Les druides ne remplaceront pas les médecins de campagne

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Par Patrick Crasnier Publié le 4 avril 2016 à 5h00
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@shutter - © Economie Matin
23 eurosLa consultation chez un médecin généraliste est tarifée 23 euros.

Non ce n’est pas demain que des druides viendront remplir les « déserts médicaux » même si Jean Louis Heven, maire de la petite commune de La roche Derrien dans les cotes d’Armor a voulu le faire croire aux médias. Ce canular a fait marcher les journalistes, au-delà de l’effet espéré pour attirer l’attention sur le grave problème de la pénurie de médecin en France.

L’affaire ne pouvant pas en rester là, il serait important que nos responsables prennent ce problème a bras le corps, tant la politique de santé est impactée par cette désertification des territoires. C’est avant toute chose d’un diagnostic dont notre pays a besoin et pas de solutions miracles sorties du chapeau des énarques ou des think- tank politico-socialistes. Pour établir un diagnostic, il est nécessaire d’écouter le malade, de procéder à un examen clinique avant toute conclusion. Mais nos politiques ne doivent pas savoir procéder de cette manière, on constate que depuis très longtemps (déjà sous Roseline Bachelot) jamais les médecins ne sont questionnés, jamais écoutés, jamais entendus. Aucune instance ne prend en compte ceux qui sont directement au milieu de ce problème. Nos politiciens préfère entendre les idéologues, les « savants connaissant tout » les associations de patients bidons créées de toute pièce par les instances politiques, et bien sur l’administration (qui au passage n’a jamais connu le travail libéral)

Première question pourquoi les jeunes médecins ne veulent-ils plus s’installer en cabinet libéral ?

Question fondamentale première cause de la désertification. On a voulu nous faire croire que le problème résidait dans les campagnes profondes, il n’en est rien. Savez vous qu’en 2014 des arrondissements de Paris n’ont pas eu d’installation de médecin généraliste. Savez vous aussi que la ville de Marseille tire la sonnette d’alarme, que la commune de Château-Chinon est devenue en 2015 la première sous préfecture sans aucun médecin généraliste. L’inscription au conseil de l’ordre obligatoire pour s’installer en cabinet médical nous apprend que seulement 12% des nouveaux inscrits choisissent l’exercice libéral. Alors non, ce n’est pas la ruralité qui est la cause des déserts mais bien les difficultés du mode d’exercice libéral que Marisol Touraine et sa loi santé veut finir de tuer.
Il est à noter aussi que les difficultés ne sont pas uniquement le fait du manque d’installations, beaucoup de médecins installés depuis plus de 10 ou 20 ans cessent l’activité libérale tant les difficultés sont grandes, la pression infernale et les moyens inexistants. Ils se recyclent vers la médecine du travail ou des postes hospitaliers. A Dunkerque par exemple, en quelques semaines 10% des médecins ont cessé leur activité libérale. Il est faux de faire croire à la France entière que seuls les départs a la retraite sont un problème, même si ces départs sont importants, seule l’absence de leur remplacement est grave. Questionnés les jeunes médecins ne veulent plus exercer en cabinet libéral, ce mode de pratique, disent-ils, est trop anxiogène.

Nos énarques depuis 1995, pour lesquels le seul leitmotiv est « l’économie de santé » avaient inventé le numérus clausus et le départ en retraite anticipé (Juppé 1995) moins de médecin égal moins de dépenses, il fallait l’inventer celle là. Cette ineptie élevée au rang de décision d’état a été portée par ceux qui aujourd’hui nous disent avoir les solutions pour tout, comment les croire ? Aujourd’hui le numérus clausus n’a cessé d’augmenter, il a doublé en 15 ans, et malheureusement le problème n’a cessé de s’aggraver. La conclusion est simple, ce n’est pas sur cette piste qu’il faut chercher une solution. L’exercice libéral est totalement freiné par la main mise sur le système de santé des politiques et de la sécurité sociale moribonde. Ce monopole (interdit par l’Europe) ayant son propre tribunal d’exception (le TASS) pour obliger illégalement tous les Français à cotiser (URSSAF, RSI etc.) règne en maître sur notre système de santé. Cette institution et les dirigeants politiques se comportent avec les médecins libéraux comme des maîtres avec leurs esclaves, tuant toute liberté dans cette profession qui n’a plus de libéral que le nom. N’est ce pas Geneviève Dormont, de Terra Nova, qui affirmait sur France culture : « La loi santé c’est la mort annoncée de la médecine libérale, et c’est une bonne chose » Ces mots prononcés par celle qui, dans ce think tank socialiste, a participé activement a l’écriture du programme de François Hollande, n’ont jamais été dénoncés ni par les socialistes ni par l’opposition.

En poursuivant cette analyse, on observe que d’autres raisons qui concourent à la désaffection des médecins pour l’exercice libéral. En particulier La tarification : en France les consultations, les actes médicaux sont les plus bas d’Europe et même du monde rapportés au PIB par habitant. Prenons la consultation du médecin généraliste, 23 euros, la moyenne Européenne est de 40 euros, la France étant aussi le pays où l’imposition est la plus élevée, la part de ces 23 euros qui revient au médecin est la plus faible d’Europe. Verrons-nous bientôt « la médecine au noir » comme dans toutes les périodes de grande pénurie. Cela paraît une provocation mais en regardant de plus près, c’est ce qui se passe avec les médecins refusant d’être conventionnés et que les assurances ne veulent même pas rembourser le prix de base. Une sorte de médecine parallèle qui devient, jour a près jour, la médecine de qualité. Le reste de la médecine appelée « conventionnée » devenant une médecine low coast voulue par l’idéologie socialiste.

La seule alternative pour les médecins pris a la gorge est de multiplier les actes pour survivre aux charges, de passer de moins en moins de temps avec le patient, de rallonger leurs horaires de travail jusqu’au burn out. L’obligation de licencier les femmes de ménage, les secrétaires, devenues impossibles à payer du fait de ces prix bloqués depuis 20 ans et bien trop bas. Conditions de travail durcies, temps de repos inexistants, aucune gratification à exercer une telle profession, le résultat est évident, les médecins abandonnent l’exercice libéral. Nos politiques socialistes voulant finir de tuer ce mode d’exercice la véritable question qui devrait leur être posée est : Par quoi voulez vous le remplacer ?

Ce tableau catastrophique n’est pas exagéré bien au contraire, on peut même ajouter d’autres raisons, par exemple que sur le reste des 23 euros de consultation le médecin doit assurer le paiement de ses charges sociales, de ses locaux, de son matériel de travail. Ajouter aussi que les charges sociales ne protègent absolument pas les médecins. Un délai de carence en cas de maladie de 90 jours (trois mois) au lieu de 0 jours pour l’administration et 3 jours pour un salarié, aucun congé de grossesse ni de prise en charge dans une profession a 60% féminisée. Pendant trois mois un médecin malade doit vivre de ses économies (qu’il n’a pas) et pire continuer à payer ses charges sociales, et tout le reste de ses charges. Une femme médecin qui veut avoir un enfant est dans une situation encore pire, il n’est pas rare de voir des femmes travailler la veille de leur accouchement et reprendre quelques jours après par manque de moyens. Tout ceci est bien sur à prendre en compte dans le refus des jeunes médecins d’entrer dans ce système d’esclavage sans issue.

Certains maires, pris au piège des déserts médicaux ont envisagé de multiples solutions. On a d’abord vu fleurir les « maisons de santé » un concept séduisant, mais impossible à appliquer. Premier obstacle, ces maisons de santé ont été développées par des promoteurs immobiliers ne cherchant que le profit, inutile de dire que certaines communes ne s’en relèvent pas. Second obstacle il faut remplir ces maisons avec des médecins libéraux, mission impossible du fait de ce qui précède.
Une autre approche, le rêve socialiste, y mettre des médecins salariés. La théorie qui tente de prouver que salariés, les jeunes viendront y travailler, a mis en faillite quelques maisons de santé déjà. La raison en est simple et facile à comprendre. Donner 3000 euros net a un praticien (un minimum) c’est payer plus de 6000 euros brut de salaire. Ajoutons à cela que ce médecin, pour ce salaire, travaillera 35 heures, c’est la loi. Ajoutons qu’il faudra payer le personnel qui prend les rendez vous (en 35 heures le médecin est incapable de gérer l’administratif), payer les installations médicales, inconcevable de faire payer un loyer a un salarié pour qu’il travaille. Nous arrivons a des sommes importantes sans parler des congés obligatoire nécessitant un remplaçant a payer en plus, les maladies, les maternités. Tout chef d’entreprise connait le sujet, le coût du travail nécessite beaucoup de chiffre d’affaire pour y faire face. Avec un prix de consultation bloqué à un tarif si bas il est IMPOSSIBLE d’amortir un cabinet médical et une masse salariale. Pourtant, nos médecins libéraux actuels font face aujourd’hui à toutes ces difficultés, au mépris de leur santé, de leur vie familiale. La conclusion de cette solution qui n’en est pas une est la suivante, il serait nécessaire de salarier deux médecins pour remplacer un médecin libéral, il est impossible d’assumer les charges d’un cabinet avec les revenus seuls de ce cabinet, il serait nécessaire de faire porter les pertes sur les impôts de la commune. Double peine pour les habitants qui payent déjà une sécurité sociale hors de prix.

Pour conclure, il est facile de voir que ce n’est pas en suivant les consignes de la loi santé mise en place depuis trois mois que cette désertification s’arrêtera. Le problème de la pénurie de médecins devient un grave problème de santé publique, il ne fera que s’accélérer si personne ne donne un coup d’arrêt a cette politique de gribouille.
Les syndicats de médecins aujourd’hui se battent pour des bouts de ficelles et surtout pour garder leurs petits prés carrés. L’union Française des médecins libéraux (UFML) a présenté à la presse cette semaine un énorme livre retraçant tout le combat des médecins libéraux depuis 3 ans ce livre s’appelle « RESISTE » il se termine par ce que le président de cette association, Jérôme Marty, appelle « le new deal ». Un recueil de proposition logiques, réfléchies, pleines de bon sens pour une réforme profonde de la médecine en France, propositions rédigées par des professionnels de terrain et pas par des technocrates de la santé. Espérons que certains politiques occupés à rechercher les suffrages en prendront les idées. Il est vital pour notre santé que notre pays fasse une véritable réflexion sur ce sujet avec les professionnels, je crains que cela ne soit pas le chemin actuel.

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Patrick Crasnier est diplômé en sciences humaines 3eme cycle en psychopathologie, après de longues années passées en cabinet libéral comme psychanalyste, blessé lors d’un attentat terroriste cesse cette activité en 1995. Continue comme photojournaliste, journaliste radiophonique (activités menées conjointement avec celle de psychanalyste depuis 1983) puis comme journaliste rédacteur au journal Toulousain et à l’écho des entreprises. Actuellement photojournaliste correspondant pour l’agence de presse panoramic et rédacteur dans plusieurs revues.

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