Baccalauréat économique : Les facteurs travail et capital sont-ils les seules sources de la croissance économique ?

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Par Jean-Paul Betbèze Publié le 6 août 2014 à 3h19

Durant ce mois d'août 2014, je vais suggérer mes propres réponses aux 3 sujets proposés aux élèves du baccalauréat économique cette année. Une façon de montrer à quel point ces sujets théoriques ont des implications bien réelles, et bien actuelles...

Chaque trimestre, nous mesurons la croissance de l'activité, en liaison avec l'emploi et l'investissement. On pourrait donc dire qu'effectivement capital et travail sont "les" sources de la croissance que nous mesurons. Mais nous mesurons en même temps, plus ou moins bien d'ailleurs, l'intensité avec laquelle travaillent les salariés et la qualité des investissements, plus ou moins innovants, risqués et adaptés à la demande, le tout dans des entreprises, qui sont plus ou moins efficaces. Il nous faut donc avancer.

Le "facteur travail" est autant qualitatif que quantitatif, même s'il se mesure surtout de manière quantitative, comme le "facteur capital" d'ailleurs. Et les deux se retrouvent nécessairement dans des organisations qui feront la différence, la fameuse productivité globale des facteurs (PGF). C'est à la PGF de fonctionner comme « solde », pour « expliquer l'inexplicable ». Elle doit dire en quoi travail et capital sont bien les sources de la croissance, plus leur interpénétration – cette interpénétration qui fait la vraie différence des croissances entre pays et organisations ! Notre recherche n'est pas close pour autant.

Il faut aller plus loin que ce passage de deux facteurs à trois, le troisième étant la combinaison des deux premiers. Pourquoi ? Parce que le "facteur" qui "fait" cette croissance (capital ou bien travail) a, lui aussi, été « fait », permis, voulu, pensé. La croissance qui se mesure est, par construction, celle qui a eu lieu, en fonction de décisions et de l'environnement, parmi des choix possibles. Ce qui "fait les facteurs" est donc décisif, au-delà des facteurs eux-mêmes. C'est le sentier de croissance dans lequel s'engage une économie. Il nous faut passer de l'ex post à l'ex ante.

C'est en effet là qu'il faut se diriger pour comprendre pourquoi une économie va se développer, donc une société (dans son ensemble) va accepter de changer. Il faudra qu'elle pense y avoir plus d'avantages que de risques. Il faudra que diverses combinaisons de travail et de capital dans les entreprises soient explorées, que des innovations soient envisagées, financièrement permises, présentées et mises en branle par des "entrepreneurs". Ceux-ci changeront leurs organisations et feront évoluer l'environnement. La société au sens large n'est donc ni séparée des "facteurs de production", ni inerte par rapport à eux. L'acceptation du changement et du risque, l'acceptation du profit qui en est son prix, sont ainsi fonction des "esprits animaux" des entrepreneurs, du capital humain de la société, mais tout autant de sa cohésion et de ses valeurs (goût du changement ou de la sécurité), de sa situation écologique et géopolitique.

Le sentier de croissance qui pilote la croissance est un parmi plusieurs a priori possibles. C'est pourquoi il faut que les sociétés et les économies se projettent et débattent, avec des choix stratégiques sociaux, industriels, écologiques, sous la férule de leaders, entreprises, personnes, mouvements d'opinions... C'est dans ces possibles que les entreprises, à leur tour, se projetteront, dans une ou plusieurs économies nationales. Elles vont créer leur croissance, avec leurs facteurs internes (leur capital et leur travail) et externes. Ces derniers viennent de divers pays (zones économiques, fiscales, linguistiques, politiques, monnaies...), sans oublier le rôle croissant des « facteurs intermédiaires », alias les réseaux sociaux.

On le voit, la croissance est complexe. Elle l'est bien plus que le résultat d'une combinaison de facteurs qui n'est pas si simple non plus. Elle est la mise sous tension de ces facteurs eux-mêmes. C'est le sentier qui fait la croissance, c'est l'éclairage qui fera les sentiers possibles. Ce sont le courage, la pédagogie, la force de conviction et la flexibilité qui feront revoir ce qui se fait (la croissance) par rapport à ce qui pourrait se faire (le sentier). Les facteurs de la croissance ? Au fond, c'est la permanence du mouvement économique dans le maintien de la cohésion sociale.

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Jean-Paul Betbèze est PDG de Betbèze Conseil, membre de la Commission Economique de la Nation et du Bureau du Conseil national de l'information statistique (France), du Cercle des économistes et Président du Comité scientifique de la Fondation Robert Schumann. Professeur d'Université (Agrégé des Facultés, Professeur à Paris Panthéon-Assas), il a été auparavant chef économiste de banque (Chef économiste du Crédit Lyonnais puis Chef économiste & Directeur des Etudes Economiques, Membre du Comité Exécutif de Crédit Agricole SA) et membre pendant six ans du Conseil d'Analyse économique auprès du Premier ministre. Il est l'auteur des ouvrages suivants:· "Si ça nous arrivait demain..." aux éditions Plon, Collection Tribune Libre· "2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France" aux Editions PUF, 2012.. "Quelles réformes pour sauver l'Etat ?" avec Benoît Coeuré aux Editions PUF, 2011.. "Les 100 mots de l'Europe" avec Jean-Dominique Giuliani aux Editions PUF, 2O11. "Les 100 mots de la Chine" avec André Chieng aux Editions PUF, 2010. Son site : www.betbezeconseil.com

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