Pour une réglementation européenne permettant enfin de lutter efficacement contre le fléau des faux avis, WizVille interpelle les deux finalistes à l'élection présidentielle française.
Que ce soit pour choisir un restaurant ou à l’occasion d’un achat, les avis en ligne influencent fortement les décisions des consommateurs. 88 % d’entre eux font d’ailleurs autant confiance aux avis en ligne qu’aux avis de leurs proches. Or, selon une enquête de l’UFC, réalisée en 2016, un tiers de tous les avis diffusés en ligne seraient truqués (ce qui constitue une pratique commerciale trompeuse passible de 3 ans d’emprisonnement) : les fausses critiques écrites par des concurrents mal intentionnés sont, avec la suppression infondée de ses propres avis négatifs, l’une des pratiques les plus courantes. Comment peut-on alors savoir à quels avis clients se fier ? Sans une implication législative européenne, les normes et lois françaises suffisent-elles pour protéger le consommateur contre ces pratiques ?
“De nombreux commerçants se retrouvent discrédités injustement”
Qu’il s’agisse de faux avis négatifs postés par un concurrent déloyal ou toute autre personne malveillante, ces commentaires infondés trompent le consommateur et faussent la concurrence. De nombreux commerçants subissent ainsi les conséquences de ces avis et se retrouvent discrédités injustement. Il est impossible aujourd’hui de chiffrer de façon précise toute l’ampleur de ce phénomène et des préjudices subis par ses victimes : baisse de fréquentation des points de vente, atteinte à l’e-réputation, pertes financières...
Pourtant, les entreprises et plateformes de diffusion d’avis clients ont d'ores et déjà la possibilité de fiabiliser leurs avis clients. Depuis 2013, il existe en effet une norme volontaire AFNOR (NF Z74-501), permettant de fiabiliser la collecte, la modération et la restitution des avis de consommateurs en ligne. La France est le premier pays à s’être doté d’une telle norme.
Une nouvelle loi qui prévoit une obligation de transparence
En septembre 2016, la Loi pour une République numérique a donné lieu à la création de l’article L. 111-7-2 du Code de la consommation, qui prévoit des obligations d’information pour les gestionnaires d’avis en ligne, inspirées par cette norme française. Les modalités et le contenu de ces informations seront précisés dans un futur décret d’application.
Cette loi, promue par Axelle Lemaire, ancienne secrétaire d’État chargée du Numérique et de l’Innovation, contribue à réduire l’impact des faux avis clients qui pourraient duper les consommateurs. En obligeant les entreprises à faire preuve de plus de transparence quant aux modalités de collecte et de modération de leurs avis clients, le gouvernement renforce le cadre pénal existant contre les dérives de certaines sociétés. Mais elle manque encore de clarté et peinera surtout à s’appliquer dans le contexte européen dans laquelle se trouve la France.
Cette nouvelle loi ne s’appliquerait pas aux principales plateformes d’avis
En effet, les plateformes d’avis clients principales sont bien souvent d’origine américaine, et opèrent depuis des sièges européens situés au Luxembourg, en Irlande ou aux Pays Bas. Cette nouvelle loi s’appliquerait donc difficilement à ces entreprises, dans la mesure où une incertitude plane toujours sur l’obligation de ces mastodontes étrangers à s’y conformer en France étant basés dans d’autres pays européens…!
Seule une directive Européenne pourrait rendre la loi applicable
Le seul moyen de réellement protéger le consommateur français semble donc être que l’Europe se positionne rapidement sur cette question par l’intermédiaire d’une directive qui s’appliquerait à tous les pays européens. Car même si l’Union Européenne impose à ses Etats membres, via la Directive 2005/29/EC datant de 2005, de faire figurer la rédaction de faux avis parmi les pratiques commerciales trompeuses passibles d’emprisonnement, aucune directive n’impose que soient détaillées les modalités de recueil, de modération et de diffusion des avis sur les sites diffusant des avis…
Pro et anti-européens doivent se positionner sur le sujet
En attendant, puisqu’il est toujours impossible pour les consommateurs de savoir si tel ou tel avis est issu d’un processus de collecte et de restitution d’avis fiable, c’est tout le principe du bouche-à-oreille digital qui est remis en question, ainsi que la protection des consommateurs les plus vulnérables. Ce n’est que lorsque l’on pourra établir toute la transparence sur l’origine et la fiabilité de chaque commentaire client que les avis en ligne permettront de différencier objectivement les entreprises. Dans l’intervalle, de nombreux consommateurs et sociétés continueront à être injustement pénalisés en raison du manque de régulations adéquates contre les faux avis clients, ce qui, en cette période électorale qui oppose pro et anti-européens, mérite que l’on s’y penche très sérieusement.