Les inondations sont des phénomènes climatiques qui peuvent causer des dégâts majeurs, impactant sérieusement l'agriculture, les transports, le commerce et le tourisme.
Selon l’Association Française de l’Assurance (AFA) : « La France, par la longueur de ses façades maritimes, par le nombre et le débit des fleuves et cours d’eau qui la traversent, mais également en raison du phénomène spécifique dit des orages cévenols auxquels est exposé un grand quart Sud-Est de son territoire, est particulièrement vulnérable aux périls des tempêtes, débordements de cours d’eau, inondations par ruissellement et crues torrentielles ».
Les départements littoraux et de montagne sont généralement les zones les plus exposées aux aléas naturels. Aujourd’hui, c’est l’Île-de-France et la région centre qui ont été les plus touchées par les intempéries. Dans un contexte économique tendu depuis les attentats de 2015 (moins 0,1% de croissance), les conséquences des pluies exceptionnelles laisseront des traces tant au niveau local que national.
Les zones urbaines inondables
Selon l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme, 8% des logements en Île-de-France, en 2013, sont localisés en zone potentiellement inondable. Cela représente plus de 430 000 habitations dont 100 000 ont moins de 30 ans. Dans l'hexagone qui compte plus de 6,8 millions d'habitants, 3,7 millions de logements se situent en zone inondable. Depuis les années 70, nous avons construit aux mauvais endroits. En effet, de nombreuses constructions ont été réalisées dans des zones urbaines à risque. Cette situation nous amène à nous interroger sur l’efficacité des politiques publiques de prévention, en termes de maîtrise de l’urbanisation en Île-de-France comme dans d’autres agglomérations. Les zones à forte sinistralité sont généralement celles dont la croissance de la population est la plus importante. C’est ce que nous constatons depuis une trentaine d’années.
Les conséquences économiques
Il est encore trop tôt pour connaître le bilan définitif du coût des inondations, même si on estime déjà les dommages à 1 milliard d’euros. Un chiffre qui pourrait être bien supérieur en réalité. Bien que nous ne puissions pas encore chiffrer l’impact économique direct et indirect, il est toutefois possible de quantifier, les dommages des particuliers et la perte de chiffre d’affaires de nombreux professionnels comme les artisans, les commerçants et les entrepreneurs. La perte économique sera, dans tous les cas, élevée pour les acteurs du secteur public comme privé. L’accroissement du coût des catastrophes est lié à la hausse de la valeur des biens assurés. En effet, selon l’INSEE, les principaux postes de consommation ne cessent d’évoluer depuis 40 ans. La valeur moyenne des sinistres causés par une inondation augmente chaque année. Entre 1988 et 2011, le coût moyen des sinistres inondations, déclarées catastrophes naturelles, s’est chiffré à 11 610 euros par assuré. Déjà sinistrés, les secteurs du tourisme et de l’agriculture, en supporteront les conséquences économiques immédiates.
Les conséquences touristiques
Les acteurs du tourisme français subissent une saison très difficile depuis le début de l’année 2016. La France a vu 84,7 millions de touristes étrangers affluer vers son territoire en 2015. Un chiffre qui sera en baisse cette année. Le secteur touristique étant déjà fragilisé par la crise économique, les attentats et les mouvements sociaux à répétition. Le tourisme a déjà coûté pour 0,1% du PIB. Certains établissements à Paris ou en région, ne survivront pas aux conséquences économiques liées aux inondations. Le secteur du tourisme représente 12,8% des emplois de la capitale, touchant ainsi près de 150 000 personnes. Même les palaces parisiens enregistrent une baisse importante de la fréquentation par la clientèle étrangère. En effet, les taux d’occupation, ce mois de juin, sont actuellement inférieurs à 60%. Du jamais vu à une période où ces taux ont toujours été supérieurs à 80%. En Île-de-France, la fréquentation des touristes japonais est en chute de 56% au premier trimestre, tandis que celle des Russes a baissé de 35% et celle des Chinois de 13,9%, selon le comité régional du tourisme de Paris Île-de-France. Les asiatiques sont les plus sensibles aux questions de sécurité lors de leurs déplacements à l’étranger. En effet, la population japonaise assimile toujours l’état d’urgence à un « état de guerre ».
Les conséquences sur l’agriculture
L’agriculture française était déjà en crise. Durant le premier trimestre 2016, 48% des agriculteurs déclarent avoir rencontré des difficultés financières assez importantes au cours des trois mois précédents. Selon la FNSEA, 53% ressentent une détérioration et 14% envisagent de cesser leurs activités dans les douze mois à venir. Le secteur agricole a été particulièrement exposé aux risques d’inondation ces derniers jours. Tous les secteurs d'activité de l’agriculture sont touchés, du maraîchage en passant par l'élevage. Les vignes, l’arboriculture, les céréales, les légumes et même certains élevages ont souffert des intempéries. Il est encore trop tôt pour chiffrer les pertes directes et indirectes. Ces inondations vont accentuer la crise économique que rencontrent de nombreux agriculteurs qui, pour certains n’étaient plus assurés. L’exposition de ce secteur aux risques d’inondation pourrait se multiplier et s’intensifier dans l’avenir, sous l’effet du changement climatique, tandis que la demande de nourriture et d’espaces urbains ne cesse d’augmenter.
Les conséquences immobilières
La pression démographique à proximité de la mer ou d’une zone aquatique, montre que le choix d’un cadre de vie est plus important pour les habitants, que le degré de risque encouru. En effet, la recherche d'un environnement de qualité est plus forte que la menace qu’il peut représenter. Comme le rappelle le rapport 2015 du Commissariat général au développement durable sur le littoral du Nord-Pas-de-Calais, en 2009, le prix des appartements localisés en zone d’aléa fort ou très fort était en moyenne 25% plus élevé que les mêmes biens situés hors zone d’aléa. Le risque est donc appréhendé comme un critère secondaire par les acquéreurs. Les acheteurs privilégient donc la plus-value grâce aux aménités (proximité immédiate de la mer, d’une rivière) qu’offre la localisation du bien, même s’il représente un risque de sinistralité élevé. Jusqu’à présent, les acquéreurs ne prenaient pas en compte le risque d'inondation quand ils achetaient un appartement ou une maison. Le risque d'inondation reste souvent théorique et mal perçu par le grand public. Le rez-de-chaussée des commerces et celui des habitations se trouvent en première ligne lorsque les rues se transforment en rivière. En 2015, selon le Commissariat Général au Développement Durable, entre 1984 et 1994, à Charleville-Mézières, le prix des biens immobiliers situés en zone inondable n’était pas réellement différent de celui des appartements ou des maisons en zone non inondable. Durant ces dix années, la ville n’a pas connu d’inondation majeure. Nous pouvons en déduire que le risque n’était pas pris en compte par les acheteurs et les vendeurs. Après la crue centennale de la Meuse en 1995, le prix des logements vendus en zone inondable a subi une décote de 21,7% par rapport aux zones non inondables. Aujourd’hui, il apparaît intéressant d’analyser ce différentiel pour voir si cette décote se maintient toujours autour de 20%. Dans la basse Vallée de la Canche, lors des années qui ont précédé la crue centennale (1995 à 1999), le prix d’un logement en zone de crue centennale était 11% inférieur à celui d’un bien identique mais non inondable. Dans les deux cas, des différentiels de prix étaient supérieurs au coût moyen des sinistres occasionnés par les inondations.
Toutes choses égales par ailleurs, le prix d’un logement dépend du dynamisme et de la tension du marché de l’immobilier local et donc du nombre de biens mis en vente dans et hors zones à risque. Les primes d’assurance sont beaucoup plus élevées pour les habitations situées dans les zones présentant des risques naturels tels que les inondations.
Les conséquences sociétales
James Daniell de l'Institut de technologie de Karlsruhe, a rassemblé 35 000 sinistres naturels de 1900 à 2015. Des catastrophes qui ont fait plus de 8 millions de morts dans le monde et ont coûté 7 000 milliards de dollars depuis le début du XXème siècle. Selon James Daniell, les inondations représentent le premières pertes économiques et humaines. Selon une analyse de l’OCDE, en 2014, une crue de la Seine similaire à celle de 1910 dans les conditions actuelles d’aménagement du territoire, coûterait jusqu’à 30 fois plus chers soit 30 milliards d’euros. En 2006, le rapport Stern précise que nous avons les moyens pour un coût contenu, d’éviter des situations catastrophiques. Une politique internationale de maîtrise des risques climatiques ne serait pas incompatible avec la croissance économique des pays du Nord ou du Sud. Cet engagement dépend du choix des politiques fortes et adéquates pour être efficientes. En effet, l’article 2 de la charte de l’environnement de 2004 soulignait : « … Que l'avenir et l'existence même de l'humanité sont indissociables de son milieu naturel. Que l'environnement est le patrimoine commun des êtres humains. Que l'homme exerce une influence croissante sur les conditions de la vie et sur sa propre évolution. Que la diversité biologique, l'épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l'exploitation excessive des ressources naturelles. Que la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation … ».
Un peu de prospective
Selon des projections publiées en décembre par l'Association Française de l’Assurance, le coût des aléas naturels pour les assureurs pourrait s'élever à 92 milliards d'euros durant la période 2014-2039. C’est presque deux fois plus que les 25 années précédentes dont le coût était estimé à 48 milliards d'euros pour les compagnies d’assurance. Selon le même rapport Stern en 2006, le coût moyen annuel des dommages causés par des événements climatiques extrêmes pourrait doubler dans les prochaines décennies. « Sans action forte et rapide, le développement économique de l’humanité engendrerait des risques de perturbations majeures dans ce siècle et dans le siècle suivant d’une ampleur comparable à celles qui ont été associées aux grandes guerres et à la dépression économique de la première moitié du XXe siècle. Autrement dit, ramenés à une annuité constante, les dommages climatiques pourraient représenter de 5 à 20% du Produit mondial brut (PMB) annuel dès aujourd’hui et pour l’éternité ». Le changement climatique représente un défi majeur pour l’économie. L’analyse économique doit être mondiale avec des projections à très long terme. Aujourd’hui, les risques naturels n’ont jamais été si présents et si importants dans le monde. L’économie des risques et des incertitudes n’est plus marginale. Elle doit être mieux appréhendée par tous les acteurs des pays industrialisés.