Les entreprises ont besoin de sécurité !

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Par La Compliance League Publié le 30 décembre 2020 à 4h31
Fusions Acquisitions Optimisation Operation Cognitive Search
@shutter - © Economie Matin
11%Bercy s'attend à une récession de 11% en France en 2020.

La Cour de Cassation a rendu une décision le 25 novembre 2020 dont les conséquences à moyen terme sur l'économie sont désastreuses : désormais, une entreprise qui en absorbe une autre sera responsable des infractions commises précédemment par la société absorbée.

Cette décision fait peser une épée de Damoclès insupportable sur les sociétés qui ne cherchent qu'à investir pour survivre et se développer : elles deviennent responsables d'infractions commises par d'autres, avant l'acquisition, auxquelles elles n'ont absolument pas participé.
Qu'elles passent à côté d'un contrat mal conçu, d'un acte isolé, peut-être commis dans un autre continent, et leurs dirigeants seront convoqués, placés en garde à vue, tous seront poursuivis en correctionnelle et condamnés?… Pour des faits dont on sait depuis le début qu'ils ne les ont pas commis.
Précisons qu'aucune clause de garantie de passif ni aucun contrat d'assurance ne permettent de couvrir la sanction pénale.
Jusqu'alors, un principe fondamental et évident du droit pénal prévalait : nul n'est responsable que de son propre fait : on ne peut pas être condamné pour une infraction commise par une autre personne. Cela s'appliquait également en matière de fusions-absorptions ; une personne morale bénéficie des mêmes droits, des mêmes garanties qu'une personne physique. Bien sûr, seule la responsabilité pénale était écartée : l'absorbante a toujours été responsable civilement : toute victime pouvait obtenir réparation de son préjudice.
Désormais, tout vole en éclat, au prétexte que l'absorbante reprend l'activité et le patrimoine de l'absorbée.
La Cour de cassation ne vise pas seulement les cas d'abus, lorsqu'un groupe organise l'absorption d'une de ses filiales avec pour seul objectif la faire échapper à des poursuites pénales. L'arrêt a une application générale, il impacte toutes les fusions-absorptions. Or lorsque des sociétés fusionnent, c'est parce qu'elles ont compris qu'elles seront plus fortes ensemble, au lieu de se faire concurrence ou d'agir indépendamment sur des marchés complémentaires. Le contexte économique de plus en plus difficile (et la pandémie de Covid-19 n'arrange rien) rend nécessaire ces rapprochements pour que les entreprises puissent résister, et assurer le maintien de l'emploi.
Le droit français devrait être un gage de sécurité, de régulation du marché, sanctionnant les délinquants, laissant vivre paisiblement les autres. Il devient au contraire une source d'insécurité, un piège pour les entreprises et leurs dirigeants, une entrave au développement économique. C'est absurde.
Plus que jamais, la compliance est indispensable pour sécuriser. Les entreprises doivent déployer des dispositifs de prévention effectifs : cartographie des risques, code de conduite, évaluation des tiers, procédures comptables, formations des salariés… construits sur mesure, appropriés à leur activité réelle, non pas des modèles recalqués et inadaptés.
Il est indispensable également que chaque audit d'acquisition soit mené de manière approfondie, en intégrant pleinement la dimension pénale et la dimension réputationnelle. Ne pas rechercher les infractions passées, de toute nature : sociales, fiscales, corruption… est suicidaire. Les pénalistes ont un rôle central, pouvant mettre leur expertise des poursuites et des audiences, au service de la prévention et de la détection d'infractions toujours plus astucieuses.
Dans d'autres pays, comme les Etats-Unis, l'Espagne ou l'Italie la mise en oeuvre effective de mesures de compliance permet de limiter ou exonérer la responsabilité des personnes morales. Il est en effet légitime qu'elles puissent bénéficier d'une présomption favorable lorsqu'une infraction est commise en violation directe de ce qu'elles exigeaient fermement, et qu'on considère que ce sont les personnes physiques seules qui sont responsables lorsqu'elles ont violé les codes de conduite et les procédures internes qui avaient été adoptés et diffusés, écarté les règles sur lesquelles on les avait formées.
Notre droit adopte peu à peu les aspects les plus rigoureux des législations étrangères, mais il oublie systématiquement les éléments fondamentaux qui sont gages d'équilibre : ceux qui incitent à prévenir et qui récompensent les bons élèves, ceux dont bénéficient les entreprises étrangères, concurrentes des nôtres.
Cessons de voir les entreprises comme des ennemis, comme des lieux d'infractions. Cessons de les fragiliser face à leurs concurrentes, face à des législations extraterritoriales qui se servent de la justice comme d'une arme de guerre économique.
Voyons-les comme ce qu'elles sont : des sources de création d'emploi, de croissance, qui ont compris que l'éthique, la RSE, la lutte contre la corruption ne sont pas des freins, des entraves, mais des vecteurs de développement.
La Compliance League en appelle à toutes les entreprises françaises, à leurs représentants, à leurs investisseurs, à leurs conseils : ensemble, exigeons un droit juste, qui sanctionne les rares délinquants, et qui devienne pour tous les autres un véritable levier de croissance.

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La Compliance League : Christiane Féral-Schuhl, William Feugère, Frédérique Bannes, Richard Willemant, Alexandra Richert, Olivier de Courcel, Antoine Moizan