Introduction Silence de Dieu, silence des hommes, Épidémies, guerres, catastrophes ...où donc est Dieu ?
Le 15 avril 2019, comme recteur de Notre-Dame, je me trouvais au fond du parvis à côté des pompiers, entouré des personnalités politiques et religieuses, regardant la cathédrale brûler, incapable d'agir, comme paralysé par ce spectacle apocalyptique, perdu dans mon coeur blessé, cette cellule intérieure où Dieu demeure : Pourquoi Seigneur ? Et la seule réponse en ce jour fut son silence !
Le 15 avril 2020, triste premier anniversaire au coeur du silence parisien imposé par le drame de la pandémie. Je me trouve au fond du parvis pour écouter le bourdon Emmanuel de treize tonnes sonner au moment où les Parisiens‚ à leurs fenêtres, applaudissent le corps médical. Derrière tous ces visages, que de drames, de blessures, de souffrances, de deuils, de solitude… Mais aussi que de questions ? Pourquoi une telle épidémie ? Qu'avons-nous fait au Bon Dieu ? Oui, pourquoi Seigneur ?
Cette question revient souvent pendant ou après un drame ; le silence de Dieu, son châtiment, le signe de la fin du monde… ou peut-être d'un monde, le mal, la souffrance de l'innocent… Le lendemain de l'incendie, j'ai reçu des milliers de lettres, des témoignages d'affection, de compassion,
Silence de Dieu, silence des hommes de soutien ; toutefois quelques-uns, certes très peu, évoquaient la vengeance de Dieu, la punition de Dieu, son châtiment, n'osant pas nommer les coupables, mais les auteurs de ces missives se déculpabilisaient‚ préférant donner des leçons de morale ! Il nous faut prendre au sérieux toutes ces interrogations qui sont l'écho du début du psaume 21 « Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m'as-tu abandonné ? »
Ce livre est un témoignage, le chemin parcouru par un prêtre qui n'a pas toutes les réponses, loin de là ! Mais qui est habité par l'Espérance. La Parole de Dieu, les maîtres spirituels, les grands auteurs de notre littérature m'ont accompagné depuis l'incendie. Ils ont éclairé ce chemin de ténèbres qui est devenu une voie de lumière.
Depuis quarante ans que je suis prêtre, j'ai été confronté à la question du mal et du silence de Dieu ; quelques images
reviennent en ma mémoire… Tout d'abord à l'hôpital, un Vendredi saint, je rencontrais un enfant atteint de leucémie qui se battait contre cette terrible maladie. Sa maman était là ; nous avons prié, de cette prière silencieuse qui ne supporte pas de mots ; en effet‚ que dire à cette mère éplorée… Dans le couloir, c'est elle qui m'a confié : « J'ai compris aujourd'hui ce qu'est le Vendredi saint ! » En silence, me séchant les yeux, je suis eeparti avec cette parole confiante en pensant à Marie au pied de la Croix.
Une autre image s'impose à moi, c'est la photo du cardinal Lustiger à Auschwitz. Le silence de Dieu face à l'horreur des camps. Sa mère déportée morte dans ce camp, parce qu'elle était juive ! Pourquoi‚ Seigneur‚ les hommes que tu as créés bons sont-ils capables d'aller jusque-là ? Et je n'oublie pas ces célébrations d'obsèques de jeunes innocents, victimes d'accidents souvent absurdes ; je commence souvent les homélies par "pourquoi ?" et j'ajoute que le prédicateur partage aussi cette interrogation !
Dernièrement, au coeur de cette épidémie, une personne me pose cette question : « Que fait votre Bon Dieu, mon Père ? » Comme si c'était Dieu qui avait voulu nous punir ! Je l'ai invitée à réfléchir sur notre monde, nos façons de vivre, nos volontés de puissance, nos égoïsmes‚ etc. Mais j'ai ajouté : en revanche le Bon Dieu veut nous dire quelque chose ! Le Seigneur vient nous rejoindre dans ce que nous vivons pour donner sens à ce qui nous paraît du non-sens ! Nous aurons l'occasion d'y revenir.
Avant même de réfléchir sur le silence de Dieu et celui de l'homme, il nous faut poser la question du scandale du mal. Puisse cette méditation nous encourager à entrer dans le silence de Dieu qui est proximité, signe de sa tendresse.
https://www.editionsartege.fr/livre/fiche/silence-de-dieu-silence-des-hommes-9791033610441