Pierre est né aujourd’hui dans un hôpital, en France. C'est son premier cri à la vie. Petit être innocent, il porte en lui toute l’énergie de la vie, la joie de la vie.
En France, 17,4% de la population dite pauvre est âgée de 10 ans
Quelque chose se serre en moi. Je détourne mon regard. S’il lisait ma détresse dans mes yeux ?
L’adulte que je suis pressent avec douleur ce que risque d’être son enfance, sa jeunesse, sa vie d’adulte. L’adulte que je suis sait qu’il fait partie de ces enfants nés dans la pauvreté en France. 1 enfant sur 5 naît dans la pauvreté. Petit être déjà pauvre avant d’avoir commencé sa vie. Il est issu d’une famille qui vit lorsque les charges sont déduites avec moins de 10 euros par jour. Le combat des parents sera quotidien afin d’assurer à cet être qu’ils aiment une nourriture suffisante et adaptée, je parle ici d’insécurité alimentaire. Ce constat résonne en moi comme un hurlement de détresse et comme un appel au secours.
On ne peut ignorer les chiffres de son espérance de vie : elle sera de 67 ans c’est-à-dire qu’il vivra quinze ans de moins que la moyenne des Français. Il vivra le temps imparti par sa condition, au même rang que les enfants pauvres de l’Egypte, du Népal ou de la Corée du nord. Il est Français. La pauvreté et sa future détresse n’ont pas de frontière.
17,4% de l’ensemble de la population dite pauvre est âgée de 10 ans. 1 enfant sur 5. Cela représente le chiffre ahurissant de 3 millions d’enfants. 30 000 sont sans domicile fixe.
Je dénonce avec force qu'on admette de laisser à l’abandon nos millions d’enfants fragiles dans notre pays, la France, nous sommes un des pays les plus riches du monde.
Mon cri d’alarme s’adresse à ceux qui détiennent le pouvoir d’enrayer cette catastrophe . J’avais, il y a un an, lancé un appel aux décideurs pour qu’ils prennent conscience de l'urgence de la situation.
Rien n’a changé, aucune action n’a été engagée et je m’adresse à nouveau au Président, aux députés, aux sénateurs, aux ministres. Nous ne devons pas lâcher ce combat pour plus de justice.
Je partage les propos de Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités, le plan pauvreté présenté mi-septembre par Emmanuel Macron fait « peu pour aider ces familles » et, de plus, « fait semblant d'agir à la racine en voulant donner la priorité aux enfants ».
Une situation d'urgence
La pauvreté infantile progresse en France car pour beaucoup de familles françaises l’alimentation est devenue une variable d’ajustement. Les enfants pauvres de France, ce n'est pas un dossier supplémentaire encombrant, c'est une question cruciale pour la société, car c’est tout un destin qui se joue.
L’Abbé Pierre dénonce en 2007 dans un discours que nul ne peut oublier :
« Ceux qui ont pris tout le plat dans leur assiette, laissant les assiettes des autres vides, et qui ayant tout disent avec une bonne figure, « nous qui avons tout, nous sommes pour la paix ! »je sais ce que je dois leur crier à ceux-là : les premiers violents, les premiers provocateurs, c’est vous ! Quand le soir, dans vos belles demeures, vous allez embrasser, avec votre bonne conscience, vous avez probablement plus de sang sur vos mains d’inconscients, au regard de Dieu, que n’en n’aura jamais le désespéré qui a pris les armes pour essayer de sortir de son désespoir. Mais ne nous trompons pas, il n’y a pas de violence qu’avec des armes, il y a des situations de violences. » Merci à lui de nous rappeler que notre dignité est notre conscience et non pas notre bonne conscience. Honte à nous, le temps est passé, la situation n’a fait qu’empirer.
Il est plus qu'urgent d'agir rapidement. La France doit jouer son rôle de protection contre les plus démunis, elle doit jouer son rôle pour protéger de la faim, de l’indifférence et ouvrir dans un geste fort de fraternité citoyenne une voie de responsabilité. Dans notre pays, nous nous devons d’être les acteurs responsables du présent de ces enfants. Chacun peut apporter son initiative, son énergie. Qui peut se détourner de la note humaine qu’il a à jouer dans ce monde ?
Que ton alimentation soit ta première médecine. C’est Hippocrate qui s’exprime au 5ème siècle avant JC. 5 fruits et légumes par jour préconisait le Ministère français de la Santé en 2001.
Aujourd’hui, la malnutrition tue à petit feu. Les enfants sont les premières victimes de ce fléau à retardement. Le problème est là chez nous et je doute que la mesure annoncée qui consiste à faire baisser le prix d’un rétroviseur remplisse un frigo. Tout profane sait vérifier qu’une alimentation défaillante impacte la santé à court, moyen et long terme. Aujourd’hui, toutes les générations sont peu à peu touchées. Quelle est cette société qui feint d’ignorer que certaines de nos personnes âgées se nourrissent essentiellement de pain ? Que penser de ce phénomène de compensation qui attire nos enfants de plus en plus vers les sucres quand on sait que celui-ci fait des dégâts. Il serait grand temps de se pencher sur les problèmes d’agitation grandissante et des troubles détectés de plus en plus nombreux chez nos plus jeunes dans les écoles. Le problème est grave et sérieux et j’en appelle à ceux qui ont la compétence et le pouvoir d’agir vite.
Le taux d’enfants vivant sous le seuil de pauvreté est passé de 16% à 20% en 15 ans
Qui sommes-nous pour accepter que les restos du cœur soient la seule issue pour autant de personnes ? qui sommes-nous pour accepter que nos anciens soient réduits à chercher leur nourriture dans les poubelles ? On dépasse les concepts de bonté, de générosité, d’altruisme. On est dans la vraie vie, avec des vraies gens et il est déjà tard.
Où en sommes-nous aujourd’hui de la « stratégie pauvreté » présentée par le président Emmanuel Macron en septembre 2 018 ? L’idée des petits-déjeuners offerts aux enfants des écoles des réseaux d’aide prioritaires avait été annoncée.
A ce sujet, j’avais déclaré sur une chaîne radiophonique : « c’est un début mais il ne faut pas s’arrêter au milieu du gué. Quand vous enlevez la honte, le sentiment d’être différent et que vous partagez un petit-déjeuner, vous faites un grand pas vers la démocratie. Quand l’école s’occupe de vous, vous avez envie de rendre au moins la bienveillance et cela favorise donc les apprentissages. Le petit-déjeuner vous amène à être en phase avec la société. »
J’ai voulu vérifier la vérité de la promesse et la mise en place concrète du dispositif. C’est en ce sens que je me suis adressé par courrier au chef de l’Etat le 4 octobre 2018. Dans une réponse le 15 novembre, il me répondait qu’il était à mon écoute et que des petits-déjeuners seraient proposés aussi dans les collèges des zones prioritaires afin que tous les enfants démarrent leur journée dans les conditions indispensables à l’acquisition des apprentissages et à la réussite scolaire. Jean Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale devait me tenir informé.
Où en sommes-nous aujourd’hui ? Rien ! Silence radio, dossier enfants déclassés classé. Triste bilan.
Ma colère est grandissante et ma patience vacille car la situation est urgente et s’aggrave.
Je ne lâche rien, je ne lâcherai rien.
Je suis bouleversé car je sais qu’on ne sort que très difficilement de la grande pauvreté. Les chiffres m’annoncent que le taux d’enfants vivant sous le seuil de pauvreté est passé de 16% à 20% en 15 ans.
Je sais aussi que les chiffres se suivent, que les images s’enchaînent mais qu’il nous faut un vrai courage pour oser donner du sens à cette misère. Il est possible d’offrir une vie meilleure à des enfants.
Je veux remercier tous les journalistes qui m’aident à porter l’idée du petit déjeuner pour tous les enfants en France. Je veux remercier les élus, députés ou sénateurs qui se sont engagés et soutiennent sans relâche cette idée pour un présent apaisé de nos enfants.
Je veux remercier publiquement monsieur Roland Courteau, Sénateur de l’Aude, un homme bon, un ami de combat, un ami de cœur qui n’a pas hésité à prendre sa plume pour s’adresser au Président. Lettres après lettres, relances après relances, questions écrites après questions écrites, il a eu une réponse non pas du Président mais du Ministre Jean-Michel Blanquer. Une réponse sans réponses datée du 18 janvier 2019, une réponse courtoise : « Compte tenu des conditions de vie des enfants et des familles qui peuvent entraîner des contraintes diverses, il peut être envisagé de proposer aux élèves une collation dès leur arrivée à l’école maternelle ou élémentaire et, dans tous les cas, au minimum deux heures avant le déjeuner…. Enfin, le Plan pauvreté prévoit que des petits déjeuners pourront être pris par les enfants dans les écoles. Ce dispositif associera les parents et promouvra l’éducation alimentaire et les circuits courts. »
J’en appelle à chacun de vous, Françaises, Français !
Alertez, expliquez, écrivez, écrivez* comme je l’ai fait au chef de l’Etat ! Que chacun d’entre nous n’ait de cesse de rappeler qu’il n’est pas supportable que nos enfants, en France souffrent de la malnutrition. Monsieur Macron a le pouvoir de décider de la mise en place des petits-déjeuners dans les écoles de France. Ce sera un premier pas pour que la misère soit moins pénible.
Le délai n’a pas sa place dans une situation dramatique.
Certains de nos enfants ont faim et c’est ici et maintenant.
Aujourd’hui, à ma connaissance, rien n’a été mis en place.
*Monsieur le Président de la République 55 Rue du Faubourg Saint-Honoré - 75008 Paris – la correspondance est gratuite en France il n'est pas nécessaire d'affranchir un courrier.