La rentrée se fait sous l'égide de la morale, des valeurs de la République et autres leçons comportementales. Tous en sont la cible : professeurs, écoliers, chefs d’entreprise ... Les membres du Gouvernement s'érigent en censeurs et en juges et dans l'ensemble ne ratent pas une occasion de faire la leçon au monde économique (en ne s'arrêtant pas à nos frontières).
On conspue actuellement le grand patronat qui ne sait pas faire respecter ses règles de bonnes conduite concernant la nécessaire modération salariale (la négociation financière du départ du patron d’Alcatel-Lucent est la dernière en date à avoir provoqué des cris d'orfraie , qu'ils soient ou non mérités.)
Tout cela s'inscrit dans la foulée des déclarations du Premier Ministre qui a clamé à la Rochelle, à l'occasion de l'Université du PS : "les choix économiques du Gouvernement sont dictées par nos valeurs". Une affirmation esthétique, utopique et déconnectée de la réalité des contraintes économiques ; non pas qu'il faille s'écarter de valeurs fondamentales d'éthique, mais parce que la durée du temps de travail par exemple n'est pas en soi une valeur. En revanche, il eut été bon de balayer d'abord devant sa porte et de vérifier qu'on s'applique à soi-même les valeurs à respecter. Le respect de la loi étant une valeur fondamentale quelle que soit la politique menée. Bad timing !
Puisqu'on apprend dans la foulée par un rapport d’inspection interministériel que 50 000 collaborateurs, sous-traitants, prestataires extérieurs etc. sont employés par l’Etat illégalement ! C'est à dire sans déclaration sociale donc sans payer les charges sur les salaires ou les émoluments. Le comble étant que plus de 40 000 d’entre eux sont victimes des services du Garde des Sceaux, gardien de nos règles républicaines. Une révélation qui dénonce un état de fait intolérable, un manquement extrêmement grave avec des répercussions à tous les niveaux : victimes employées sans bulletin de salaire donc lésées par le Ministère de la justice et donc par l’État. Il s’agit d’un manque d'exemplarité dramatique, une rupture des principes d’égalité et de justice, un mépris du droit commun émanant de la plus haute instance. C'est un tremblement de terre ! Va-t-on en rester là et cacher la poussière sous le tapis ?
Que dirait-on d’une entreprise qui aurait ainsi fraudé ? A quoi serait-elle condamnée ? Quelle mise au pilori ne réclamerait-on pas pour le chef d’entreprise qui aurait violé aussi intentionnellement et massivement des règles de droit commun ? Dans quelle supériorité morale l’Etat, les Gouvernants, les Ministres, les politiques ne se draperaient-ils pas, pour jeter l’opprobre sur des coupables du secteur privé ? Le monde de l'entreprise, sans cesse montré du doigt par l’opinion, devrait lui-même être placé sous la tutelle de la sphère publique pour marcher dans le droit chemin ! Quels sacro-saints principes –légitimes– n’invoquerait-on pas pour livrer à la vindicte publique un "patron-voyou " qui aurait fraudé en ne versant pas les cotisations destinées à assurer la protection sociale des travailleurs ?
On bafoue des garanties obtenues de haute lutte par les combats sociaux dont la France s’enorgueillit. Ils sont donc foulés aux pieds par la Ministre de la Justice elle-même, qui, sans vergogne, déclare qu’elle va "s’emparer du problème". Rappelons que Christine Taubira est Ministre depuis plus de trois ans... Cette dernière est donc responsable devant la loi, comme l'est tout chef d'entreprise qui ne pourrait jamais s'abriter derrière son DRH ! C'est de plus en plus fréquent : L’Etat édicte des règles qu’il ne sait pas ou ne veut pas respecter lui-même. En revanche toutes les occasions sont bonnes pour rappeler à l’ordre la totalité de la société civile sur des sujets moindres. La mauvaise foi politico-administrative se double d'une complexité qui finit par servir une autorité de plus en plus contestable au fur et à mesure de l’empilement de règles, d'exceptions, de dérogations ...
Devant un scandale privé d'une telle ampleur, la puissance publique réclamerait légitimement, la démission du dirigeant coupable de ce délit. Ne serait-ce pas le même délit pour la fonction publique ? Deux poids, deux mesures ? Comme pour les jours de carence ! Personne ne serait donc responsable ... ni coupable, la seule explication consistant à dire qu'on est "en voie de régularisation " ? !
Il y a quelques jours aussi, vite étouffé, le fait que l'université du PS ait utilisé des travailleurs "low cost" européens pour l'organisation et le montage du chapiteau. "C'est légal", ont d'abord protesté les organisateurs ! Alors qu'on jette l'opprobre et qu'on donne des leçons de civisme économique à toutes les entreprises... Un peu gênés, tout de même, dans un deuxième temps, le PS donne la consigne de rompre le contrat des entreprises étrangères ! (merci pour les sous-traitants et leurs salariés !). L’État, une fois encore n’a pas voulu ou su, se mettre en conformité avec le discours tenu et les exigences imposées aux autres. Nos donneurs de leçons sont pris en flagrant délit de dumping social !
Devant ces fautes à répétition, puisse la puissance publique s'appliquer à elle-même la sanction qu’elle ne manquerait pas de réclamer sans bienveillance pour ses assujettis. C'est ainsi qu'il faut immédiatement réparer ceux qui ont été lésés, s'amender publiquement, désigner le ou les coupables de tels errements : de qui prenaient-ils leurs ordres ? La Ministre était-elle au courant ? QUI doit démissionner (l'annoncer sans tergiverser), que dit l'Inspection du travail qui ne quitte pas des yeux la moindre PME ? Tout cela est inéluctable pour vite rétablir un minimum de confiance dans notre système. Faute de quoi les entrepreneurs seraient en droit d'exiger l'impunité pour de tels manquements !
Article publié initialement sur Magistro