France : allons-nous vraiment choisir ?

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Par Jean-Paul Betbèze Modifié le 26 août 2014 à 4h53

Mieux ou pire ? Efforts ici ou aides venues d'ailleurs ? Voici quelques mois, le Président Hollande disait : « la reprise est là », même si nous n'arrivions pas à la voir. Voici quelques semaines, au début des vacances, le Premier ministre Manuel Valls disait que la rentrée serait « difficile ». Il y a quelques jours, l'Insee calculait que nous avons plus de chômeurs, moins d'inflation et pas de croissance. Alors ?

Parler de déflation sous prétexte que les prix sont bas, c'est faire une erreur d'analyse et surtout prendre un grand risque. Erreur d'analyse : les prix sont bas parce que notre croissance est plate. Grand risque surtout : pousser les ménages à attendre pour acheter et les entrepreneurs pour investir. Si « demain sera moins cher », définition de la déflation, le comportement rationnel est d'attendre. Et si chacun attend, pour consommer et investir, alors demain sera effectivement moins cher puisque la demande s'arrête et que l'offre s'effondre, forcée de vendre à n'importe quel prix. La déflation doit donc être combattue, mais comment ?

Pour lutter contre la déflation, demander à l'Allemagne d'augmenter ses salaires, c'est méconnaître son ralentissement actuel et ses engagements. Le coût total horaire de la main-d'œuvre (salaires bruts plus cotisations sociales à la charge des employeurs plus impôts liés à l'emploi) augmente de 1,2 % au premier trimestre dans la zone euro à 18, de 1,1 % pour l'Allemagne et de 1,7 % pour la France. Qui a tort ? Que dire de la demande faite à l'Allemagne de hausser ses salaires, sachant qu'elle a déjà accepté d'augmenter son SMIC début 2015 et qu'elle voit sa croissance baisser de 0,2 % au deuxième trimestre contre une hausse de 0,7 % au premier ?

Pour lutter contre la déflation, demander à la BCE de baisser ses taux et de faire baisser l'euro, c'est ne pas voir ce qu'elle fait et prendre le risque de la détruire. L'euro est passé de 1,38 dollar en février-mars de cette année à 1,32 actuellement, soit plus de 3 % de baisse. En même temps, les taux longs de la zone euro ont baissé sans problème. L'euro s'est déprécié en un mois de 2,5 % par rapport au dollar et de 3,1 % par rapport au Remnibi. La zone euro s'endette toujours plus pour ses administrations et pour moins cher. La France s'endette à 1,4 % (à 10 ans) en août contre 2,3 % en février. L'art de Mario Draghi est d'expliquer que la zone euro, dont la France, s'endette plus qu'avant, avec moins de croissance et moins d'inflation, mais ne présente pas plus de risque pour autant. Et c'est bien ce qu'il vient de développer, à propos de l'emploi, au symposium de Jackson Hole ce 22 août 2014. Faut-il susciter des doutes chez les investisseurs chinois et japonais, chez ceux qui détiennent deux tiers de la dette française ? Faut-il prendre un risque de remontée des taux longs quand le crédit aux PME commence à reprendre ?

Réformer, c'est toujours prendre un risque politique et économique. Le risque politique, c'est de braquer ses électeurs, souvent liés à la fonction publique, alors qu'il est plus facile de monter les impôts sous prétexte de réduire les inégalités. Mais l'impôt a déjà tué l'impôt en France : il rapporte moins. Surtout, « réduire les inégalités » n'est pas une politique économique puisque personne ne sait où elle s'arrête. Les « riches » comprennent : ils partent ou réduisent la voilure. Restent les « couches intermédiaires ». Mais les imposer impacte leur consommation pas l'épargne, donc la croissance, donc l'inflation.

C'est l'excès fiscal français qui pèse aujourd'hui sur la croissance et devient déflationniste. Pour contrer cette tendance, il faut aller plus vite dans les réformes, pour que l'idée gagne que le choc sera temporaire, avant le rebond. Une volteface est peu probable, sauf crise politique majeure. Le vrai risque est de freiner, sachant que nous ne baissons pas assez la dépense publique. L'erreur fiscale de début de mandat, « imposer plutôt que couper », pèse quand la croissance mondiale et européenne ralentit. Mais « couper », ce doit être utiliser les nouvelles technologies d'information et de communication, pour vivre mieux et moins cher ! Contrer le risque de déflation, maintenant que le mot est dans les têtes, c'est parler vrai, être moderne, accélérer.

Article initialement publié sur le bloge de Jean-Paul Betbèze et reproduit ici avec l'aimable autorisation de son auteur.

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Jean-Paul Betbèze est PDG de Betbèze Conseil, membre de la Commission Economique de la Nation et du Bureau du Conseil national de l'information statistique (France), du Cercle des économistes et Président du Comité scientifique de la Fondation Robert Schumann. Professeur d'Université (Agrégé des Facultés, Professeur à Paris Panthéon-Assas), il a été auparavant chef économiste de banque (Chef économiste du Crédit Lyonnais puis Chef économiste & Directeur des Etudes Economiques, Membre du Comité Exécutif de Crédit Agricole SA) et membre pendant six ans du Conseil d'Analyse économique auprès du Premier ministre. Il est l'auteur des ouvrages suivants:· "Si ça nous arrivait demain..." aux éditions Plon, Collection Tribune Libre· "2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France" aux Editions PUF, 2012.. "Quelles réformes pour sauver l'Etat ?" avec Benoît Coeuré aux Editions PUF, 2011.. "Les 100 mots de l'Europe" avec Jean-Dominique Giuliani aux Editions PUF, 2O11. "Les 100 mots de la Chine" avec André Chieng aux Editions PUF, 2010. Son site : www.betbezeconseil.com