Traditionnellement et en caricaturant, il existe deux leviers pour agir sur le déficit public. On peut réduire les dépenses publiques (méthode qui seraient plutôt favorisée par la droite) ou augmenter les recettes (ce qui serait plutôt le choix de la gauche). A la lecture du programme de François Hollande, on s’aperçoit qu’il respecte bien le second schéma en privilégiant fortement l’augmentation des recettes, c'est-à-dire, la hausse des prélèvements, sans détailler les diminutions de dépense qu’il envisage...
Encore récemment, on nous assurait que ces mesures ne toucheraient pas les classes moyennes mais seulement les "riches", notion très vague au contour très flou. Il semble en outre bien illusoire de faire peser tous les efforts de la Nation sur une petite classe de « riches » qui préfèreront bientôt l'évasion fiscale.
Le nouvel exécutif freine des quatre fers l’annonce du détail de la réforme fiscale à venir. Pas un mot avant les législatives. Il ne filtrera rien non plus avant la publication de l’audit de la Cour des comptes, repoussé en juillet, au lieu du 28 juin, ce qui empêchera le président de présenter ses intentions à ses partenaires européens au Conseil européen des 28 et 29 juin. Le hasard fait bien les choses ! Ce qui est certain, c’est qu’il faut trouver cette année au moins 10 milliards d’euro pour atteindre l’objectif du gouvernement de 4,5% de déficit public pour 2012.
Dans le cadre de la mythologie du « changement », la TVA sociale, voulue par Nicolas Sarkozy, sera annulée. Mais toute une série de dispositifs devraient être mis en place pour tenter de renflouer les caisses de l’Etat en parallèle. Parmi les plus marquants, on trouve le relèvement du barème de l’ISF, par le retour au barème à six tranches de 0,55 % à 1,80 %, qui doublerait le montant de cet impôt.
Mais ces mesures restent très symboliques. Les faibles gains qu’elles engendrent sont à comparer à l’évasion fiscale supplémentaire qui y sera directement liée. La taxation des revenus du capital comme ceux du travail ne toucheraient, quant à elle, par définition que des ménages capables de recevoir des revenus substantiels de leur capital. Mais là encore, on peut se poser la question de savoir si les ménages avec de très forts revenus du capital n’auraient pas les moyens de s’évader sous les cieux plus cléments des paradis fiscaux à nos frontières.
Plus difficile est à interpréter la volonté de plafonner les niches fiscales à 10 000€ au lieu de 18 000€, car il faudrait pour chaque niche fiscale mesurer son efficacité. Ce que l’on peut dire en revanche c’est que le crédit d’impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile sera réduit de manière importante et que tout avantage fiscal sera supprimé dans le cadre d’un investissement immobilier, citons par exemple le dispositif Scellier. Or il s’agit là de deux dispositifs qui allaient dans le sens de la croissance. L’ensemble des Français, même les plus modestes seront donc touchés, directement ou indirectement, dans les domaines de l’immobilier et de l’emploi.
En revanche, la baisse de l’abattement sur les successions, ramené à 100.000 euros par enfant au lieu de 160.000 aujourd’hui, toucherait directement tout ménage moyen, voire modeste, qui serait propriétaire et qui n’aurait qu’un enfant unique. Ajoutons dans le même registre l’abaissement de 2336 à 2000 euros du plafond du quotient familial.
De même la suppression des exonérations de charges sur les heures supplémentaires retirera à coup sûr un fort pouvoir d’achat à nombre de ménages moyens et modestes qui avait trouvé, quoi qu’on en dise, une amélioration de leur condition dans le fameux « travaillez plus pour gagner plus ».
L’ensemble de ces mesures ne suffit pas pour atteindre les objectifs du gouvernement et il est fort à parier qu'il se servira de la publication de l’audit de la Cour des comptes en juillet pour annoncer de nouvelles hausses d’impôts qui toucheront, à nouveau, les classes moyennes, et les électeurs de François Hollande, qui souhaitaient justement un changement face à l’austérité européenne.
Le changement, c’est pour quand déjà ?
Pascal de Lima et Gwenaël Le Sausse