La démission d'un gouvernement au complet, moins de cinq mois après sa nomination, est inédite sous la Ve République. Si l'on soustrait les semaines qui suivent la prise de fonction, temps incompressible pendant lequel les ministres et leurs équipes s'approprient les dossiers et apprennent à travailler ensemble, auquel on ajoute les semaines « inutiles » d'été, pendant lesquelles le gouvernement travaille au ralenti, pendant lesquelles les conseils des ministres sont suspendus, ce gouvernement n'a tout simplement rien fait.
Ou plutôt si : se chamailler.
Manuel Valls, personne ne pourra lui nier cette qualité, est un homme à poigne. Quand quelque chose ne va pas, il le dit, il se fâche, il tape du poing sur la table. Loin, très loin de Jean-Marc Ayrault, lisse et tout en rondeur, sur lequel toutes les petites et grandes histoires du gouvernement glissaient comme de l'eau sur les plumes d'un canard. Valls lui, n'accepte pas les petites et les grandes phrases, les coups bas, les dissensions ou les trahisons. Il a dit à François Hollande : c'est eux, ou moi.
Valls, sans le savoir, ou fort probablement, en le sachant, a déclenché le compte à rebours du feu nucléaire. Démissionner son gouvernement, sans prévenir la plupart des ministres, en particulier évidemment les frondeurs, c'est tirer un fusil à un coup. S'il ne parvient pas à constituer une nouvelle équipe, ou si cette nouvelle équipe n'est pas plus loyale que la précédente, ou si cette nouvelle équipe ne ressemble pas suffisamment au kaléidoscope de gauche, il échouera. Rapidement.
Souhaiter l'échec de Manuel Valls, dans l'état dans lequel se trouve la France, serait inconscient et irresponsable. Et pourtant, ses chances de succès sont infimes. Comment composer une équipe capable de mettre en oeuvre non pas les réformettes, mais l'électro-choc dont le pays à besoin, en puisant dans le vivier du Parti Socialiste, du Front de Gauche, des Verts, des Radicaux de Gauche ? Impossible.
Parviendrait-il à convaincre Didier Migaud, le président de la Cour des Comptes, de quitter son poste confortable d'arbitre pour descendre dans l'arène, afin de prendre en main le ministère de l'Economie et des Finances, que la France ne serait pas sauvée pour autant. On peut faire les bonnes analyses, émettre les bonnes recommandations, et ne pas parvenir à les mettre en oeuvre. Vu l'état d'attentisme dans lequel se trouve l'administration gouvernementale, le vrai gouvernement, celui qui gère les affaires, lance et fait avancer les dossiers, Didier MIgaud - qui n'est pas non plus le messie - aurait du mal à faire virer de bord le navire.
Non, ce qui se profile à l'horizon, c'est bien une dissolution. Le nouveau gouvernement que Manuel Valls va constituer ne parviendra pas à obtenir le soutien indéfectible de l'Assemblée, pourtant indispensable pour réformer.
Quand ? Logiquement, début 2015. Après une nouvelle rafale - il n'y a pas de raison que cela change - de nouveaux mauvais chiffres du chômage, une croissance toujours en berne voire une possible récession, avec des impôts qui ne rentrent plus, la dissolution restera le dernier recours pour un exécutif aux abois.
Dernier recours avec... la démission du Président de la République. Scénario évoqué par... François Hollande, en 2006, dans un de ses ouvrages, promettant une « remise en question à mis-mandat ». Nous y serons. La France ne sera pas sortie d'affaire pour autant, mais au moins, les cartes du jeu politique seront rebattues.
Rendez-vous dans cinq mois.