Avec l’acquisition de GranVision, propriétaire en France des enseignes Générale d’Optique et Grand Optical (1000 magasins), le groupe EssilorLuxottica entre dans le commerce de la vente au détail. Le fournisseur devient donc concurrent. Chez les opticiens, on attend de voir avant de s’inquiéter.
Depuis l’annonce de son projet d’acquisition du réseau d’opticiens GrandVision pour 7,2 milliards d’euros (qui sera finalisée d’ici 2021), le mastodonte de l’optique se veut, évidemment, rassurant : « EssilorLuxottica gère aujourd’hui plus de 10 000 boutiques et plusieurs plateformes de vente propriétaires en ligne, avec une présence forte en Amérique. GrandVision gère pour sa part plus de 7 200 magasins, et des points de vente en ligne dans plus de 40 pays, avec une présence forte en Europe et en Amérique Latine. GrandVision apportera plus de 37 000 salariés et 3,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel à EssilorLuxottica, contribuant au développement de son périmètre d’intervention et à l’amélioration des échanges avec ses clients finaux. Le rapprochement avec GrandVision créera une plateforme multicanale étendue, afin de saisir les opportunités à venir dans le commerce de détail et l’interaction avec les clients, pour les produits et services d’optique ophtalmique et de lunetterie ». Le groupe, composé du verrier Français Essilor (les lentilles Varilux notamment) et du lunettier italien Luxottica (Oakley, Persol et Ray-Ban entre autres), souhaite « mettre le client au centre de ses activités ».
Dans les magasins opticiens français, l’annonce de cette acquisition n’a surpris personne. Mais elle agace. Car le fournisseur devient un concurrent direct : « Ils sont leader en verres et en montures, je ne comprends pas pourquoi ils vont sur le marché de la distribution, c’est se compliquer la vie ! » estime Alain Gerbel, président de la FNOF (Fédération Nationale des Opticiens de France, représentant des patrons opticiens), pas encore inquiet : « Nous verrons après la vérification des autorités de contrôle en matière de concurrence ».
L’opération est soumise, entre autres, à l’accord de différentes autorités de la concurrence ainsi que de tiers : « EssilorLuxottica s’est engagé à prendre certaines mesures nécessaires à l’obtention des autorisations requises en matière de droit de la concurrence dans chacune des juridictions pertinentes », répond le groupe.
« C’est tout de même étrange de se lancer dans une telle bataille avec un marché qui va se déréguler avec l’arrivée du 100% santé. Si le groupe obtient les autorisations, il commencera en 2021, soit 18 mois après la mise en place de la réforme. Or, on ne sait pas ce que sera le marché à ce moment-là », continue M. Gerbel.
Dans un communiqué, Laurent Vacherot, codirecteur général d’Essilor, a justifié l’entrée dans le retail, sans épargner les commerçants du secteur : « Il y a un énorme écart entre l'industrie et les consommateurs. Il est très difficile via la distribution d'expliquer aux consommateurs quels sont leurs besoins pour mieux protéger leur vision, alors que beaucoup d'innovations sont développées ».
Lors d’une présentation aux investisseurs en septembre dernier, il ajoutait : « Ensemble, nous progressons plus rapidement vers notre objectif de répondre à la demande de milliards de consommateurs pour une meilleure vision ».
« Moi, si j’étais président d’Essilor, je règlerai d’abord la fusion avec Luxottica avant de me lancer dans un rachat ! », déclare M. Gerbel en faisant référence à la gouvernance du groupe. D'ici la fin 2020, EssilorLuxottica doit en effet choisir son futur patron.
N.B : Pour rappel, le 100% santé est une réforme permettant à tous d’avoir accès à des équipements sans reste à charge (RAC) en optique, dentaire et pour les aides auditives. En optique, elle s’appliquera aux lunettes exclusivement (pas aux lentilles de contact) et ce, quels que soient les troubles visuels, avec une exigence de qualité (verres anti rayures, anti reflets). Elle devrait être mise en place de manière progressive d’ici 2021.