La dernière grave erreur de la BCE (1/2)

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Par Daniel Lacalle Publié le 19 janvier 2021 à 5h16
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@shutter - © Economie Matin
3,9%La BCE prévoit une croissance de 3,9% en 2021.

Les banques centrales détiendraient LA vérité – même si leur stratégie consiste à accumuler bulles et déséquilibres… pour des politiques qui n’améliorent pas la situation, bien au contraire.

L’une des grandes erreurs commises par les économistes est d’accueillir les annonces des banques centrales comme s’il s’agissait de la vérité révélée. Il est surprenant et préoccupant qu’il soit maintenant considéré comme obligatoire de prendre la défense de chacune des décisions des banques centrales – en public en tout cas.

En privé, de nombreux collègues secouent la tête avec stupéfaction face à l’accumulation de bulles et de déséquilibres. Et, comme dans beaucoup d’autres cas, le manque de critiques constructives conduit à la complaisance des institutions et à un enchaînement d’erreurs que tous les citoyens finiront par déplorer.

Soutenir le statu quo

La politique monétaire en Europe s’est transformée. Alors qu’elle était au départ un outil pour aider les Etats à entreprendre des réformes structurelles, elle est devenue une excuse pour ne pas les mettre en œuvre.

Le financement ininterrompu des déficits publics des pays qui maintiennent des déséquilibres structurels n’a pas contribué à renforcer la croissance. Ainsi, la Zone euro subissait déjà une réduction des estimations de croissance de son PIB avant même la crise du Covid-19.

Cela donne une crédibilité aux discours populistes d’extrême-gauche qui défendent une politique de création monétaire massive et la Théorie monétaire moderne (TMM), menaçant le progrès et la croissance en Zone euro.

On ne peut pas combattre les populistes en leur accordant de la crédibilité, et l’impact à moyen et long terme de cette politique malavisée sur la Zone euro sera incontestablement délétère.

Aujourd’hui, de nombreux politiciens européens d’extrême-gauche affirment à leurs concitoyens que les réformes structurelles et la prudence budgétaire ont été mises en œuvre par des politiciens diaboliques guidés par des intentions malveillantes.

Les mesures mises en place par les banques centrales reviennent à donner une crédibilité à leur discours selon lequel il y aurait de l’argent illimité disponible pour tous les projets possibles et imaginables.

Il est surprenant d’entendre certains économistes sérieux de la Banque centrale européenne ou de la Réserve fédérale dire qu’ils ne comprennent pas comment l’idée qu’on pourrait sans risque imprimer toujours plus d’argent à l’infini puisse se répandre dans le débat politique, alors que ce sont les banques centrales elles-mêmes qui sont à l’origine de ce sentiment illusoire de sécurité.

La banque centrale pourrait réussir à masquer les risques pendant encore un certain temps mais elle ne peut pas les éliminer.

Le problème des taux d’intérêt négatifs

La Grèce, Chypre, la Lituanie, la Slovaquie, l’Espagne, le Portugal et la Slovénie empruntent déjà à des taux d’intérêt réels négatifs.

Cependant, les taux négatifs ne sont pas nécessairement un signe de confiance dans les politiques menées par ces gouvernements. Il s’agit plutôt d’une aberration résultant de la politique monétaire actuelle qui a pour conséquence de camoufler les risques – mais tôt ou tard, ils éclateront au grand jour.

Lorsque les politiciens prétendent que les taux d’intérêt négatifs reflètent la confiance des marchés dans leurs pays, ce n’est qu’un pur mensonge. La BCE est en passe de détenir près de 70% de l’encours de dettes souveraines en Zone euro et achète la totalité des émissions nettes de dettes souveraines, d’après la banque Pictet et le Financial Times. Il n’y a tout simplement plus de marché.

Le maintien de cette confiance transitoire dans la capacité de la BCE à masquer les risques dépend de la capacité de la Zone euro à accroître ses excédents commerciaux et sa production marchande, mais surtout de la volonté de l’Allemagne de continuer de la financer. Ce ne sera pas éternel ; ce n’est pas sans limites et ce n’est certainement pas sans risques.

Une décennie de liquidités abondantes

De nombreux lecteurs nous répondront qu’il s’agit d’une politique exceptionnelle pour faire face à la crise du Covid-19 qui nécessite des mesures d’urgence. Il n’y a qu’un seul problème avec cet argument : il est faux.

La politique monétaire de la BCE a été ultra-expansionniste depuis plus de dix ans, aussi bien en période de crise, de reprise, de croissance et de stabilisation. Les taux d’intérêt ont été poussés graduellement en territoire négatif et les programmes de rachat d’actifs ont été maintenus au cours des périodes de croissance et de stabilité financière alors qu’il n’y avait aucun risque de pénurie de liquidités dans l’économie.

En fait, la Banque centrale européenne est devenue l’otage des Etats qui ne souhaitent pas réduire leurs déséquilibres structurels et qui cherchent au contraire à les maintenir étant donné que le coût de la dette est bas et que la BCE les « soutient ».

La BCE devrait s’inquiéter du fait que les partis politiques les plus radicaux, souvent en accord avec les politiques économiques menées en Argentine et au Venezuela, comme par exemple Podemos et Syriza, applaudissent cette folie monétaire dans laquelle ils voient une validation de leurs théories.

Ce n’est pas une coïncidence si le mouvement de réforme au sein de la Zone euro s’est brusquement interrompu depuis 2014. Cela coïncide exactement avec les injections massives de liquidités. Les réformes structurelles et la prudence budgétaire sont perçues comme des politiques néfastes. Les taux d’intérêt bas et les injections de liquidités n’ont jamais créé d’incitatif à réduire les déséquilibres, c’est au contraire une incitation claire à augmenter la dette.

Le problème majeur ici est évident, comme nous le verrons demain.

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Daniel Lacalle est gestionnaire de fonds et économiste. Il est l’auteur de plusieurs livres à succès : Freedom or Equality (2020), Escape from the Central Bank Trap (2017), The Energy World Is Flat (2015) et Life in the Financial Markets (2014). Titulaire d’un doctorat, il est également professeur d’économie à l’IE Business School de Madrid.

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