Les marchés n’ont pas attendu Janet : les taux à deux ans notamment ont déjà monté, le dollar aussi, la bourse baissé. Le premier pas est fait, largement. Reste la suite. Ce sera toute la question quand le monde va s'arrêter de respirer le 17 septembre 2015 : Janet Yellen dira alors si, oui ou non, elle monte ses taux de 25 points de base et surtout ce qu’elle fera après. Elle peut donc attendre octobre.
Deux objectifs : la Banque centrale américaine répète qu’elle doit satisfaire deux objectifs, le plus d'emploi possible avec le moins d'inflation possible. Pour l'inflation, elle retient surtout le taux de chômage et regarde aussi d'autres indicateurs, dont les créations d'emplois et les nouvelles offres. Le taux de chômage est de 5,1 % - c'est quasiment du plein emploi et les nouvelles offres ne cessent de monter. Côté emploi, il faut commencer à normaliser. C'est même tard ! L'inflation envoie le même message : l'inflation core, hors pétrole et nourriture, est à 1,8 % pour un objectif à 2 %. Les chiffres de salaire indiquent qu'une accélération est en cours. Bien sûr, ce pétrole si bas et ce dollar si fort vont en sens inverse des 2 % recherchés. L'inflation d'ensemble s'établit à 0,2 % sur un an, très faible donc, mais pour des raisons externes qui n'ont donc pas à être trop prises en compte par la Fed. Au total, si on regarde l'emploi, avec ce plein emploi qui arrive, et l'inflation, avec 2 % pour l'inflation fondamentale qui est là, il faut monter les taux !
Et si la Fed regardait les autres pays ? Il faut aussi faire attention aux voisins. Les pays émergents ralentissent beaucoup, comme en Chine - ou bien sont en récession, comme au Brésil, sans oublier le Canada. On sait qu'une remontée des taux courts américains fera monter les taux longs américains, donc leurs taux longs. Cette hausse les fragilisera encore plus qu'avant, faisant baisser encore les prix des matières premières qu’ils exportent. Donc leurs taux de change par rapport au dollar baisseront, les menaçant de plus d'inflation importée, alors qu'ils sont bien souvent endettés, en dollars, et à long terme ! Une terrible addition de risques.
Tantrum ? Voilà pourquoi le FMI et la Banque mondiale demandent à la Fed d'attendre, leur inquiétude étant le tantrum. Le tantrum, c'est la colère, en souvenir de celle qui s'est produite quand Ben Bernanke avait prévenu que ses achats de bons du trésor s'arrêteraient bien un jour, et ceci d'autant plus que la situation économique américaine s'améliorait. En quelques minutes, les taux avaient augmenté, les changes baissé par rapport au dollar et les bourses chuté. Le tantrum était né, la crainte du super tantrum plus encore. C'est elle qui œuvre actuellement. D'autant plus que les pays émergents sont devenus fragiles, avec la forte baisse des prix du pétrole et des autres matières premières qui vient de se produire. Attendre avant de monter les taux disent le FMI et beaucoup d'autres, expliquer surtout que les hausses suivantes seront faibles et espacées, dit tout le monde.
Mais attendre, c'est continuer à alimenter les bulles obligataires, avec ces emprunts privés et publics qui se placent si bien et avec ces taux si bas ! Attendre, c'est alimenter des inquiétudes qui ne servent à rien, puisqu’il faudra bien augmenter !
Attendre, surtout, c'est ne pouvoir rien faire quand le ralentissement puis la récession américaine viendront. Car ils viendront bien un jour dans une économie cyclique comme l'économie américaine. Comment baisser les taux s'ils sont à zéro ! C'est la question majeure : il faut monter les taux, maintenant ou dans trois mois, en expliquant la suite. Surtout, il faudra le faire pour prolonger l'expansion et éviter une récession qui, dans un an ou plus, se produira. Déjà les actions se retournent à la baisse. Déjà les prix des logements américains commencent à freiner.
Oui il faut que les taux américains montent. Le tantrum sera d'autant plus important qu'on tarde pour les émergents et la récession américaine sera alors plus dure, aux États-Unis donc partout. Surtout, il faut expliquer ce qui se passera après la première hausse : d’autres ! Augmenter en septembre ou en octobre, puis encore, c’est la meilleure façon de prolonger la reprise en la stabilisant, et de préparer le ralentissement, en ayant alors les moyens de baisser les taux ! Si tu veux pouvoir baisser les taux… monte les d’abord !