Malmenés sur les marchés financiers et vilipendés pour la gestion de leurs économies, le Portugal, l’Italie, l’Espagne et, dans une moindre mesure, la Grèce, ont au moins un terrain où ils dominent encore leurs partenaires européens de la tête et des épaules. C’est le football ! Ceux que la presse anglo-saxonne qualifie de l’acronyme, un tantinet méprisant, de PIGS (pour Portugal, Italy, Greece et Spain) forment, avec l’Allemagne, le dernier carré de l’Euro 2012 qui se déroule, ces jours-ci, en Pologne et en Ukraine. Les Portugais face aux Tchèques, les Espagnols contre les Français et les Italiens opposés aux Anglais se sont ainsi qualifiés, ce week end, pour les demi-finales de l’épreuve en compagnie des Allemands qui ont éliminé les Grecs, sous les yeux d’Angela Merkel. Malgré un but de Samaras, l’homonyme du nouveau Premier ministre qui vient d’être nommé à Athènes…cela ne s’invente pas !
Si cette situation savoureuse fait le bonheur des opinions publiques des pays concernés, il n’est pas sûr que le maintien de ces équipes nationales à un tel niveau dans l’Euro soit pour autant assuré en 2016, lors de la prochaine édition qui se déroulera en France. Réalité économique oblige ! La situation du football espagnol est étroitement liée à la « bulle » immobilière. A la belle époque de la pierre, tout bon promoteur ou entrepreneur du BTP se devait de posséder son club et attirer les meilleurs joueurs à prix d’or. A l’exception de Florentino Perez, le PDG du groupe de construction ACS et patron du Real Madrid, tous ont aujourd’hui passé la main, laissant leurs équipes dans une situation financière inextricable. De nombreux clubs de première et deuxième divisions se trouvent en cessation de paiements et plus d’une centaine de joueurs ne sont plus payés depuis des mois. L’endettement total du secteur atteint les 3,5 milliards d’euros dont 752 millions dus au fisc. Même le Real Madrid, avec une dette de 660 millions d’euros, et le FC Barcelone (549 millions), les deux clubs qui règnent sur l’Espagne et sur l’Europe, traînent des boulets supérieurs à leurs chiffres d’affaires !
L’état du football italien avec 2,3 milliards d’euros de dettes n’est guère meilleur. Ce qui explique le nouveau scandale des paris truqués et les affaires de corruption qui gangrènent les clubs transalpins. Les joueurs portugais n’échappent pas non plus aux fins de mois difficiles. Lieria a terminé le championnat national avec une équipe de juniors à la suite de la démission de treize de ses titulaires qui n’étaient pas payés depuis cinq mois.
Dans ces conditions, la mise en place du « fair play financier » en 2013-2014 par l’UEFA, le gendarme du football européen, qui va imposer aux clubs de ne pas dépenser plus d’argent qu’ils ne peuvent en générer risque de provoquer une spectaculaire déflagration. Avec comme conséquence l’irruption croissante d’investisseurs venus du Moyen-Orient ou de Russie et l’émigration des meilleurs joueurs vers des cieux plus cléments en Chine et dans le reste de l’Asie. Le ballon rond pourrait connaître le même sort que celui du basket européen, vidé de ses meilleurs éléments exilés aux Etats-Unis pour évoluer dans la NBA. Pays où l’intérêt financier des clubs prime sur celui des équipes nationales comme en témoigne l’affaire Tony Parker, récemment blessé à l’œil, dont la participation aux prochains Jeux Olympiques de Londres va dépendre de la décision de son employeur de San Antonio.
En attendant cet éventuel scénario catastrophe, il reste à l’Italie, au Portugal ou à l’Espagne, le tenant du titre dont la cote est supérieure à celle de l’Allemagne chez les bookmakers londoniens (!), à fait mentir, jeudi ou dimanche prochain, au stade de la demi-finale ou en finale, un vieux dicton. Celui qui veut que le football se joue à onze contre onze et qu’à la fin ce sont les Allemands qui gagnent !