La pandémie et les mouvements de redéfinition des façons de travailler qu'elle a engendrés ont clairement fait apparaître la nécessité d’un nouveau modèle d’entreprise. Sur un mode presque paradoxal, la technologisation a accéléré l'humanisation : la généralisation des écrans comme lieu presque unique de l'échange entre collaborateurs a rendu encore plus nécessaire la prise en compte de la dimension humaine des relations de travail. Nous nous engageons tous sur ce chemin : celui de l’entreprise affective. Dans ce modèle d’entreprise émotive, la notion de care est amenée à tenir une place prépondérante.
Pourtant, « la seule liberté, les hommes ne la désirent point. » Pourquoi ces mots de La Boétie, auteur du Discours de la servitude volontaire sont particulièrement éclairants aujourd’hui ? Éloignés géographiquement de l’entreprise, nous avons fait, pour certains, l’expérience d’une certaine liberté, un temps. Avant d’être saisis par un vertige, presque existentiel quand nous avons perçu le sens réel que l’entreprise, le travail ou la collaboration humaine avaient pour nous.
A travers cette introspection, l’engagement qui nous lie à une entreprise s’est vu transformé. A la vaccination généralisée, devrait suivre un retour au bureau banalisé. Des considérations que vont devoir sérieusement anticiper dirigeants, managers et directions des Ressources Humaines.
Comment réagir : coup de sifflet autoritaire, appels au corporate ou remobilisation politique générale ? Comment retrouver l’engagement d’avant dans ce monde d’après, celui du travail hybride, du temps fragmenté et de la perméabilité ?
« Humain, trop humain » ?
Alors que la campagne de vaccination bat son plein, peut-on croire à l’avènement d’une immunité collective et au retour au monde d’avant ? Cela serait réduire à néant les enseignements de plus d’un an de confinement. Pire, cela serait nier le principal ressort de l’engagement des collaborateurs : leurs émotions.
Il n’y plus de mode de travail idéal, l’hybridation devient la norme. L’engagement s’est-il perdu dans la matrice ?
C’est ce que nous apprend l’enquête « Travailler demain » réalisée par Bodet Software sur les conséquences de la crise sanitaire sur le monde du travail. Plus précisément, elle décrit une formule idéale où le quotidien d’un collaborateur serait rythmé par des projets évolutifs, pilotés en équipes « agiles », mi distanciel, mi présentiel où plutôt mi-figue, mi-raisin, non ? Comment recréer du lien, de la cohésion, de l’engagement à l’échelle d’une entreprise dans ces conditions ? C’est sans doute l’une des questions les plus épineuses aujourd’hui pour les entreprises.
Et s’il fallait faire reprendre racine à l’engagement des collaborateurs ?
Le sentiment de solitude, la porosité trop grande entre vie professionnelle et personnelle font partie des limites au télétravail. Devenues incertaines, les frontières entre ces zones autrefois dissociables rendent plus floues les certitudes et les méthodes d’autrefois. Il en ressort notre besoin d’humanité. Forts de ce constat, pointé par de nombreuses études, nous sommes désormais conscients que la culture collective, celle de la tribu, partageant valeurs, défis et espaces géographiques, n’est pas encore transposable online. Il n’est donc pas surprenant de voir fleurir sur la toile une littérature managériale qui réhabilite l’humain derrière le collaborateur, l’humain derrière le manager.
Alors, comment réconcilier l’hybridation de nos vies avec ses besoins les plus primaires : le réel, l’émotion et le partage ? En revenant à la tribu des âges préhistoriques en mode Zoom ou Teams ? Plus globalement, n’est-ce pas le moment de réhabiliter l’idée même d’entreprise ?
Parce que « c’est notre projet ».
Nous nous en souvenons tous, en 2017 le candidat Emmanuel Macron appelait les français à rejoindre le projet de la République en Marche avec une certaine emphase, terminant presque aphone. Laboratoires de la communication, les campagnes politiques développent une rhétorique « phygitale » fédératrice inspirante pour les entreprises. Dirigeants, managers et directions des Ressources Humaines êtes-vous prêts à entrer en campagne ?
Incarner le programme de votre entreprise en mode phygital : c’est notre projet.
Les ressorts humains ne sont pas ou peu accessibles à travers les écrans. Malgré les visioconférences à répétition, crever l’écran de son aura managériale ne permet pas d’activer les rouages de l’action collective.
Pour autant, cela ne doit pas être une raison pour couper les lignes de la confiance. Dirigeants, managers ont dû réinventer leur relation de proximité en devenant tour à tour psychologue, mentor, ami. En replaçant leur focale sur la psyché de leurs collaborateurs, ils perçoivent mieux les secrets de leur engagement. Les frontières se sont chevauchées pendant le confinement. Le management est devenu phygital et l’entreprise avec lui.
Piloter l’engagement ou savoir orchestrer une campagne à partir de l’expérience collaborateur
D’abord, en réhabilitant l’idée même d’entreprise. Comment mobiliser des collaborateurs désengagés ? Comment apporter des perspectives d’évolution à des collaborateurs qui n’entrevoient pas le bout du tunnel de la pandémie, et donc de leur avenir ? Réintroduire le temps long avec la mise en place de projets individuels évolutifs porte ses fruits aujourd’hui. Rebattre les cartes du sens de l’entreprise aussi.
Ensuite, en faisant des technologies un levier d’épanouissement personnel, et non une contrainte. « Ticket 109, PC X, batterie à changer”, le quotidien d’une entreprise est aussi rythmé par celui de son parc informatique. L’expérience des technologies au travail est l’un des maillons essentiels du bien-être des collaborateurs. C’est d’autant plus le cas en télétravail. Premier canal d’échange ou de formation, premier support de travail pour une grande partie d’entre nous, l’écran est aussi le miroir de notre engagement. En ce sens, s’il est robuste, il sera le premier allié des managers de l’entreprise phygitale.
L’engagement des collaborateurs n’a pas de modèle d’entreprise, c’est un modèle d’entreprise à part entière. Ce sont les collaborateurs qui font le modèle de leur entreprise, et c’est aux directions des Ressources Humaines, aux managers de les entendre, de leur mettre à disposition les clés de leur épanouissement, qu’elles soient technologiques et/ou humaines.