La réunion du comité de politique monétaire de la Réserve fédérale américaine (Fed) des 15 et 16 juin 2021 sera l’occasion pour celle-ci de revenir en détail sur ses objectifs de stabilité des prix et de plein emploi afin de justifier l’absence d’urgence de normalisation de sa politique monétaire.
Inflation : La rapidité de la hausse des prix continue de surprendre, avec une inflation totale à +5% en mai contre +4.7% attendu et +4.2% en avril, et avec un indice core inflation à +3.8%, contre +3.4% attendu. Cette poussée reste toutefois largement expliquée par des effets de base importants, notamment la hausse des prix de l’énergie et celle des ventes de voitures d’occasion. Cela devrait permettre à Jerome Powell de souligner de nouveau le caractère temporaire et contenu de ce phénomène.
Certes, ce scénario est un pari, et une augmentation pérenne des salaires pourrait le remettre en cause. Toutefois, malgré les annonces récentes de hausse des rémunérations de la part de quelques grandes entreprises, qui concernent essentiellement les emplois les moins qualifiés, nous ne voyons pas actuellement de tension sur les rémunérations d’un point de vue macroéconomique : les salaires (average hourly earnings) ont augmenté de +0.5% en mai en glissement mensuel, après +0.7% en avril.
Cette analyse du caractère transitoire de l’inflation est largement partagée par les marchés, qui font fi de sa volatilité et s’ancrent sur les objectifs de la Fed. Les anticipations d’inflation ont décru ces dernières semaines après un pic atteint mi-mai : le 5y5y swap inflation, qui avait atteint un pic en mi-mai à 2.55%, est redescendu à 2.37% au 11 juin, et les break-even inflation ont suivi une tendance identique (le 2 ans de 2.96% à 2.77%, le 5 ans de 2.75% à 2.50% et le 10 ans de 2.56% à 2.35% aux mêmes dates).
Emploi : La Fed devrait indiquer les progrès réalisés pour atteindre son objectif de plein emploi, mais aussi celui, plus nouveau mais non-officiel, de réduction des inégalités, en alignement avec la politique du président Joe Biden. Car désormais, il ne s’agit pas seulement de créer les conditions d’une réduction du taux de chômage, mais aussi de favoriser le plein emploi au sein des minorités qui ont le plus souffert lors de la crise. Des objectifs encore loin d’être remplis. Malgré la reprise forte de la croissance américaine, le nombre de création d’emplois reste décevant. Les 2.4 millions d’emplois créés depuis le début de l’année ne suffisent pas à compenser les destructions pendant la crise. Et la chute du taux de participation, qui stagne autour de 61.5%, est un révélateur de la faiblesse de l’offre de travail alors que la demande reste très forte.
Avec un scénario d’inflation bien acheté par les marchés et un emploi encore décevant, il n’y a donc guère de justification pour la Fed de modifier le réglage de sa politique monétaire.
Jerome Powell pourrait toutefois infléchir sa communication. Il y a peu, Jerome Powell déclarait « not even thinking about thinking about tapering ». Avec un momentum de croissance qui s’accélère, porteur d’espoir pour l’emploi, et en l’absence de pression des marchés pour réagir face à la hausse de l’inflation, le contexte a clairement changé, et la Fed pourrait annoncer avoir débuté sa réflexion sur une inflexion dans son programme d’achats, sans toutefois s’avancer sur une date.
Cette réunion ne devrait pas impacter les marchés de taux, préparés depuis des mois à l’annonce d’un signal concernant le tapering qui n’aurait rien d’une surprise. Ce tapering sera sans doute le plus anticipé de l’histoire….