Il est difficile d’appréhender la complexité humaine et les dynamiques à l’œuvre dans la société, cependant, Olivier Meier, Professeur des Universités tente de nous faire « Comprendre la société par les sciences sociales ». Dans cet ouvrage paru chez VA Éditions, il répertorie quarante concepts et auteurs clés pour avoir un autre regard sur notre société.
Découvrez un extrait de son livre dans lequel il développe la pensée de James G. March : entre exploitation et exploration (p. 75). Suivi de la présentation de cet ouvrage indispensables pour éclaires les débats d’actualité sur la société.
James G. March : entre Exploitation et Exploration
Le besoin de concilier « exploitation » et « exploration »
« L’exploration et l’exploitation se révèlent donc essentielles. Pourtant, les organisations préfèrent les dissocier, en privilégiant selon les cas une des deux options (sécurité versus risque ; optimisation versus innovation ; immédiateté versus projection ; évolution versus révolution…). Cette vision binaire du changement, en réduisant les options à une simple alternative, limite de facto le processus d’apprentissage.
Ainsi, les systèmes organisationnels sont perpétuellement tiraillés entre des choix contraires, hésitant entre deux pôles aux effets diamétralement opposés. L’erreur consiste ici à faire un choix entre des options qui obéissent à des rationalités différentes. Les logiques d’exploitation et d’exploration doivent se voir comme des forces complémentaires et en aucun cas antagoniques. Une entreprise innovante ne doit pas seulement produire des offres inédites et originales (démarche créative et désordonnée), elle doit être aussi capable de les mettre en œuvre, en préservant l’existant (démarche précise et ordonnée). D’ailleurs, le recours à une seule de ces dimensions est souvent associé à une performance sous-optimale et tend à augmenter les risques d’échecs. Le succès des entreprises repose par conséquent sur la capacité à pouvoir simultanément améliorer l’efficience interne de l’organisation (exploitation) et expérimenter de nouvelles voies (exploration).
À l’instar de la notion d’ambidextrie organisationnelle (Reilly, Tuhsman, 2004), l’entreprise se doit par conséquent de répondre à ces tensions paradoxales (Lewis, 2000), en permettant au système de gérer l’immédiateté (gestion courante, processus de rationalisation, situation de crise), tout en préparant l’avenir (découverte, innovation, diversification). Au vu de la recherche actuelle, il semble en effet nécessaire que les organisations apprennent à surmonter cette ambivalence structurelle, en réussissant à concilier ces deux voies alternatives. »
« Comprendre la société par les sciences sociales » est un ouvrage nouveau et original dans le champ du management.
Le livre propose une grille de lecture de l'évolution de la société, en partant à chaque fois d'une notion clé, plutôt que traiter d'une théorie générale. Résultat : plutôt que se plonger dans de nombreux travaux, le lecteur est attiré par une lecture ludique et sélective sur des notions clés en lien avec l'actualité (déviance, bouc émissaire, diversité, identité, liens sociaux, légitimité, minorités, socialisation...) qui l'aident à mieux comprendre ce qui se passe actuellement dans la société en termes de causes et de conséquences.
En effet, Olivier Meier sélectionne des concepts fondamentaux ou originaux, à fort impact social ou sociétal, qui sont de nature à éclairer les débats d'actualité et de la société. Cette démarche permet ainsi de découvrir ou d'aborder différemment des auteurs, reconnus ou parfois méconnus, mais dont les réflexions et les analyses forcent l'admiration.
Le troisième point intéressant de cet ouvrage porte sur les différentes façons de l'utiliser compte tenu du choix de proposer des chapitres indépendants regroupant à chaque un auteur sur un concept clé, ce qui permet de choisir les concepts que l'on souhaite traiter en fonction de ses attentes et besoins. Prenons comme exemple, le cas des « minorités actives » traité à travers les travaux de Serge Moscovici, éminent sociologue, mort en 2014. Olivier Meier éclaire ce concept et montre sa pertinence dans l'analyse des dynamiques de groupe en termes notamment de rapports de forces entre la majorité et les minorités. Sujet ô combien sensible et d'actualité pour saisir les stratégies d'influence, comportements et réactions de groupes minoritaires dans l'évolution des valeurs et normes d'une société. De même à travers différents concepts centraux tels que la désaffiliation sociale, les liens sociaux, la notion d'identité sociale ou de capital au sens de Bourdieu (social, culturel...) nous invite à saisir les ressorts humains en termes d'identification sociale et d'appartenance. Le lecteur pourra également retrouver des notions plus directement en lien avec l'entreprise, comme par exemple, les termes d'action organisée, d'hypocrisie organisationnelle, de leadership...
Enfin, ce livre invite à explorer des notions passionnantes et stimulantes, basées sur des théories confirmées, à l'instar de notions telles que la dissonance cognitive (L. Festinger), la rationalité limitée (H. Simon), traduction (au sens de Callon et Latour), la résilience organisationnelle finement analysée par le professeur en sciences de l'organisation, Karl E. Weick.
Un livre singulier de plus de 40 concepts clés avec la sélection d'auteurs par bien des côtés fascinants... à lire et relire pour comprendre la complexité humaine et les dynamiques à l'œuvre dans la société.