Région attractive et en pleine croissance démographique, l'Île-de-France pourrait être confrontée dans les prochaines années à un décalage important entre la population active présente sur le marché du travail et les emplois à pourvoir. Pour éviter une augmentation du chômage, les acteurs de terrain se mobilisent.
À première vue, l'Île-de-France n’est pas vraiment à plaindre comparé à d’autres régions. Si elle représente 2 % de la superficie du territoire national, elle concentre à elle seule 19 % de la population totale du pays, 22 % des emplois et 40 % des dépenses de recherche et développement. Enfin et surtout, la région Île-de-France représente quasiment un tiers du PIB national, 669 milliards d’euros par an, soit plus que le Grand Londres ou la Lombardie.
Un territoire riche, dynamique, connecté et fortement doté en infrastructures, avec un réseau de transport aérien, ferroviaire, routier et fluvial particulièrement dense et efficace. L'Île-de-France c’est aussi et enfin un million d’entreprises qui peuvent compter sur une main-d’œuvre fortement qualifiée : 35 % des cadres français sont regroupés dans la région, qui rassemble d’ailleurs 23 % des universités et 25 % des écoles d’ingénieurs.
Mais l'Île-de-France, c’est aussi une croissance démographique particulièrement forte : selon l’INSEE, la région parisienne a enregistré 264 000 habitants supplémentaires en cinq ans entre 2011 et 2016, passant de 11,8 millions d’habitants à 12,1 millions. Mais alors que Paris perd des habitants, cette croissance est essentiellement le fait des départements de la petite et de la grande couronne : les départements de la Seine–Saint-Denis, de l’Essonne et de la Seine-et-Marne représentent 75 % de cette augmentation de la population.
Toujours selon l’INSEE, la région la plus peuplée de France devrait encore gagner un million d’habitants d’ici 2050 et dépasser les 13 millions de Franciliens. Une augmentation toujours principalement portée par les départements et les banlieues qui entourent la capitale. Enfin et surtout, la région resterait la plus jeune de France métropolitaine, avec une moyenne d’âge de 41,7 ans contre 44,8 ans dans le reste du pays.
Une explosion démographique et une arrivée massive de jeunes générations sur le marché du travail qui nécessitent la création et l’apparition de nouveaux pôles de croissance économique et de nouveaux emplois.
Sur le terrain les acteurs se mobilisent
En banlieue et dans les départements jouxtant Paris, les initiatives se multiplient depuis plusieurs années pour absorber cette arrivée progressive de nouveaux jeunes actifs sur le marché du travail. C’est notamment le cas dans le Val d’Oise, le département avec la plus forte augmentation démographique d'Île-de-France : plus de 40 000 nouveaux val-d’oisiens tous les 5 ans, soit l’équivalent d’une ville comme Garges-lès-Gonesse.
Un département jeune, avec 9,8 % de taux de chômage qui culmine même à 28 % chez les 15-24 ans. Face à cette situation, les initiatives locales fleurissent. Ce 18 février, la « Ligue des Jeunes Talents » organisait un « Talent Comedy Club » pour jeunes demandeurs d’emploi au théâtre d’Aubervilliers : 12 jeunes sont montés sur scène et, devant un parterre d’une centaine de personnalités du monde de l’entreprise, ont présenté avec éloquence leurs projets professionnels et leurs ambitions. Des jeunes préparés et « coachés » par un réseau de jeunes actifs issus de ces territoires et déjà insérés sur le marché de l’emploi.
Un événement soutenu par de nombreuses entreprises comme la BNP Paribas, Saint-Gobain ou Europacity, la ville nouvelle qui doit justement apparaître dans le Val-d’Oise en 2027. L’État mise d’ailleurs beaucoup sur cet aménagement du Triangle de Gonesse pour stimuler la croissance et diminuer le taux de chômage du Val-d’Oise et de la Seine–Saint-Denis : le parc de loisir Europacity devrait participer à la création de 10 000 emplois, le quartier d’affaires Triango de 40 000.
À une échelle plus macro-économique, c’est une transformation plus globale de la société que réclame le Medef Île-de-France. L’un de ses représentants, Luc-Éric Krief réclame ainsi un meilleur dialogue entre la formation et le monde du travail : « Il faut un meilleur partenariat entre le monde de l’entreprise et l’Éducation nationale, que le monde de l’entreprise puisse mieux faire connaître ses métiers ses besoins ». L’apprentissage, largement développé outre-Rhin, est ainsi l’une des voies d’accès à l’emploi les plus efficaces avec une formation adaptée à la demande, dans laquelle l’apprenti se perfectionne pour être rapidement opérationnel. Si la revalorisation de cette filière dépend du ministère de l’Éducation nationale, les départements d’Île-de-France et la région, en charge des collèges et des lycées, ont leur rôle à jouer dans cette mission.
Enfin, le représentant du Medef précise aussi qu’un changement culturel est aussi attendu de la part des entreprises : devant la profusion de jeunes talents, il faudrait, à la manière des Anglo-saxons, recruter davantage sur les compétences réelles du candidat plutôt que sur ses diplômes ou sur l’adéquation exacte entre le poste vacant et sa formation.
Face à la petite « bombe démographique » francilienne, les acteurs économiques et sociaux du département se mobilisent. Les initiatives se multiplient pour faciliter les rencontres de jeunes talents avec les entreprises et d’importants projets sortent de terre avec des dizaines de milliers d’emplois à la clef, par exemple dans le Triangle de Gonesse. Mais plus généralement, c’est un véritable changement de paradigme économique qui sera nécessaire pour intégrer ces milliers de jeunes actifs sur le marché du travail.