Dans l’activité publique relevant des services, une bonne partie du coût est due à la masse salariale, tout comme dans le secteur privé.
Le coût salarial est d’autant plus élevé qu’il y a de très nombreux agents publics en France, l’un des taux d’emploi public les plus hauts de l’OCDE. Rentrent dans cette catégorie les agents (fonctionnaires surtout, mais aussi contractuels) des trois fonctions publiques, d’Etat, hospitalière et territoriale, et les salariés des entreprises publiques. Ces personnels sont protégés par des statuts aux avantages multiples, accordés à tous même si certains se caractérisent par une productivité faible voire nulle. Le nombre d’agents multiplié par les coûts des rémunérations et des avantages statutaires est une combinaison explosive.
Comme pour les entreprises, et ce depuis des décennies, l’informatisation et désormais la numérisation constituent des gisements importants de productivité, et donc de réduction d’effectifs. De très nombreuses tâches administratives peuvent être traitées de façon automatisées avec une rapidité et aussi une fiabilité bien meilleure, réduisant la nécessité de revenir en arrière, contrôler et refaire ce qui a déjà été fait. Le nombre de démarches administratives qui peuvent s’effectuer en ligne se développe rapidement. Plus besoin de se déplacer, plus de perte de temps en attente. Les gains collectifs sont considérables, et montrent d’ailleurs que l’administration, pourtant facilement critiquée, est aussi capable de s’adapter et de se réformer.
Normalement, cela devrait se traduire par des besoins moindres d’agents publics même dans les pays riches et développés. Les comparaisons internationales sont trompeuses. La lecture des statistiques peut donner l’impression que la France, somme toute, se situe dans une honnête moyenne européenne.
En pratique, notre pays est resté jusqu’à présent à l’écart des grandes tendances, réduction du nombre d’agents publics et recul – voire la disparition – des protections statutaires. L’évolution des technologies permet de « faire plus avec moins », ainsi que tout un chacun peut le constater dans le secteur privé. Il ne reste alors qu’une seule option aux politiques, confrontés à la nécessité impérieuse de réduire la dépense publique : dépendre des cohortes annuelles des départs en retraite des fonctionnaires, en n’en remplaçant qu’une partie.
Mais même ce choix politique, que l’on pourrait considérer comme neutre et indolore, pose problème. L’opinion, lorsqu’elle entend parler de « suppressions de postes d’agents publics », comprend « licenciement de fonctionnaires », ce qui en France reste un gros mot. Pour les fonctionnaires déjà en poste, donc non menacés, cela veut dire moins d’opportunités d’emplois publics pour leurs enfants et, à terme, en étant moins nombreux, moins de possibilités de nuisances par la grève, outil traditionnel de promotion d’intérêts catégoriels.
Au-delà de la masse salariale, une réduction du nombre des fonctionnaires entraîne d’autres économies. Moins de bureaucrates signifie moins de production de normes et de procédures administratives, et donc moins de complexité. Mais aussi moins d’invention de nouvelles taxes, cotisations, contributions, redevances, etc. et autres impôts. Et enfin, moins de contrôles tatillons. Toutes ces activités et initiatives se traduisent mécaniquement par des surcoûts supportés par les créateurs de richesses.
« Faire faire » par des prestataires plutôt que « faire » par des fonctionnaires inamovibles
A terme, une réduction du nombre d’agents publics ne peut qu’être bénéfique pour l’économie (et donc ultérieurement pour les rentrées fiscales, mais cette fois-ci obtenues de façon vertueuse, du fait du dynamisme de l’économie et non de l’augmentation de la pression fiscale). L’exercice serait facilité si l’Etat revoyait son rôle, en arrêtant de « faire », tel un maître d’oeuvre, et en s’orientant vers le « faire faire », comme un maître d’ouvrage, pour reprendre la terminologie de l’économiste Jean-Marc Daniel.
Réduire sensiblement le nombre des fonctionnaires permettrait de mieux rémunérer ceux qui resteraient, notamment les cadres supérieurs et dirigeants, notoirement sous-payés par rapport à leurs homologues du privé. Une amélioration sensible du traitement de ces catégories de hauts fonctionnaires limiterait les risques de corruption et les tentations de rejoindre le privé pour monnayer des carnets d’adresses. Le risque en la matière est le potentiel conflit d’intérêt : se mettre au service d’une entreprise dont on régulait auparavant le secteur ou conseiller contre l’Etat, dont on connaît parfaitement les rouages, la culture, et le fonctionnement.
Aux régions de financer leur propre bureaucratie, si les électeurs y consentent
Les agents de la fonction publique territoriale sont recrutés de façon autonome par les mairies, les départements, les régions, etc. (le fameux « millefeuille territorial » est un autre exemple de créativité bureaucratique ; les agents ayant des compétences à la fois superposées et croisées, seuls des experts peuvent s’y retrouver).
La Constitution prévoit que ces collectivités s’administrent librement. Sauf à réduire considérablement ses dotations, ce qu’il commence à faire d’ailleurs, l’Etat a peu de marge de manoeuvre pour forcer les communes et autres collectivités locales à réduire leurs effectifs. Ils sont souvent constitués en partie pour des motifs électoralistes : donner l’impression qu’on lutte localement « contre le chômage », pour caser des battus du suffrage universel, pour récompenser des zélés serviteurs de campagnes électorales, etc.
Reste la fonction publique d’Etat, pour laquelle un plan de départ volontaire (horreur !) a été annoncé par le gouvernement en février. Cette annonce est complétée par la décision de recruter de plus en plus fréquemment de nouveaux collaborateurs sur contrats privés, hors statut historique, bien que celui-ci soit vénéré de façon quasi-religieuse par certains. Les Totems tomberont-ils ?
Une réduction des déficits publics sans hausse d’impôts ne peut se faire que si l’opinion réalise que les avantages d’une minorité de privilégiés sont financés par les sacrifices de la majorité. A défaut, c’est l’augmentation de la pression fiscale qui sera toujours à l’ordre du jour.
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