Le Conseil constitutionnel vient de déclarer contraire à la constitution le 1e alinéa et une partie du 2e alinéa de l’article L.4614-13 du code du travail à la suite d’une saisine, par la Cour de Cassation, d’une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) posée pour la société Foot Locker France SAS sur la prise en charge, par la société, des frais d’une expertise décidée par leC, mais contestée (QPC n°2015-500).
Le CHSCT (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) peut faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave est constaté dans l'établissement ou en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail. Les frais d’expertise sont à la charge de l’employeur.
L'employeur peut former un recours devant le juge judiciaire afin de contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût, l'étendue ou le délai de l'expertise, mais il ne peut s'opposer à l’entrée en fonction de l'expert qui peut accomplir sa mission dès que le CHSCT fait appel à lui, nonobstant un recours formé par l'employeur contre la décision du comité. Même lorsque l’employeur obtient l'annulation en justice de la délibération ayant décidé de recourir à l'expertise après que l'expert désigné ait accompli sa mission, les frais de l'expertise demeurent à la charge de l'employeur.
C’est cette anomalie de la législation du travail qu’avait à juger le Conseil constitutionnel. Le Conseil constitutionnel a considéré, qu’en l’absence d'effet suspensif du recours de l'employeur et de l'absence de délai d'examen de ce recours, l'employeur était privé de toute protection de son droit de propriété en dépit de l'exercice d'une voie de recours. Il a donc, tout naturellement, décidé que le premier alinéa et la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 4614-13 du code du travail étaient contraires à la Constitution.
Afin de permettre au législateur de remédier à cette décision d'inconstitutionnalité, la date d’abrogation de cette disposition est reportée au 1er janvier 2017.
Nos commentaires
On ne peut que regretter que le code du travail contienne des clauses anticonstitutionnelles et qu’il faille le recours à la procédure des QPC pour faire respecter la Constitution. On peut observer des dérives en matière de recours à des expertises externes de la part de certains CHSCT.
On peut se réjouir que le Conseil constitutionnel ait invalidé une disposition du droit du travail qui porte atteinte aux règles constitutionnelles : l’obligation de payer l’intervention de l’expert désigné par le CHSCT bien que la justice ait procédé à l’annulation de la désignation de cet expert. On regrette que le report de la date d’abrogation de ce texte au 1er janvier 2017 laisse perdurer un risque financier pour les entreprises pendant plus d’une année.
S’agissant d’une société étrangère installée en France, on peut craindre que cette procédure vienne détériorer encore un peu plus l’attractivité de la France et son image (le pays des droits de l’homme !).