L’effet d’une hausse de la TVA de 2 points sur l’inflation et le pouvoir d’achat

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Par Captain Economics Publié le 29 septembre 2014 à 3h36

Depuis quelques semaines, la rumeur d'une hausse de la TVA pour la rentrée 2015 (de 20% actuellement à 22%) revient fréquemment sur la table. L'idée est simple : il manque de l'argent dans les caisses de l'Etat, et une hausse de la TVA de 2 points permettrait d'augmenter les recettes publiques d'environ 15 milliards d'euros, et donc de ramener le déficit à un niveau proche de 3%. Mais en tant que consommateur, et en supposant que cette hausse de la TVA ait lieu, comment votre pouvoir d'achat va t-il être impacté ? Tous les prix vont-ils augmenter d'environ 2%, ce qui impliquerait une baisse de pouvoir d'achat de cette ampleur si les salaires n'augmentent pas en contrepartie ?

Il est tout d'abord important de savoir qu'il existe trois principaux taux de TVA : (1) la TVA à taux réduit (5,5%), applicable (entre autres) sur les produits alimentaires, les livres, les abonnnements au gaz et à l'électricité, (2) le taux de TVA intermédiaire (10%, contre 7% avant janvier 2014), applicable sur la restauration (consommation immédiate), le transport de voyageur ou bien encore sur les travaux d'amélioration du logement et (3) le taux de TVA normal (20%, contre 19,6% avant janvier 2014), applicable pour faire simple sur tout le reste. En tant que consommateur, une hausse de la TVA "taux normal" n'aurait donc un impact que sur une partie de votre panier de consommation. En moyenne, les produits au taux normal de TVA représentent environ 60% de la consommation d'un individu : l'impact global sur le prix du panier de consommation serait donc, en cas de répercution complète de la TVA dans les prix, d'environ 1%.

Dans ce scénario, on suppose alors que les entreprises répercutent l'intégralité de la hausse de la TVA dans les prix. Si par exemple une entreprise vendait un produit à 10 euros Hors-Taxe (HT) et donc 12 euros Toutes Taxes Comprises (TTC) lorsque la TVA était à 20% (10*1,2 = 12 euros), alors en cas de hausse de la TVA à 22%, l'entreprise garderait sont prix HT constant et le prix TTC serait donc de 10*1,22 = 12,20 euros. Mais en réalité, une hausse (ou une baisse d'ailleurs), de la TVA ne se répercutent pas intégralement dans les prix : c'est ce que l'on appelle l'effet "pass-through".

Source du graphique : Banque de France

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La Banque de France a publié un papier de recherche très complèt à ce sujet en 2013 (source: "Quels sont les effets sur l'inflation des changements de TVA en France ?"), en étudiant empiriquement l'impact direct sur l'inflation des changements de TVA intervenus depuis 1995. Par exemple en juillet 2009, le taux de TVA sur la restauration est passé de 19,6% à 5,5%, ce qui aurait dû impliquer mécaniquement une baisse des prix de 11,8% sur le secteur (un repas coutant 10 euros HT + TVA = 11,96 euros doit en effet coûter ensuite, si la baisse de TVA est répercutée entièrement dans les prix, 10,55 euros, soit une diminution de 11,8%). Le graphique suivant, extrait de l'étude de la Banque de France, montre qu'en réalité la baisse des prix a été bien moindre (la courbe rouge "réalisé" diminuant beaucoup moins que la courbe bleue-verte "contrefactuel avec transmission intégrale des changements de TVA").

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"L'impact mécanique d'un passage de 19,6 % à 5,5 % est de – 11,8 %. Cependant, comme certains services de restauration n'ont pas été concernés par un changement de TVA (vente à emporter, alcool, etc.), nous retenons un impact mécanique de – 7,5 %, conforme à l'évaluation du rapport d'information du Sénat n° 42 (2010-2011) du sénateur Houel." - BdF

Mais il est aussi intéressant de voir que lors de la hausse de la TVA dans le restauration en janvier 2012 (de 5,5% à 7%), la hausse de prix réalisée a été inférieure à la hausse de prix qui aurait eu lieu en cas de transmission intégrale de la hausse de TVA dans les prix (courbe bleue-verte au-dessus de la courbe rouge)

Empiriquement, que ce soit lors d'une hausse de TVA comme lors d'une baisse de TVA, la transmission de la TVA dans les prix n'est pas intégrale. C'est à dire que si la TVA passe par exemple de 20 à 22%, alors un produit coûtant 10 euros HT (donc 12 euros TTC avec une TVA à 20%) aura tendance, en moyenne, à passer à moins de 12,2 euros après la hausse de TVA. Les entreprises modifient donc le prix HT pour absorber une partie de la hausse de la TVA (en cas de hausse) ou bien pour augmenter leurs marges (en cas de baisse de la TVA). Empiriquement, et toujours selon la Banque de France, "environ 80 % des variations de TVA se transmettent aux prix à la consommation un trimestre après un changement de taux de TVA".

Dans le cas d'une hausse de la TVA taux plein de 2 points, et en faisant un calcul sur un coin de table, cela nous donnerait donc :

- Une hausse de prix moyenne des produits concernés de 1,66% : un produit à 12 euros TTC (donc 10 euros HT) passant à 12,2 euros, soit une hausse non pas de 2% mais un effet mécanique sur les prix concernés de 1,66%

- Mais, en utilisant les données empiriques de la Banque de France, on peut estimer que "seulement" 80% de la hausse de TVA serait répercutée dans les prix, soit une hausse de 1,33%

- Les produits à taux normal représentant environ 60% du panier de consommation, cela implique donc un effet global sur l'inflation d'environ 0,8 point.

Bingo !

Conclusion: L'effet d'une variation de la TVA sur les prix dépend du comportement des entreprises, qui vont plus ou moins répercuter ce changement sur les prix de vente. Le comportement des entreprises peut d'ailleurs dépendre du cycle économique, du taux de marge du secteur, de la concurrence... Dans le cas de la France, et avec quelques hypothèses sur le pourcentage de transmission de la TVA dans les prix, une hausse de la TVA taux plein de 2 points entrainerait une hausse de l'inflation d'environ 0,8 point (et donc, toutes choses égales par ailleurs, si les salaires ne bougent pas, une perte de pouvoir d'achat quasi-équivalente). Mais dans une période de crise budgétaire et de peur de la déflation, on peut comprendre pourquoi cette solution, simple à mettre en oeuvre et permettant de générer des recettes rapidement et sans réelle possibilité de détournement, a été, selon Libération (source ici), envisagée par le gouvernement il y a quelques semaines (tout cela est bien évidemment démenti.... pour le moment). C'est donc tout... pour le moment !

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Doctorant en économie à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et professeur d'économie à l'IESEG Paris, Thomas Renault est le créateur du site Captain Economics, un blog ayant pour but de démystifier l'économie, en abordant cela sans prise de tête ni prise de parti.  

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