Si, en France, une force politique n’a pas survécu aux scrutins de 2012, c’est bien le centre tel que l’incarnait le Modem. Après une année 2007 triomphante, François Bayrou s’est employé avec un courage qui mérite le respect à enterrer pied à pied, pelletée après pelletée, tous les espoirs que beaucoup de Français avaient mis en lui.
Il a d’abord occupé le quinquennat de Nicolas Sarkozy à affronter un pouvoir en place avec qui ses électeurs étaient moins fâchés que lui. Il a systématiquement écarté de son entourage tous les esprits susceptibles de lui faire de l’ombre. Et il a multiplié les gaffes jusqu’à cette campagne électorale où, avec une certaine grandeur, il a plaidé pour des réformes courageuses.
Et finalement? Il a brûlé ses vaisseaux en appelant à voter Hollande de façon presque capricieuse. La sanction tombe: le MODEM est mort.
Cette disparition ne reflète pourtant pas la réalité politique française. Il existe un centre, des aspirations et des valeurs centristes dans l’opinion publique.
Nicolas Sarkozy en a fait la douloureuse expérience : la droitisation de son discours, sa remise en cause de valeurs humanistes a hérissé une grande partie de son propre camp. Ceux-là n’ont pas hésité à choisir François Hollande pour le sanctionner. Et aujourd’hui, ils hésitent entre un vote UMP dont ils cernent mal les contours, et un vote PS dont ils connaissent les limites : l’infléchissement vers la rigueur dès le 18 juin.
Incontestablement, la France est privée de cette force centriste temporairement agonisante, mais dont nous connaissons les contours et le champ d’action.
Dans le domaine économique, le pays a besoin que soit réaffirmée la possibilité d’une coexistence raisonnable et raisonnée entre des entreprises libres et des valeurs de solidarité et de justice qui ont fait notre modèle historique. Dans le domaine politique, la recherche de l’harmonie entre tous les citoyens, Français ou immigrés, de gauche ou de droite, riches ou pauvres, est un élément essentiel dont la disparition sera longtemps reprochée à Nicolas Sarkozy. Dans le domaine social, la France plus que jamais a besoin d’une politique courageuse pour adapter le système de 1945 à la réalité de notre temps, et aux aspirations des Français.
Plus fondamentalement, les Français ont besoin qu’une autre éthique soit portée. Celle d’une vraie moralisation de la vie politique. De sa déprofessionnalisation. D’une réforme de sa représentativité. Quoi de plus épouvantable que ces jeunes espoirs politiques qui se vouent au jeu des partis depuis l’université, parfois depuis le lycée, et qui constituent une classe d’apparatchiks coupée de la vie réelle?
Plus profondément, la France a besoin que soit aujourd’hui reposée la question de la souveraineté populaire. La bipolarisation et la présidentialisation du régime ont favorisé la pensée unique. Le débat n’a plus cours. La délibération entre les idées non plus. Or, dans un monde où Internet met la participation à la décision publique à la portée de tous, cette spécialisation extrême de l’espace politique, cette fracture béante qui s’agrandit chaque jour entre ceux qui décident et ceux qui oeuvrent devient de moins en moins légitime.
Notre pays a besoin d’une expression politique qui prenne le contre-pied de cette hyper-technicisation des débats. D’une force politique qui associe tous les citoyens aux décisions, et favorise l’échange des points de vue pour une meilleure gouvernance.
En un mot, notre pays a besoin que son centre se reconstruise, car les valeurs véhiculées par le Front National, force montante à droite, ne sont culturellement pas les siennes. Même si elles répondent pour l’heure aux angoisses que la crise économique nourrit dans les milieux les plus frappés par la crise.