« La France est un Etat en grande faillite ».Et si cette phrase était le signe d’un revirement de jurisprudence communicationnelle : l’avènement d’un discours de vérité et de transparence dans la communication économique et sociale gouvernementale ? La phrase de Michel Sapin – ministre du Travail – prononcée à la radio dimanche dernier a fait remonter à la surface la polémique déclenchée par François Fillon alors premier ministre à l’été 2007.
En matière économique, plus qu’ailleurs, la répétition est la meilleure méthode de communication. Aujourd’hui, on constate que les Français interrogés sont de plus en plus nombreux à croire que l’Etat peut être en faillite. En effet, 57 % des Français pensent que la France peut faire faillite, d'après le sondage Tilder/LCI/OpinionWay de ce jeudi 31 janvier. Manifestement, l’éloignement du spectre d’une faillite des Etats grecs, espagnols ou portugais n’a pas encore trouvé de résonnance dans l’opinion des Français.
S’il traduit aussi une réelle inquiétude, ce résultat en augmentation est probablement la conséquence de la répétition de cette phrase qui, même démentie du bout des lèvres par ceux qui la prononcent, imprime l’opinion publique durablement. Les différentes réactions politiques à la suite de cette petite phrase qui a été prononcée le matin d’une journée pourtant saturée en information (arrivée du Vendée Globe, défilé à Paris en faveur du mariage pour tous) a montré la réactivité et la sensibilité de cette question.
Cette phrase du ministre du Travail, ne peut être interprétée, en communication, que d’une seule façon : il s’agit d’un ballon sonde lancé par le gouvernement pour tester l’opinion et mesurer les réactions des alliés de la majorité et de l’opposition. Il s’agit donc de la phase préparatoire d’une série de nouvelles plus mauvaises encore, visant à habituer les Français aux décisions difficiles. Manifestement, les Français entendent et comprennent le message. C’est bon signe pour le Gouvernement.
Toutefois, cette prise de position a peut-être un effet pervers à conséquence visible immédiate : la grève des fonctionnaires sur les salaires. Il s’agit là d’un électorat plutôt acquis au Gouvernement et dont les dernières revendications, à l’origine de la grève du 31 janvier 2013, ne sont pas comprises par la majorité des Français. Ainsi, près de 60 % des sondés trouvent injustifiée la mise en grève des fonctionnaires, alors que ceux-ci sont payés 377 € de plus que dans le privé, en moyenne.
Le gouvernement se trouve donc face à un dilemme : contenter une part importante de son électorat en accédant à ses revendications viendrait contredire l’image de vérité esquissée par le ministre du Travail. Les Français confirment par ce sondage qu’ils se résignent aux efforts pour éviter la faillite. Ils confirment également qu’aucun Français ne doit manquer à l’appel de l’effort. Le gouvernement a réussi le pari de la vérité, la voie est libre pour des mesures impopulaires, à condition qu’elles soient partagées.