ont donné, sous diverses formes, des leçons de morale. Qui, pour la plupart, restent d’actualité. Et nous en avons bien besoin, plus que de nouveaux gadgets, jeux et produits divers, dont toute nouveauté est présentée comme une amélioration, alors que ce n’est que rarement le cas. Il suffit de penser à l’amiante, aux déchets en tous genres, notamment nucléaires, que l’on enfouit pour ne plus y penser. Aux nouveaux vaccins et médicaments ...

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Marc Albert Chaigneau a été conseil de sociétés et avocat d'affaires, puis responsable juridique pendant 35 ans. De 1974 à 1998, il procède ainsi à des centaines d'analyses de sociétés, les suivant depuis la création jusqu'à la liquidation, en passant par les fusions, cessions, restructurations. Cette expérience l'a conduit à analyser méticuleusement la société dans laquelle nous vivons. Son dernier essai De la révolution à l'inversion*, publié en janvier 2014 aux éditions Edilivre propose un nouveau projet de réforme de la société. Un modèle préférable à la révolution en ce qu'il ne nécessite ni violence, ni destruction, mais seulement l'inversion d'un certain nombre de nos comportements. Inverser les comportements, pour cela inverser les raisonnements, les analyses, les rapports personnels et professionnels en se basant sur le principe de subsidiarité. Avec cet ouvrage, l'auteur nous donne les clefs pour la mise en œuvre d'une véritable démocratie : la démocratie directe, dont beaucoup avaient rêvé, mais à laquelle ils avaient renoncé, la croyant impossible à mettre en œuvre. Il nous montre comment elle serait accessible, mais nous prévient qu'elle ne le sera jamais qu'à des citoyens responsables.