Face à la juppéisation de la macronie, sa gauche se rebiffe

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Par Eric Verhaeghe Modifié le 14 février 2019 à 11h52
Alain Juppe Grece Sortie Zone Euro
@shutter - © Economie Matin

Progressivement, on assiste à une juppéisation de la macronie, pour des raisons électorales compréhensibles. Face à ce déport progressif vers le centre droit, la gauche de Macron s’organise, ou se réorganise, et va jusqu’à se rebiffer. La majorité sort profondément ébranlée de cette épreuve du feu initiée par les Gilets Jaunes.

Pas de chance pour Macron. Ses bombements de torse lui valent une remontée intéressante dans les sondages. Mais dans sa majorité, ça flotte, et ça pourrait finir en eau de boudin. Nous ne partageons l’avis des éditorialistes qui ramènent ces questions à des querelles de foire, et nous pensons que ces mouvements traduisent une vraie recomposition politique due à (ou révélée par) la crise des Gilets Jaunes.

La juppéisation de la macronie à l’oeuvre

L’arrivée de Juppé au Conseil Constitutionnel sur proposition de Richard Ferrand n’est pas seulement un « coup ». Elle montre que l’assise électorale la plus solide de Macron se situe dans ce centre droit miraculeusement libéré par Laurent Wauquiez. Plus Wauquiez se lepénise, plus Macron gagne de l’oxygène à sa droite.

De ce point de vue, les discussions entamées sur la liste des européennes ont bien montré la proximité désormais flagrante entre l’orléanisme juppéiste et l’orléanisme macronien.

Pourquoi Macron se juppéise-t-il ?

Si Emmanuel Macron resserre les liens avec Alain Juppé, de bonnes raisons électorales dictent son comportement. Dans la pratique, au-delà de son assise électorale du premier tour, ses seules marges de progression possibles se trouvent sur les anciennes terres de Wauquiez. Il a donc besoin d’envoyer des signaux à cette droite bourgeoise, frileuse, centriste mais pas trop, qui aime le maire de Bordeaux et déteste le maire du Puy.

L’intransigeance de Macron sur l’article 2 de la loi anti-casseurs, qui détricote les libertés publiques en autorisant les Préfets à assigner à résidence des manifestants, s’explique largement par le souci d’apparaître comme l’homme qui restaure un ordre bourgeois contesté par la populace. Cette stratégie est, en termes de sondage, payante.

Pourquoi cette stratégie est peu soutenable

De notre point de vue, cette stratégie se heurtera rapidement à des limites structurelles. En effet, si les réserves électorales de Macron se situent au centre droit, ses perspectives de solution politique pour sortir de la crise des Gilets Jaunes se situent à gauche. Il devrait, d’ici au 15 mars, annoncer un train de mesures très keynésiennes pour ramener la concorde.

Le Président devrait donc se heurter à un rapide effet de ciseau entre la base nouvelle qu’il convoite et les décisions qu’il prend. Attention, Emmanuel, à ne pas décevoir trop vite tes nouveaux amis !

Les sociaux-démocrates reviennent au galop

Dans la foulée du week-end où la sous-ministre Brune Poirson a proposé de revenir à la fiscalité carbone, d’autres éléments, y compris de la République En Marche, se sont sentis pousser des ailes sur le sujet. La tribune qu’ils ont publiées sous la férule de Mathieu Orphelin, qui vient de quitter En Marche, en dit long sur le poids désormais symbolique de la taxe carbone.

Derrière cette tribune, il faut mesurer l’effet de reconfiguration de la gauche macronienne, essentiellement composée des catégories socio-professionnelles bobo, qui est en cours. Face à la juppéisation de Macron, les élites, notamment parisiennes, sont prises d’une fièvre d’affirmation. Tout montre que le mouvement des Gilets Jaunes ne les a pas convaincues d’abandonner leur combat.

Pour l’instant, Macron recadre…

Sa gauche s’est si bien rebiffée, qu’il a dû intervenir. À l’issue du Conseil des Ministres, Benjamin Griveaux a expliqué qu’il n’y aurait pas de nouvelle fiscalité sur le carbone. Le risque de voir les Gilets Jaunes s’emparer de ce sujet pour manifester à nouveau, ou pour disqualifier le Grand Débat, est trop important. Il n’en reste pas moins que l’édifice monolithique de la macronie semble s’effriter sur ce nouveau marqueur de la gauche.

On notera que, après les 50 abstentionnistes de la loi anti-casseurs, de nouveaux députés En Marche ont marqué leur indépendance sur un sujet sensible. Cet élément souligne que le quinquennat est entré dans une phase nouvelle, où la gauche traditionnelle disparaissant, c’est au sein du parti majoritaire qu’elle va désormais tenter de faire entendre sa voix. Et rien n’exclut qu’elle bénéficie de « complicités » au sein du gouvernement lui-même.

Article écrit par Eric Verhaeghe sur son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "