La banque bretonne investit massivement dans la FinTech, secteur innovant par excellence, mais à qui certains prédisent un essoufflement. Qui pourrait être fatal à Arkéa, notamment si celle-ci sort du giron du Crédit Mutuel.
Pour ceux qui en doutaient encore, les dirigeants de la banque Arkéa, filiale bretonne du Crédit Mutuel, voient bien plus loin que la « simple » indépendance de leur groupe. L’affaire de scission, qui obnubile le monde mutualiste tricolore depuis plusieurs années maintenant, n’est en réalité qu’un premier jalon ; une étape nécessaire pour permettre à Jean-Pierre Denis et Ronan Le Moal, patrons du Crédit Mutuel Arkéa (CMA), de mener à bien leur stratégie initiale : faire de leur structure un « Amazon de la banque », comme l’a indiqué le second, dans une interview au Télégramme de Brest en décembre dernier. Autrement dit, Arkéa veut se diversifier, et investit pour ce faire à tout-va.
« Banque entre amis »
« Face à la pression réglementaire accrue depuis la crise de 2008 ainsi qu’à l’évolution des comportements et la reprise de pouvoir des consommateurs, [Arkéa] voit un nouveau modèle de relation émerger, qui s’appuie nécessairement sur des partenariats, explique Patrice Bernard, auteur et consultant, fondateur de “C’est pas mon idée”, un blog qui détricote l’innovation dans les services financiers. Cette projection mène directement à la notion de plateforme. À l’instar du site d’Amazon, [Arkéa] dispose d’un catalogue largement diversifié, certains produits étant fournis par la banque, les autres par des entreprises tierces. » Tous, en revanche, pouvant être accessibles depuis « un point d’entrée unique, incarné par un service en ligne, une application mobile ou un conseiller humain ».
Partagée entre la peur de se faire distancer par ses concurrents et le souci de plaire toujours un peu plus à ses clients, Arkéa - qui a surtout flairé le bon coup -, s’est donc lancée dans la diversification, afin de placer ces derniers au centre de ses préoccupations. De nombreux domaines étant ainsi concernés : paiement - entre particuliers notamment -, crédit et épargne, investissement, assurance... « Chacun d’eux apporte une spécificité qui fera la différence dans telle ou telle circonstance. […] Loin de l’inciter à se tourner vers la concurrence, cette démarche ouverte et ultra-personnalisée est un facteur majeur de confiance vis-à-vis de l’opération et, en conséquence, de fidélisation », estime Patrice Bernard.
Arkéa, pour nourrir ses appétits de développement économique, s’est donc tournée, à l’instar de nombreux établissements bancaires, vers le rachat de « FinTech » (ou « start-up de la finance »). Et a même été précurseuse, puisque la banque bretonne a racheté dès 2015 la cagnotte en ligne Leetchi. En 2017, elle s’octroyait également 80 % du capital de Pumpkin, une application de paiement entre particuliers, particulièrement prisée des 16-25 ans.
Crise financière
C’est que la banque, dans son acception traditionnelle, a vécu. L’heure est plus que jamais à l’innovation. En mars 2018, une étude Wavestone & Elabe révélait que 67 % des Français trouvent que les établissements bancaires ne sont plus adaptés aux nouveaux besoins des clients. D’où le besoin de diversifier ses investissements et les diriger vers des secteurs porteurs. Comme celui de la FinTech. Même si celui-ci pourrait, paradoxalement, être un poids pour les banques, davantage qu’un tremplin économique. Car comme tous les secteurs innovants dans lesquels les investissements arrivent par milliards, les jeunes pousses « techno » de la finance risquent à tout moment de se retrouver nez à nez avec un essoufflement de leur industrie.
En effet, l’engouement des investisseurs pour les Fintech entraîne mécaniquement une augmentation de leur nombre. Or, certaines d’entre elles se lancent bille en tête sans avoir pris le temps d’analyser le marché en promettant monts et merveilles aux investisseurs. Résultat : l’environnement devenant de plus en plus concurrentiel et hostile, les moins solides ne résistent pas et mettent la clé sous la porte, c’est alors que la perspective du profit laisse place à l’inquiétude.
La suite ? Dans le jargon financier, on parle de « bulle ». Lorsque la confiance dans un secteur commence à s’évaporer, les mécanismes de l’économie s’emballent et la font « exploser ». Gare aux groupes qui investissent massivement dans la FinTech, par conséquent, préviennent les analystes.
Dans le cas d’Arkéa, l’avenir est d’autant plus incertain que son indépendance, vis-à-vis de la Confédération nationale du Crédit Mutuel, entraînerait une instabilité due à la perte de son statut mutualiste, entre autres. Alors que celui-ci, pour certains, est un « véritable rempart face aux crises financières ». Autrement dit : l’éclatement de la bulle FinTech, ajouté au marasme économique et financier ambiant, ne présage rien de bon pour le groupe breton.