Enracinées dans un marché hyper réglementé et protégé, les banques françaises ont assisté passives au débarquement des Fintech sur leurs terres. Mais, malgré les levées de boucliers, l’évidence est là : les Fintech ne vont pas tuer les banques. Loin de se cannibaliser, les supposés frères ennemis cherchent plutôt à cohabiter de manière intelligente au service de ce qui les réunit : le client.
« La manière dont nous internaliserons et nous approprierons les nouvelles technologies dans les prochaines années va déterminer notre succès. » A la tête du groupe Santander, Ana Botín a bien saisi tout l’enjeu de la cohabitation entre startups innovantes et banques. Ainsi, lors du salon Money20/20 à Copenhague en avril dernier, la plus grande banque espagnole a annoncé son alliance avec la Fintech américaine Kabbage. L’objectif : pénétrer le marché anglais du financement aux TPE/PME. Loin d’être la dernière, cette annonce présage plutôt d’une longue série de partenariats entre Fintech et mastodontes bancaires. Et pourtant, qui ne fantasmait pas sur le duel Fintech et banques, tel David contre Goliath ? Les startups de la finance se sont en effet construites sur le désamour marqué des clients vis-à-vis de leur banque. Elles y ont trouvé un terreau fertile pour pousser et bousculer le marché. Customer centric et misant sur l’agilité offerte par les nouvelles technologies, les solutions proposées par les Fintech affichent une expérience utilisateur incomparable. Même si elles restent encore des gouttes d’eau dans l’océan financier, le nombre de nouveaux acteurs explose chaque jour un peu plus et leur croissance est exponentielle. Avec plus de 2,4 milliards d’euros d’opérations en 2014, la licorne tricolore des moyens de paiement Slimpay a enregistré une croissance de 4 068 % sur quatre ans !
La fin du fantasme : les Fintech ne survivront pas seules
Ces trois dernières années ont ainsi vu la création d’un grand nombre de Fintech, financées par des fonds de capital-risque ou investisseurs institutionnels et privés. Face au dynamisme et au potentiel du secteur, les « VC » - venture capitalists - ne s’y sont pas trompés. En 2015, les fonds investis dans les startups du secteur explosaient et les levées de fonds récurrentes – multipliées par 3 entre 2014 et 2015 – monopolisaient les gros titres des médias spécialisés. Financer sa startup n’était plus, en somme, un rêve hors d’atteinte pour les entrepreneurs. Mais aujourd’hui, l’émergence d’une multitude de jeunes plateformes ne fait qu’augmenter leur mise en concurrence tandis que les capitaux-risqueurs deviennent de plus en plus frileux. Dans ce contexte de compétition et d’explosion du coût d’acquisition, les Fintech peinent à être toutes structurellement rentables. Pour répondre à cet environnement concurrentiel et au besoin de « scalabilité » de leur business model, certaines plateformes envisagent des stratégies de partenariats avec ceux contre qui elles s’érigeaient jadis. La licorne Kabbage s’est ainsi adossée à la plus grande banque espagnole pour son entrée sur le marché britannique tandis que l’acteur de crowdlending OnDeck s’est rapproché du géant JPMorgan. Ces ententes signent la fin du fantasme du secteur Fintech autonome mais témoignent surtout d’une structuration logique et inévitable du marché.
Banques et Fintech : le business model de la cohabitation
Les banques sont loin d’être aussi agiles que les Fintech en termes d’acquisition client, de volumes de données à gérer ou de déploiement géographique. Mais elles disposent d’une clientèle massive. Et c’est là que la cohabitation prend tout son sens. Les banques envient le dynamisme, la technologie et le sens de l’expérience client des Fintech, tandis que ces dernières rêvent d’avoir accès à la clientèle des banques. Côté Fintech, initier des partenariats avec les colosses bancaires représente alors une voie rapide vers la rentabilité et la prise de parts de marché significatives. Côté banques, elles ne peuvent faire que le constat de la raréfaction des points de transaction avec leurs clients. Même si les opérations courantes s’effectuent encore via les services des banques traditionnelles, certaines se voient détournées par les applications de suivi comme Bankin’ ou par les robo-advisors comme Yomoni. S’associer avec des acteurs développant des solutions qu’elles-mêmes ne sont pas en mesure de proposer - du fait de leurs contraintes réglementaires et de leur rigidité structurelle et culturelle -, permet ainsi aux banques de renouer le lien aujourd’hui fragile avec leurs clients et de mieux les servir avec des offres plus adaptées. Fortuneo et BforBank l’ont bien compris en développant en marque blanche l’agrégateur de comptes Linxo. Le verdict du Crédit Mutuel Arkéa est quant à lui sans appel : « Nous ne craignons pas leur concurrence, notre avenir passe au contraire par notre capacité à travailler avec ces acteurs car les banques qui ne réinventent pas la façon de faire leur métier vont mourir », prévient Anne-Laure Naveos, responsable acquisitions et partenariats du groupe mutualiste.
Encore granulaire, c’est un vrai mouvement de fond qui se met en place. Les banques sont en train de renoncer à leur caractère universel et misent sur l’agrégation de services tiers via un réseau de partenaires incarné par les Fintech. L’objectif est de faire bouger les lignes d’un système bancaire figé pour entrer en adéquation avec les nouveaux comportements et attentes des clients. Car in fine, le premier bénéficiaire est et restera le client.