Frais bancaires : un effet pervers du crédit gratuit

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Par Simone Wapler Publié le 19 janvier 2016 à 5h00
Frais Bancaires Augmentation 2016 Banques
@shutter - © Economie Matin
2,3 %Les frais bancaires devraient augmenter de 2,3 % en 2016

Beaucoup d’entre nous ont reçu en fin d’année les tarifs applicables par leur banque en 2016. Beaucoup d’entre nous ont classé cette feuille sans trop examiner son contenu. Après tout, l’inflation est sous contrôle, nous dit-on…

Sournoisement, il s’y glissait cependant une innovation : la facturation des frais de tenue de compte. Vous êtes en train de payer l’activisme de notre cher Mario Draghi de la Banque centrale européenne. Cela vous agace ? Bonne nouvelle, vous pouvez vous battre même si le chiffre est à première vue modeste (de quelques euros à 30 euros par an selon les établissements). Mais voyons d’abord pourquoi on veut nous soumettre à cette menue rapine.

Autrefois, une banque faisait payer ses tenues de comptes. Autrefois, c’est-à-dire jusque vers les années 1960. La plupart des gens n’avaient pas de comptes bancaires. Les règlements se faisaient en espèces et les économies se mettaient sous les matelas, dans les bas de laine, en billets ou en pièces d’or.

Seul les gens aisés et les commerçants avaient des comptes en banques ; le banquier facturait la garde de l’argent mais aussi la tenue de compte — en fait de la comptabilité. Les relevés de comptes étaient produits sur du beau papier, écrits à la plume avec de jolis pleins et déliés. L’argent restait disponible ; en d’autres termes, un déposant pouvait le retirer à tout moment, sans préavis, et repartir avec ses billets ou son or.

Les plus riches employaient aussi les services de banques d’affaires. Investisseurs aux poches profondes, ils étaient eux-mêmes entrepreneurs et donc supposés avertis des risques de leurs placements. L’épargne des riches se retrouvait ainsi rassemblée pour financer des entreprises risquées gourmandes en capitaux ; avec des dépôts fortement rémunérés, les riches "en avaient pour leur argent". Si l’aventure entrepreneuriale se terminait mal, la banque faisait alors faillite et les riches qui lui avaient fait confiance perdaient leur argent. Les infortunes des riches suscitant habituellement peu de compassion dans le public, tout allait bien.

La naissance du monstre de la banque universelle?

Tout a changé après la Deuxième guerre mondiale avec le développement du crédit. L’idée était que les banques ne se servent pas seulement de l’épargne des riches mais de celle de tout le monde pour "financer l’économie" et non plus seulement des aventures entrepreneuriales gourmandes en capitaux.

L’idée est la suivante : les dépôts et l’épargne même des plus modestes sont collectés et prêtés ; les petits ruisseaux faisant les grandes rivières, les banques prêtent ainsi bien plus que si elles se limitaient aux capitaux de quelques riches.

Ainsi naquit la banque universelle, à la fois banque de dépôt et banque d’investissement. Universelle par sa fonction mais aussi universelle par ses clients : de nos jours, tout le monde doit avoir un compte bancaire.

"Financer l’économie" dans notre douce France nourrie aux mamelles keynésiennes de l’interventionnisme, du capitalisme de copinage et des "partenariats publics privés", cela signifie par exemple :
– des crédits immobiliers?
– des crédits à la consommation
?– des crédits à l’Etat pour financer des «investissements» (la dette d’Etat ne cessant de gonfler, en réalité ces emprunts servent à payer des prestations sociales)

Dans un premier temps, la collecte des dépôts fit arriver une masse d’argent frais, et le crédit devint de moins en moins cher. L’immobilier se renchérit et l’inflation devint la règle de vie normale (augmentation des prix puisque plus de crédits disponibles donc plus d’acheteurs potentiels). Le public ayant du mal à comprendre cette forme d’impôt sournois qu’est l’inflation, tout allait bien.

Dans un deuxième temps, la taille des banques devint monstrueuse. Comme d’habitude, les monstres engendrent des problèmes…

Les gouvernements successifs prirent la désastreuse habitude de vivre au-dessus de leurs moyens car il est plus facile pour une assemblée de fonctionnaires élus de voter un déficit que de lever les impôts correspondants aux dépenses prévues. Plus les taux baissaient, plus la dette devenait indolore.

Les banques recyclèrent docilement l’épargne dans les emprunts d’Etat et devinrent trop-grosses-pour-faire-faillite. Parallèlement, l’Etat français bascula dans le surendettement. Aujourd’hui, toute diminution du déficit conduit à diminuer la redistribution ou les prestations sociales.

Le système de résolution bancaire et la légalisation du vol?

Ceux qui avaient créé le problème (énarques et hauts fonctionnaires élus ou en fonction, technocrates serviteurs zélés de la puissance publique) s’attelèrent aux solutions du problème qu’ils avaient fait naître. Pour remédier à la chute d’une banque trop-grosse-pour-faire-faillite, une réglementation tatillonne enjoint les banques d’avoir plus de capitaux propres (de l’argent à elles pour payer éventuellement la casse) et légalise la spoliation des déposants en cas de problème (au besoin, on prélèvera sur leurs comptes courants de quoi renflouer leur banque).

Evidemment, il était hors de question d’entraver la croissance infinie du crédit puisque tout le monde vit à crédit sur le dos des autres sans rien donner en garantie, l’irresponsabilité étant la règle.

Pour pousser les banques à toujours prêter plus malgré une conjoncture économique morose, le crédit est gratuit pour les banques et le taux directeur de la Banque centrale européenne est à zéro. Mais la conjoncture est vraiment morose ; les banques ne se bousculent pas pour accorder des crédits à la consommation à des chômeurs en devenir ou prêter à des entreprises qui ont du mal à accroître leurs chiffres d’affaires et leurs marges. Pour obliger les banques à prêter, la Banque centrale européenne les punit par des taux négatifs : les banques perdent de l’argent si elles ne prêtent pas ce qu’elles ont le droit de prêter.

Pour résumer, les banques ont du mal à gagner de l’argent faute de bons emprunteurs. Les taux bas pèsent sur leurs marges. Leur spéculation sur les marchés financiers (du trading pour compte propre, en langage financièrement correct) ne suffit pas à faire bouillir la marmite des actionnaires et ne justifie pas le nombreux personnel et les agences.

Que faire, se demandent les banques ??

Vous faire payer, tiens, pardi ! D’autant plus facile que vous leur confiez votre argent… D’où l’augmentation des frais bancaires. Si, révolté par cette injustice, vous voulez vous rebiffer, invoquez l’application de l’article L312-1-1 du code monétaire et financier et notifiez votre intention de refuser cette menue rapine ! Les modalités et un courrier type figurent ici.

Le fond du problème reste cependant ces rendements presque nuls qui laminent votre épargne. On vous oblige à laisser votre argent en banque et à prendre des risques sans intérêt, c’est-à-dire sans avoir la rémunération correspondant à des taux d’intérêt normaux.

Là encore, plutôt que d’accepter la rémunération misérable (voire insultante) du livret A ou du super-livret vendu par votre banque (et qui est bourré d’obligations toxiques), il y a une solution. Grâce à l’ubérisation de la banque — en recourant aux plateformes internet de financement participatif, vous pouvez prêter en direct à l’économie réelle avec des rémunérations intéressantes.

Pour plus d’informations et de conseils de ce genre, c’est ici et c’est gratuit

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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.