Quel que soit le sujet, il est facile de constater la faiblesse permanente du dialogue entre tous nos partenaires sociaux (salariés, patronat, Etat).
Les grèves et les perturbations occupent la scène économique et sociale depuis des mois en 2018. Elles témoignent de cette insuffisance. La faiblesse du dialogue concerne l’ensemble des syndicats salariés et du patronat (privé), tout comme les interlocuteurs des pouvoirs publics.
Le système français de représentation des partenaires sociaux en est encore à l’âge de la pierre taillée. Très peu de salariés sont syndiqués, moins de 8% dans le public et environ 5% dans le privé. Paradoxe dont il faut tenir compte, les salariés participent néanmoins avec un taux appréciable aux élections professionnelles internes aux sociétés (entre 40 à 60% suivant les branches). Ce taux est plus important dans le public que dans le privé. L’un des obstacles le plus important sur le « terrain » entre syndicats salariés c’est avant tout leur incapacité à avoir un dialogue constructif et satisfaisant pour parvenir à s’entendre. Leur division et leurs rivalités locales, au-delà de leurs points de vue sur le fond, sont trop souvent mis en avant. Elles sont un frein aux négociations avec les dirigeants.
La représentation active au travail dans les très petites, petites, voire certaines moyennes entreprises est réduite à sa plus simple expression quand elle existe. L’attitude de la majorité de leurs salariés est plutôt réservée à l’égard de la représentation syndicale. Elle est surtout conditionnée par la crainte d’appréciation vis-à-vis du patron. Être syndiqué est ressenti comme un handicap social pour le salarié français. On est loin du modèle anglo-saxon comme au Canada où être syndiqué est obligatoire…
Autre partenaire social, le patronat n’est pas beaucoup plus brillant. L’image du MEDEF et de la CPME est contestée. Le MEDEF, pour sa part, est perçu comme un syndicat patronal libéral, hautain et dogmatique, proche du pouvoir, bien qu’il s’en défende. Personne n’est dupe. Le MEDEF tient le haut du pavé en s’appuyant sur les entreprises du Cac 40. Celles-ci viennent de réaliser fin 2017 encore d’importants bénéfices. Plus de 67% de dividendes ont été distribués à leurs actionnaires et 5,7% vers les salariés. Cela évoluera peu dans les années à venir. Quant à la CPME, elle a plus de mal à s’affirmer.
L’Etat a un rôle important et fondamental à jouer, bien qu’il ait souvent tendance à s’en défendre. Les fonctionnaires représentent en France 19,6% des actifs. D’aucuns pourraient l’oublier. Avant tout, l’Etat est d’abord l’employeur de plus de 5,6 millions de salariés publics, dont 2,5 millions dans la fonction publique d’Etat (FPE), 1,2 million dans la fonction publique hospitalière (FPH) et près de 2 millions dans la fonction publique territoriale (FPT). A ce titre, il se doit de gérer, par délégation ou non, d’informer et de négocier avec les syndicats salariés dans chacun des secteurs. Son rôle doit être essentiel.
Il ne faut pas oublier la face « cachée » de l’Etat actionnaire eu égard à ses participations et ses engagements dans les grandes entreprises et groupes privés dont il possède des participations essentielles (de la participation active au droit de blocage). Quant aux entreprises publiques, ses contraintes sont encore plus fortes. Les récents conflits à la SNCF et à Air France en sont un bel exemple, tout comme les manifestations dans la fonction publique.
Incapables de se fixer des objectifs concrets avec leurs dirigeants en matière d’activité, d’emploi et de politique salariale, les partenaires sociaux se regardent dans une totale passivité. L’État apparaît comme complice de cette situation. Il a les mains libres et tient à profiter de cette léthargie. La législation en vigueur et les nouvelles dispositions annoncées sont en grande partie responsables de cette carence. Quant à l’opinion publique, elle se laisse abuser tant et aussi longtemps qu’elle ne se sent pas concernée…