Un certain nombre d’études sur l’absentéisme au travail soulignent ce qu’elles considèrent certainement comme l’incurie des DRH : certains d’entre eux ne connaîtraient même pas le taux d’absentéisme de leur entreprise !
Certes, cette méconnaissance est probablement révélatrice d’un intérêt pour la question de l’absence au travail bien éloigné de la gravité du problème. Mais à la décharge de nos DRH, ce taux d’absence se révèle de toute manière bien peu utile pour qui souhaite agir vraiment. A l’image du grimpeur au pied de son mur, en connaître la hauteur sert bien peu pour trouver la voie qui mène à son sommet.
Petite liste d’indicateurs d’absence indispensables dans le cadre d’une démarche HR Analytics
L’absence s’ancre d’abord dans une démographie d’entreprise. Comparer des taux d’absentéisme, dans le temps ou entre différentes entreprises, n’a guère de sens sans se référer à la situation démographique du collectif.
Soulignons, par exemple, ici le travail de l’iFRAP qui a collecté et retraité des dizaines de bilans sociaux de centres hospitaliers publics français pour les rendre « comparables ». Bel effort, mais qui se conclut malheureusement par une issue décevante : le podium des bons et des mauvais élèves, sans quelconque égard pour la démographie de ces établissements. Ainsi, on voit que le CHU de Nantes, parmi les meilleurs quant au taux d’absentéisme de son personnel non médical, enregistre plus de 7 jours de « parentalité ». Inversement, Grenoble, l’un des moins bons sur le même critère, n’enregistre que 2 jours de parentalité. Peut-on sérieusement penser qu’un établissement qui observe plus de 3 fois plus d’absence pour parentalité a la même démographie, et que celle-ci ne contribue pas à expliquer son faible niveau d’absence ?
Dans l’entreprise, la problématique est la même : le taux d’absentéisme et son évolution dans le temps ont besoin au minimum d’être accompagnés d’indicateurs de démographie du travail : évolution des effectifs, taux de féminisation par métier, taux d’encadrement, pyramide des âges, structure de l’ancienneté…
L’absentéisme, ce sont également des collectifs : il n’y a pas un absentéisme mais des « absentéismes ». Comportements, soutien des collègues et des managers, conditions de travail, etc. jouent considérablement sur les niveaux individuels d’absence. L’analyse de l’absence doit donc être déclinée à des niveaux multiples (sites, métiers notamment) et par de multiples indicateurs : taux d’absence certes, mais aussi fréquence et gravité des absences, % de jamais absent dans l’année, saisonnalité des absences, répartition des absences selon la journée de démarrage et de fin de l’arrêt… Cette analyse à conduire pour des collectifs par nature très différents doit tenir compte de leurs caractéristiques, et doit donc se faire, pour être fiable, en isolant des effets de structure.
L’absentéisme ce sont enfin des parcours. A fortiori lorsque l’on parle d’absence longue ou de maladie professionnelle (qui représentent environ un tiers du volume d’absence), l’absence survient rarement brutalement. On entre progressivement en absence longue, en passant par de multiples étapes. Les repérer, analyser les transitions entre les états d’absence, c’est sortir du simple constat que traduit le taux d’absentéisme pour entrer dans la dynamique du diagnostic et de l’action préventive. Des indicateurs de parcours d’absence doivent donc l’accompagner : première absence, passage en prévoyance, retour au travail après une absence longue, rechutes d’absence…
Le taux d’absence mesure l’ampleur des dégâts, ce que l’entreprise « perd » en équivalent main d’œuvre. Un bon DRH ne devrait probablement pas ignorer l’ampleur des dégâts subis, mais ne devrait assurément pas se contenter de les subir. Pour traiter cette problématique complexe, il lui faut des outils analytiques RH, dignes de l’enjeu que représente ce fléau des organisations modernes.