L’épargne ou l’impôt et le miracle de Saint Fisc ?

Cropped Favicon Economi Matin.jpg
Par Simone Wapler Publié le 19 mai 2016 à 5h00
France Impots Entreprises Publique Argent
@shutter - © Economie Matin
44 %L'impôt sur le revenu représente en France plus de 44 % du PIB.

« Qui parierait 60 ou 70% de son patrimoine sur une technologie dont personne ne sait si elle fonctionne ? »?Thomas Piquemal, ancien directeur financier d’EDF.

Mmmmmm… Après mûre et intense réflexion, pas moi — et je suis sûre de ne pas être un cas isolé ! Mais le miracle de Saint Fisc rend un tel pari possible. Le miracle de Saint Fisc transforme l’argent sale (vilainement gagné) en argent propre. L’argent est celui prodigué par l’Etat à ceux — entreprises ou individus — qui sont jugés par l’Etat nécessiteux ou méritants.

Ce miracle a été mis en évidence par les auteurs de la Théorie de la révolte fiscale, Serge Schweitzer et Loïc Floury. « L’argent privé corrompt, l’argent public soulage. C’est pourtant rigoureusement le même, mais qui s’est transformé en se bonifiant par le miracle de Saint Fisc ». L’argent public est propre car il est collecté par des fonctionnaires au-dessus de tout soupçon et réparti pour le « bien public » par des politiciens qui ne veulent que le bonheur de leurs électeurs, c’est-à-dire le « peuple ».

L’argent privé est sale car il est gagné par des êtres animés d’un souci de profit, qui ont abusé de leurs concitoyens (quand ils n’ont pas volé des pauvres) parce que les lois sont certainement mal faites. Les miracles de Saint Fisc sont plus rapides que l’élaboration ou le ménage des lois, comme en témoigne le cimetière des réformes françaises. La dernière tombe est celle de la « Loi travail ».

Avec Saint Fisc, l’épargne devient inutile et l’impôt la remplace avantageusement. Traditionnellement, chacun épargne pour se prémunir d’un coup dur, d’un hasard de la vie, pour préparer sa retraite ou pour laisser quelque chose à ses enfants. Tous ces motifs sont — vous en conviendrez — parfaitement égoïstes puisqu’ils vous sont personnels.

En vous privant de votre épargne, le miracle de Saint Fisc pourvoit aux besoins de chacun dans un grand élan de solidarité (la charité avec l’argent public). Vous pourriez, par exemple, être tenté de trop épargner, surtout si vous êtes chanceux. Inversement, d’autres, injustement soumis à une adversité répétée, pourraient ne jamais être en mesure d’épargner. Par le miracle de Saint Fisc, l’équilibre se fait.

Impôt = épargne ?

Mais l’impôt remplace-t-il vraiment l’épargne ? Joue-t-il économiquement le même rôle que l’argent privé dont l’emploi judicieux est laissé à l’arbitrage de chacun ? Surtout que les gens sont vigilants quant à leur épargne et beaucoup moins quant à l’usage de l’argent public.

Le miracle de Saint Fisc tient à la religion économique actuelle pour laquelle la consommation est le chemin de la prospérité. L’épargne, qui reporte la consommation dans le temps, est gênante. La redistribution immédiate lui est préférable. Par conséquent, se multiplient les politiques économiques qui taxent les revenus de l’épargne, la dissuadent, imposent des systèmes de sécurité sociale (maladie, vieillesse, prévoyance) gérés par l’Etat.

Avec l’avènement de la monnaie disponible sous forme de crédit, l’épargne a été recyclée dans de la dette d’Etat (fonds en euro des assurances-vie, livrets) et les miracles de Saint Fisc se sont multipliés pour notre plus grand bonheur. Ces miracles dépassent largement le cadre de la redistribution et touchent de nombreuses entreprises : EDF, Air France, Areva, SNCF, Arte, Radio France, France Télévision, RFI, RATP, RFF…

Tous les jours, vos journaux détaillent les prouesses de ces établissements publics. Tous les jours, vous pouvez aussi constater que malgré l’augmentation de vos prélèvements, les besoins en « redistribution » ne sont jamais assouvis, que les politiques publiques se multiplient en même temps que les scandales financiers d’Etat.

Et si les miracles de Saint Fisc n’étaient que mirage ?

L’argent propre se gagne avec une activité soumise à la concurrence. La véritable concurrence est la seule et unique garantie que l’argent n’a pas été extorqué — puisqu’à tout moment chacun a le choix de dépenser ou pas, de se fournir ailleurs ou pas. Le monopole privé ne devrait pas exister dans un cadre juridique efficace assurant l’égalité devant la loi. Si une activité est lucrative, des concurrents ne tarderont pas à se manifester.

Reste le monopole public ou délégué par l’Etat. C’est le plus coûteux et le plus difficile à faire sauter car il se protège par des lois qu’il édicte lui-même. Non, pas un bipède n’irait parier 60 à 70% de son patrimoine sur une technologie qui n’a même pas fait ses preuves en laboratoire. Mais cela ne pose pas de problème aux fonctionnaires qui manient l’argent public. D’abord ce n’est pas leur patrimoine et ensuite — compte tenu de l’échelle de temps de nombreux projets — ils ne subiront jamais les conséquences de leurs erreurs.

Le principe de l’EPR a été décidé en 1992, il y a donc vingt-quatre ans. Pensez-vous que les décisionnaires de l’époque soient encore là ? Je vous rappelle qu’à l’EDF on prend sa retraite en moyenne à 57,3 ans. Encore une prodigalité de Saint Fisc.

Pour plus d’informations et de conseils de ce genre, c’est ici et c’est gratuit

Une réaction ? Laissez un commentaire

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre Newsletter gratuite pour des articles captivants, du contenu exclusif et les dernières actualités.

Cropped Favicon Economi Matin.jpg

Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.