Coup de tonnerre dans la crise que vivent et l’euro et l’Europe. Si un énième référendum était proposé aux Français sur l’avenir de la construction européenne, après le traité de Maastricht adopté de justesse en 1992, et celui de Lisbonne en 2005 rejeté par plus de 55 % des électeurs, ce sont aujourd’hui 46 % des Français qui souhaitent « revenir en arrière sur certains aspects de la construction européenne », contre 44 % qui souhaitent "renforcer la construction européenne" comme le révèle le sondage LCI-Tilder réalisé cette semaine.
Chose surprenante, contrairement aux idées recues sur le Front de Gauche, les partisans de Jean-Luc Mélenchon sont à une très courte majorité favorables à un « renforcement de la construction européenne (46 contre 45 %) alors que 76 % des électeurs du Front National (contre 17 %) y sont opposés. Les partisans de François Hollande y sont favorables à 50 % contre 41 % défavorables. Mais les plus pro européens sont sans conteste les électeurs de Nicolas Sarkozy, avec 55 % d’opinions favorables (contre 32 % et ceux de Francois Bayrou, à 59 % contre 29 %.
Indépendamment des clivages politiques, un autre clivage encore plus inquiétant apparaît. Contrairement là aussi aux idées recues, le sentiment pro-européen n’est pas ou plus majoritaire chez les jeunes de moins de 25 ans : ils ne sont que 43 % à souhaiter plus d’Europe contre 45 % à en souhaiter moins. Et paradoxalement, ce sont les seniors qui sont les plus europhiles de tous à 62% contre 32% !
Sur un tout autre sujet d’importance lui aussi, le sondage LCI-Tilder révèle également que 73 % des Français sont pragmatiques, et favorables à une augmentation des impôts pour réduire les déficits, contre 26 % de Français qui y sont opposés. Un consensus qui se retrouve dans toutes les tranches d’âge de la population. Mais il y a un loup parmi les 73 %, plus des trois-quarts des Français (58 %) sont favorables à une hausse des impôts, mais uniquement sur les hauts revenus ! Les électeurs de Jean-Luc Mélenchon, François Hollande et François Bayrou sont largement d’accord avec une hausse des impôts, ce qui devrait faciliter le travail du gouvernement en théorie. Les seuls à être majoritairement opposés à une hausse des impôts (51 % contre 49 %) sont les électeurs de Nicolas Sarkozy au 1er tour de l’élection présidentielle.
Retrouvez ci-dessous l'analyse de Frédéric Latrobe, de Tilder :
Sur l’évolution de la construction européenne face à la crise, la tendance n’est pas encore à la défiance, mais elle en est déjà au stade de la méfiance. Ce résultat est une alerte sérieuse mais qui n’est finalement pas très surprenante. Il s’explique par le fait que c’est autour de l’union monétaire essentiellement que s’est faite l’Europe ces dernières années. Or, face à la crise, cette priorité est grandement fragilisée et c’est un cercle vicieux car plus les difficultés se multiplient, plus cet axe est remis en cause au sein des opinions publiques, y compris à travers la volonté de revenir aux monnaies nationales pour les plus radicaux. En réponse à cette méfiance de l’opinion publique, le politique n’offre pas aujourd’hui un discours visionnaire sur l’Europe, autre que comptable ou budgétaire et de ce point de vue, les tensions actuelles entre la France et l’Allemagne n’arrangent rien. Historiquement, ce noyau dur avait une dimension politique qu’il va falloir retrouver. La responsabilité des gouvernements est donc de refaire de l’Europe « une idée neuve » au risque de voir l’opinion souhaiter de plus en plus un « détricotage » de ce qui a été fait jusque-là.
Face à l’augmentation des impôts, à défaut d’être d’accord, au moins l’opinion y est-elle préparée car les Français ne sont qu’un quart à penser qu’il ne faut pas les augmenter. En revanche, ils sont clairs sur ceux qui doivent payer : les plus riches d’abord. On est dans la cohérence avec la campagne de François Hollande et ses premières annonces : il faut instaurer une « justice fiscale » qui revienne notamment sur certaines mesures accordées par le gouvernement précédent. La difficulté va venir en revanche des impôts sur les entreprises : les Français ne souhaitent pas qu’ils soient augmentés. Sur ce point, le discours sur la mise en danger de la compétitivité des entreprisespar un alourdissement de la facture semble avoir imprégné l’opinion. Comme pour l’augmentation du SMIC, le gouvernement va donc devoir trouver un équilibre dans les montants mais aussi dans les mots de sa communication fiscale.
Fiche technique :
Étude réalisée auprès d’un échantillon de 1002 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. L’échantillon a été constitué selon la méthode des quotas, au regard des critères de sexe, d’âge, de catégorie socioprofessionnelle, de catégorie d’agglomération et de région de résidence. Mode d’interrogation : L’échantillon a été interrogé en ligne sur système Cawi (Computer Assisted Web Interview). Dates de terrain : les interviews ont été réalisées du 20 au 21 juin 2012.