Au ministère de l’Economie et des Finances, à la banque de France, chez les banquiers centraux, le ridicule des premières déclarations sur les cryptos fait place à un peu plus de réflexion.
Nous avons vu que parlementaires et hauts fonctionnaires ne sont pas toujours au point sur les notions de base du monde des cryptomonnaies. Quid du ministère de l’Economie et des Finances, et des agents de la Banque de France ? Si vous êtes un lecteur régulier de cette chronique du ridicule, peut-être vous demandez-vous si elle pourrait exister sans Bruno Le Maire. Notre ministre de l’Economie n’a pas son pareil pour enchaîner les déclarations saugrenues. Mais notre normalien a assez de concurrents pour que ces billets du samedi puisent dans des sources variées.
Il fut un temps pas très lointain où Bruno Le Maire parait les cryptos de tous les maux et employait un ton fulminant dès lors qu’il abordait le sujet. Mi-janvier, il voyait le bitcoin comme le mal incarné, la mère des cryptos menaçant le bien précieux qu’est la stabilité financière mondiale. En cela, il s’inscrivait dans la droite ligne d’Emmanuel Macron.
A la lecture de ce genre de déclaration, on pourrait se demander de quelle stabilité Bruno Le Maire veut parler… Il ne s’agit malheureusement pas de celle qui pourrait prévaloir si les banques centrales n’avaient plus pour fonction de permettre aux gouvernements de dépenser plus d’argent qu’ils n’en récoltent, alimentant de fait l’everything bubble…
Début février, Bruno Le Maire revenait sur la position que la France allait défendre au G20 Finances des 19 et 20 mars à Buenos Aires. Je vous aurais bien proposé une capture d’écran de la citation sur l’éminent journal économique et financier où je l’avais lue, mais elle a depuis été remplacée par une belle photo de notre ministre dépourvue de citation, sans doute par miséricorde vis-à-vis de ce dernier. Du coup, je vous livre le photo-montage réalisé par Jacques Favier, normalien du Cercle du Coin.
Cherchez l’erreur… Vous avez trouvé ? Bravo, le poste de ministre de l’Economie et des Finances de la République française ne devrait pas vous intimider ! Plutôt que d’utiliser l’argent du contribuable pour payer des séances de méditation aux députés, peut-être vaudrait-il mieux offrir des cours d’algèbre à notre ministre de l’Economie et des Finances, vous ne pensez pas ? Que ne raconterait-on pas comme ânerie pour blâmer les vilains spéculateurs… Au mois de mars, un autre qui a bien fait rire la galaxie financière, c’est Zhou Xiaochuan, le gouverneur de la Banque populaire de Chine. Un banquier central transformé en gérant d’un gigantesque hedge fund qui déclare au sujet du bitcoin que son institution n’aime pas les « produits spéculatifs », moi je trouve ça drôle, pas vous ?
Sinon, pour ceux qui s’interrogent sur la stratégie qui a été celle de la France au dernier G20 Finances, le mieux est encore d’écouter ce qu’en a dit notre ministre. Quelques jours avant le sommet, il s’exprimait en effet devant la caméra de Konbini News. A la question « Comment fait-on pour réglementer le bitcoin ? », voici ce qu’a répondu Bruno Le Maire : « Si j’avais la réponse je ne proposerais pas qu’on en discute au sein du G20. Je n’ai pas la réponse, je le dis très sincèrement ». Si l’on suit le raisonnement du ministre, on conclut que la stratégie française consiste à ne participer au G20 Finances que lorsque notre pays n’a rien à proposer… Heureusement, depuis cette série de déclarations rocambolesques, tout a changé : quelque part entre avril et mai, Bruno Le Maire a vu la lumière ! Voici ce qu’il confiait le 15 mai lors d’un petit-déjeuner avec des entrepreneurs.
Excellente nouvelle ! Peut-être Bruno Le Maire va-t-il expliquer au sénateur Bosquet que ses interventions ne sont pas toujours lumineuses ? Peut-être même la nouvelle passion de Bruno Le Maire se traduira-t-elle par quelque chose d’apparent sur son éventuelle prochaine déclaration de patrimoine ? Ou peut-être que les choses ne vont changer qu’en apparences et que la France, dans ce domaine comme dans tant d’autres, restera à la remorque d’autres pays dont les dirigeants n’ont pas attendu le mois dernier pour ouvrir les yeux…
Quand les agents de la Banque de France s’expriment sur ce qu’ils ne connaissent pas bien
Le 26 avril, le tenancier de la chaîne YouTube de la Banque de France mettait en ligne une vidéo intitulée « Le point de la Banque de France sur le bitcoin et autres crypto-actifs ». Dans cette publication d’une durée de 1 minute 45, Emmanuelle Assouan, diplômée de l’IEP de Paris et Adjointe au Directeur des systèmes de paiement et des infrastructures de marché chez Banque de France, a réussi l’exploit de dire au moins neuf contrevérités ou sophismes, comme l’a recensé bitcoin.fr. Cela nous fait tout de même un errement toutes les 12 secondes.
On retrouve bien sûr le classique combo anonymat + financement des activités illégales. Emmanuelle Assouan prétend aussi que « la valeur de l’euro est garantie » (on aimerait bien savoir par qui et par quoi…). Ceci distinguerait les cryptos des devises à cours légal, pourtant toutes des monnaies fiduciaires, c’est-à-dire dont la valeur est basée sur la confiance que le public leur octroie, en tout cas depuis que nos monnaies ne sont plus garanties à 100% par un sous-jacent en métal précieux. Je ne m’étends pas plus, on a droit à toute la gamme des poncifs que vous connaissez.
Quand les banques centrales font dans la propagande
Pour être exact les banques centrales ne jettent pas elles-mêmes le discrédit. Lorsque le job est vraiment trop sale, elles payent des gens pour le faire à leur place. C’est ainsi qu’au mois de février, on apprenait que la Banque nationale de Pologne a secrètement rétribué des youtubers pour produire des vidéos discréditant les cryptomonnaies, tout cela en collaboration avec l’Autorité de surveillance financière polonaise.
Mais bien sûr, ce genre de pratiques et fake news a cours pour votre bien, et c’est tout ce qui compte aux yeux de certains régulateurs. Cela ne traduit aucunement que depuis la popularité croissante des cryptos, c’est la panique au niveau des banques centrales…
Les autorités étaient ridicules, mais elles apprennent et on pourrait avoir atteint un plateau
Comme l’écrivait encore Jacques Favier le 18 février, « la difficulté conceptuelle de Bitcoin sert un peu d’ingrédient à toutes les sauces et de prétexte à toutes les paresses. Dans une époque où l’accès à l’information n’a jamais été plus facile, je reste stupéfait du nombre d’interpellations ou de commentaires énoncés sur un mode ignare et néanmoins comminatoire ». Les déclarations de nos dirigeants perdent progressivement de leur véhémence. On passe progressivement d’une situation où les « Nuit des Idées » (Banque de France, le 25 janvier) et autres auditions au Sénat ne réunissaient que des politiciens de carrière, des hauts fonctionnaires et des agents de la Banque de France, à une situation où tout ce beau monde commence à s’entourer de véritables spécialistes, économistes indépendants, informaticiens et entrepreneurs. Puissent leurs propos être entendus !
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