Il a été constaté que la puissance économique et militaire d’un pays est liée au niveau de sa population. Beaucoup de guerres sont intervenues lorsqu’un pays se sentait plus puissant que son ou ses voisins avec une capacité militaire pouvant permettre de l’annexer et aussi un dirigeant ayant des ambitions et amour-propre démesurés.
Le niveau démographie peut être un vecteur de bien-être mais aussi de prévoir l’avenir. Alfred Sauvy*, le père de la démographie opérationnelle disait : « La démographie c’est très simple, c’est constater qu’un enfant de 9 ans en aura 10 l’année suivante. Mais c’est tellement simple qu’on n’y fait pas attention ».
Quelques rappels démographiques :
Entre le XIXème siècle et nos jours, la natalité et la mortalité de tous les pays développés ont subi un déclin fondamental. Ce phénomène a reçu le nom de « transition démographique » ou « révolution démographique », par analogie à la « révolution industrielle » qui représente le volet économique de la série de transformations parallèles qui ont bouleversé le monde contemporain. A cette époque le taux de natalité de la France avoisinait les 40 naissances pour 1000 personnes. La descendance des Françaises dépassait en moyenne cinq enfants.
En 1900 le nombre d’enfants par femme est de 2,9, avec la guerre en 1940 il baisse à 1,8 puis remonte fortement jusqu’en 1950 à 3,1, puis 2,7 en 1955, 2,9 en 1965 puis c’est la chute libre avec l’arrivée de la contraception jusqu’en 1975, ensuite descente plus lente jusqu’en 1990, et avec l’arrivée des migrants une remontée jusqu’en 2010 à 2,03, puis nouvelle baisse lente pour arriver en 2021 sous les 1,8. Sans population nouvelle nous serions certainement comme l’Allemagne vers les 1,5 !
Si nous revenons à l’analyse d’Alfred Sauvy avec un taux de natalité de 6,3 enfants par femme, soit le triple nécessaire (2,1) pour le simple renouvellement, chaque génération est le triple de la précédente… à mortalité constante… or la mortalité diminue… Et il y aura trois fois plus de parents, donc beaucoup d’enfants même si la fécondité diminue : il faudrait qu’elle soit divisée par trois pour que le nombre d’enfants reste constant. Et la population continuerait néanmoins à augmenter au fur et à mesure du vieillissement des parents.
Ce triplement à chaque génération existe toujours dans certains pays africains.
A l’inverse, que se passe t-il en cas de faible fécondité ? Par exemple 1,4 enfant par femme au lieu de 2,1, point d’équilibre. Ce qui est un cas fréquent en Europe ou même en Asie. Les générations ne sont remplacées qu’aux deux tiers et donc diminue de plus de moitié (2/3 x 2 /3) en deux générations.
Ce qui est bien plus grave, c’est que ces générations creuses doivent supporter un nombre disproportionné de personnes âgées, nées à l’époque où les générations étaient bien plus importantes. C’est beaucoup plus accentué en France avec des départs en retraite à 60 ans depuis 1982 et même 62 ans depuis 2017.
Ces évolutions sont pratiquement irréversibles dans les pays du Nord où la fécondité est basse. Il y aura moins de parents une génération plus tard, faisant donc obligatoirement encore moins d’enfants. Il faudrait que la fécondité remonte fortement pour simplement enrayer le processus et encore plus pour revenir à l’état antérieur. Pour que la population se reconstitue un peu, il faudrait que cette forte fécondité dure plus de 20 années et même pendant 65 ans pour reconstituer complètement cette population active.
Les conséquences d’une base fécondité et la diminution corrélative de la population active sont terribles à supporter : Forte diminution de la puissance militaire et manque de capacité à nourrir et soigner les plus vieux.
Cette situation est encore pire car non seulement les vieux sont mathématiquement plus nombreux à mortalité constante, mais ils le sont encore plus du fait de l’augmentation de la durée de vie. Et cela quelque soit le système de retraite, par répartition ou capitalisation ou même mixte des deux. Ce seront toujours les plus jeunes qui nourriront les vieux.
Le cas de l’Allemagne du point de vue démographique est intéressant à analyser. Une partie de la population allemande est partisane d’une forte immigration et surtout les chefs d’entreprises qui sont les premiers à avoir besoin de main d’oeuvre, voyant leur personnel diminuer et vieillir. L’autre partie de la population n’est pas spécialement d’accord, choquée par la différence de culture des nouveaux arrivants. Mais avec un taux de fécondité si bas, l’Allemagne ne tient que grâce à un afflux d’immigrés (mais aussi par la prolongation de la durée d’activité). A l’origine ce sont les Russes d’origine allemande après la chute du mur, qui sont arrivés, puis les Italiens, puis ceux venant de l’Europe de l’Est et des Balkans.
Ce sont les Américains qui ont inventé La Transition Démographique : Qu’est ce que c’est ?
La mortalité décroissant rapidement avec la modernisation, alors que la fécondité ne baisse que progressivement. La population croît donc rapidement dans un premier temps et cesse ensuite d’augmenter lorsque la fécondité atteint 2,1, niveau auquel elle est censée rester. L’ONU a longtemps établi ses projections sur ce schéma !
Par contre les démographes français de l’avant-guerre ne voyaient aucune raison à ce que la fécondité ne baisserait plus à partir de 2,1 et finirait même par diminuer continûment. Et ils ont eu raison.
Autre raison de la baisse générale de la fécondité, c’est le vieillissement généralisé de la population. Celui-ci est encore accentué par les progrès sanitaires qui allongent constamment l’espérance de vie. Tous les pays du monde sont concernés même si c’est à des degrés divers : La proportion des plus de 60 ans peut passer de 3 à 6% en X années, alors qu’elle passera de 20 à 25% voire plus dans les pays nordiques.
C’est le Japon qui a le processus de vieillissement le plus avancé. Ce qui induit de faibles retraites et donc le besoin de compenser en travaillant souvent jusqu’à 80 ans ou partir aux philippines, pays bon marché.
La Chine est aussi très concernée par le vieillissement avec une stabilisation de sa population à 1,4 milliards d’habitants. Pourquoi ? La pyramide des âges se vide par le bas mais gonfle par le haut. Beaucoup de familles doivent vivre avec parents et grands parents faute de moyens. Cette diminution de fécondité engendre une diminution de la population active et devrait finir par freiner le développement.
L'Inde compte 1,3 milliard d'habitants dont la moitié a moins de 25 ans. En 2016 elle comptait 1,26 milliard d'habitants soit 17,5 % de la population mondiale ...
La population indienne augmente d'environ 19 millions d'habitants par an (conséquence d'un taux global de fécondité de 2,7 enfants par femme, contre 1,7 pour la Chine). On peut ainsi s'attendre à ce que l'Inde devienne le pays le plus peuplé du monde aux alentours de 2025, ce qui pose des problèmes de surpopulation.
Aux Etats-Unis, la population blanche d’origine diminue ou plutôt ne se renouvelle pas. Elle est grignotée par la population noire, mais aussi par les latinos et asiatiques. Elle devient de plus en plus multiraciale en prise au grand remplacement comme dirait Eric Zemmour. Il est vrai que les latinos sont une catégorie culturelle et non raciale composée de blancs et de métis euro-amérindiens. Les Etats-Unis passent de plus en plus d’une population à 90% blanche avec une minorité noire et mulâtre, à un ensemble bigarré.
La France suit un peu le même chemin, toujours un peu tributaire de ces anciens pays colonisés, dont une partie de leurs habitants sont attirés par une facilité d’adaptation due à la langue, au regroupement familial mais aussi aux aides multiples et associations existantes.
Dans l’Europe, elle a aussi un problème beaucoup plus présent que dans d’autres pays, c’est son faible taux d’emplois. Nous nous situons en queue de peloton avec un taux de 65,4, seulement dépassé par les pays dit industrialisés ayant la plus forte dette telle la Grèce 54,9, l’Italie 58,6, l’Espagne 62,4, la Belgique 64,5. A l’opposé, les pays nordiques sont loin devant, y compris l’Allemagne avec 75,9.
Il existe une proportionnalité évidente entre taux d’emplois et niveau de la dette.
A titre indicatif la moyenne de l’UE est à 68,6.
Dans quel pays passe-t-on le plus de temps en retraite ? C’est la France !
En France, selon une étude réalisée par l’OCDE, on profite de sa retraite pendant plus de 27 ans chez les femmes et 23 ans chez les hommes.
La première cause de ce phénomène tient dans la durée de vie particulièrement élevée dans notre pays : 87 ans et un mois chez les femmes et 82 ans et 4 mois chez les hommes.
Certes, dans les autres pays de l’OCDE, l’espérance de vie masculine est assez approchante à celle enregistrée en France, mais ailleurs, on passe en moyenne 5 années de moins à la retraite. Chez les femmes, ce chiffre dépasse les 5 ans et demi en comparaison des 33 autres pays analysés.
Si l’on peut liquider sa retraite dès 63 ans en France, à l’étranger, la moyenne est tout autre : 67 ans en Allemagne (étude à 68 ans), 65 ans au Japon et en Espagne, 67 ans aux États-Unis et en Italie. Au Royaume-Uni, on passe à 68 ans… et les Britanniques envisagent même de reculer l’âge de départ à la retraite à 70 ans ! A noter que les Pays-Bas et l’Australie (envisage 70 ans) sont déjà à 67 ans.
L’autre explication est bien moins réjouissante : En France, le taux d’emploi des 55-64 ans est de 48,9% seulement, contre 66,1% en moyenne dans les pays de l’OCDE !
C’est le mal français qui conduit progressivement à la baisse des retraites et aux charges sur salaires très élevées. En effet, il devient de plus en plus difficile pour les actifs de financer les « retraites longues » et les départs anticipés. Le chômage, les CDI de plus en plus rares… tout concourt à une difficulté à financer les retraites et donc à une régression des pensions.
La seule Loi Hollande pour carrières longues, salariés ayant commencé à travailler entre 18/20 ans, (départ possible à 56 ans) coûte depuis juillet 2012, la modique somme de 11 milliards par année.
Coté pays arabes, c’est l’Egypte qui a connu une explosion démographique sans précédent avec la multiplication par 40 en 200 ans de sa population avec un exode rural massif. Le Caire compte maintenant au moins 15 millions d’habitants.
Pour conclure que dira la démographie à nos descendants ? La Chine peut faire peur, mais c’est plutôt l’Afrique, notamment noire avec sa forte démographie, même si elle est déjà en baisse, qui modifiera au fur et à mesure la structure des populations européennes.
La démographie et ses vagues migratoires mènent à la politique et il serait grand temps que nos dirigeants prennent beaucoup plus conscience des bouleversements et heurts qu’elle peut encore engendrer.
*Alfred Sauvy était en effet polytechnicien, donc un matheux non-universitaire. Il est à l’origine de la création de l’INSEE et de l’INED (Institut National d’Études Démographiques). Cela suite à son constat que les gouvernants, à l’époque le Front populaire, n’avaient aucun chiffre à leur disposition tant en économie qu’en démographie.
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