Taxation de l’héritage : le pour et le contre (2/2)

Cropped Favicon Economi Matin.jpg
Par Captain Economics Modifié le 13 août 2012 à 7h33

L'héritage est basé sur un patrimoine accumulé tout au long d'une vie par une personne. Le patrimoine, par exemple une belle maison, a pu être acquis grâce aux revenus du travail ou du capital de cette personne. Hors, ces revenus sont déjà taxés du vivant de la personne, soit via l'impôt sur le revenu, soit via la CSG (Contribution Sociale Généralisée). Taxer l'héritage apparaît alors comme une double taxation, qui serait donc injuste. Cet argument est d'ailleurs aussi valable pour l'impôt sur la fortune (ISF), qui est une taxe sur un patrimoine constitué par l'accumulation de revenus qui ont déjà été taxés.

Un deuxième argument est de se dire, que d'un point de vue de l'efficacité, une taxation trop élevée de l'héritage pourrait décourager l'accumulation de richesse. Prenons par exemple la situation d'un riche entrepreneur, ayant bâti une fortune à partir de rien en créant son entreprise. Il est possible que cet entrepreneur, qui pourrait pourtant encore apporter beaucoup à son pays en continuant à développer son entreprise (et donc en créant de l'emploi), se dise finalement approchant la retraite "pourquoi continuer à faire grossir mon entreprise si c'est pour que le patrimoine que je transmettrais à mes enfants soit taxé à 40%, en sachant que je vais déjà payer beaucoup d'impôt et de taxes dessus avant ma mort". Ce genre de comportement, difficile à estimer, entraîne une baisse d'efficacité globale pour le pays. Poussée à son paroxysme, une taxation trop lourde pourrait aussi entraîner une évasion fiscale des riches patrimoines français.

Mais donc pourquoi alors taxer l'héritage? L'argument principal est celui de l'égalité des chances. En effet, dans une société prônant la méritocratie, il peut paraître illégitime qu'un enfant "rentier" reçoive en héritage des centaines de milliers d'euros sans avoir rien fait... En étant élevé dans une famille "riche", dans un environnement favorable, un enfant a déjà la possibilité d'avoir accès à une éducation de qualité et à un futur réseau professionnel important. Pourquoi alors donner à cet enfant, qui a déjà les clés en main pour réussir dans le vie, un héritage qui ne fera que creuser les inégalités entre lui et un enfant issu d'une famille pauvre, sans réseau ni patrimoine? La "richesse éducative" offerte par le milieu n'est-elle pas suffisante?

En poussant ce raisonnement à l'extrême, Ackerman et Alscott (source: The Stakeholder Society, 1999) ont proposé une dotation universelle que l'Etat attribuerait à chaque individu à sa majorité, financée par une augmentation de l'imposition sur le patrimoine. L'idée sous-jacente est tout d'abord de répartir les richesses pour davantage d'égalité, mais aussi de combattre les inégalités intra-générationnelles. En effet, contrairement à l'héritage qui profite en moyenne à des personnes âgées d'une cinquantaine d'années, ce type de mesure permettrait de combler le problème de liquidité des jeunes adultes et de répondre à une situation de sous-investissement éducatif ou professionnel. Ceci est une idée parmi d'autres, avec bien évidemment de nombreux problèmes sous-jacents (coût de la mesure, impossibilité de s'assurer de la bonne allocation de cette dotation de la part des individus...).

Conclusion: Voilà, vous avez désormais quelques clés en main pour vous forger votre propre opinion sur ce sujet. Sur ce, le Captain' vous souhaite de bonnes vacances et vous donne rendez-vous à la fin du mois pour de nouvelles aventures.

Une réaction ? Laissez un commentaire

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre Newsletter gratuite pour des articles captivants, du contenu exclusif et les dernières actualités.

Cropped Favicon Economi Matin.jpg

Doctorant en économie à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et professeur d'économie à l'IESEG Paris, Thomas Renault est le créateur du site Captain Economics, un blog ayant pour but de démystifier l'économie, en abordant cela sans prise de tête ni prise de parti.