La mauvaise blague de la cagnotte est de retour

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Par Olivier Myard Publié le 18 avril 2018 à 5h00
France Finances Publiques Deficit Etat
@shutter - © Economie Matin
195 milliards ?En 2018, la France va emprunter 198 milliards d'euros.

Un déficit moins élevé qu’attendu ne fait pas une cagnotte. La résurgence de ce débat vieux de 20 ans prouve l’inculture de ceux qui votent le budget.

La cagnotte de l’Etat ? Quelle blague ! Nous voilà de retour aux années 1997-2002, lorsque le dynamisme – temporaire au demeurant – de l’économie mondiale a servi de cache-misère trompeur aux multiples initiatives désastreuses du gouvernement français de l’époque.

- Illusoire partage du travail avec les 35 heures payées 39, nous tirant une balle dans le pied juste avant d’entrer dans l’euro.

- Abrogation de la loi sur les fonds de pension votée par le gouvernement précédent, abandonnant une partie du capital de nos fleurons du CAC 40 aux investisseurs institutionnels étrangers, dont les ayant-droits – et non pas nos retraités – bénéficient de ces dividendes.

- Retrait des références aux racines chrétiennes de l’Europe dans les textes fondateurs, au motif imbécile que la France était laïque.

Le maintien de cette référence, qui faisait l’unanimité chez nos partenaires, aurait été bien utile aujourd’hui pour apaiser les tensions qui agitent l’Union européenne. Nous voyons les résurgences de l’empire austro-hongrois – dont les pays, au sein du « Groupe de Visegrad », développent un point de vue très eurosceptique et de la ligue hanséatique dont les membres, alliés à l’Irlande, s’opposent aux velléités de fédéralisme budgétaire français. Mais ceci est une autre histoire. Le discours le plus stupide de cette époque concernait la cagnotte. Près de 20 ans plus tard, le débat ressurgit. Certains n’ont rien appris.

Des rentrées fiscales meilleures que prévues, mais jamais d’excédent

On pourrait penser qu’une gestion publique soudainement vertueuse, se traduisant par un excédent budgétaire, permettrait d’accélérer le désendettement de l’Etat, gage de l’acquisition de marges de manoeuvre renforcées pour faire face à une prochaine crise économique. Ce n’est pas exactement ce qui se produit en ce moment et cette idée, loufoque, de « cagnotte » revient en force.

Grâce à l’amélioration de la conjoncture internationale (et en 2013, en France, au renoncement à des initiatives désastreuses en matière économique décidées en 2012), l’économie française retrouve du dynamisme, se traduisant par des rentrées fiscales « meilleures que prévu ». Mais il ne s’agit que d’un déficit moins élevé que prévu. Dans ce débat, les masques tombent.

Le gouvernement, en affirmant que ces « plus-values fiscales » serviront au désendettement, montre sa vraie nature, en matière économique du moins, celle d’être de droite. Ce qui n’est pas surprenant lorsque l’on connaît l’origine du Premier ministre, et celle des titulaires des portefeuilles de Bercy. On peut aimer ou pas, mais c’est ainsi.

En revanche, les réactions « généreuses avec l’argent des autres » d’une partie, mais une partie seulement, des députés de la majorité, révèlent leur culture de gauche. Ceux-ci multiplient les propositions de distribution. Apparemment, il ne leur viendrait pas à l’idée de rechercher des sources d’économies budgétaires dans d’autres secteurs, afin de financer de nouvelles dépenses jugées plus prioritaires.

Cette dichotomie des réactions des députés de la majorité parlementaire n’est pas une surprise. La nouvelle majorité est une version modernisée (plus jeune, plus féminine, sans références aux combats de la Résistance) de la plupart de celles de la IVème République, où le plus souvent la SFIO (ancêtre du PS tendance social-démocrate) s’alliait pour gouverner au MRP, forme française de la démocratie chrétienne, et à d’autres formations centristes.

On voit aujourd’hui les prémices d’une fracture de nature idéologique entre le gouvernement et sa majorité. L’exécutif adopte la seule ligne permise désormais aux gouvernements européens du fait des textes communs (politiques budgétaires plus strictes, en contrepartie de politiques monétaires – pour l’instant… – souples conduites par la BCE), tandis que sa majorité reste traversée par des débats d’un autre âge.

Compte tenu de la logique de la Vème République, donnant une prééminence au pouvoir exécutif face au pouvoir législatif, il y a peu de suspense sur la fin de cette histoire. Mais le simple fait que le débat ait eu lieu en dit long sur l’inculture crasse en matière économique de ceux qui pourtant, chaque année, votent la loi de finances.

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ENA, Sciences Po Paris, Olivier Myard est aujourd’hui fonctionnaire international, en poste en Amérique du nord (États-Unis, Canada) depuis 2005. Auparavant, il avait développé sa carrière dans le secteur privé (banque, assurances), mais aussi au sein du réseau international du ministère des finances (Services économiques en ambassade) et auprès des juridictions financières (Cour des comptes, chambres régionales des comptes). Il a passé la moitié de sa vie à l'étranger et outre-mer, mais reste attentif à l’évolution de son pays, avec un regard de l’extérieur.

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