Un an après l'abrogation de l'exonération d'impôt sur le revenu et des charges sociales salariales sur les heures supplémentaires introduites par la loi TEPA de 2007, les conséquences budgétaires s'avèrent positives, les conséquences politiques négatives.
L'exonération de tout impôt et de toute charge sociale salariale sur les heures supplémentaires fut sans conteste la mesure-phare de la loi en faveur du travail de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA) du 21 août 2007. Elle incarnait une promesse électorale du nouveau président SARKOZY et la volonté politique de revaloriser le travail en encourageant les heures supplémentaires via une hausse du revenu des salariés et une diminution du coût de l'heure supplémentaire pour les employeurs.
Mise en garde des experts en 2007.
Dès mars 2007, le Conseil d'analyse économique avait pourtant mis en garde le gouvernement FILLON contre les effets néfastes d'une telle mesure. Il craignait que la détaxation des heures supplémentaires n'ait au mieux qu'un effet incertain sur l'emploi, n'encourage les comportements « opportunistes » (traduire : la fraude) en incitant salariés et employeurs à substituer des heures supplémentaires à des hausses de salaire, ne favorise les salariés en poste au détriment des demandeurs d'emploi, le tout à un coût prohibitif pour les finances publiques. Ces sinistres prévisions, accentuées par les effets polymorphes de la crise financière, ont été largement vérifiées.
Une niche fiscale et sociale couteuse et inéquitable en période de crise
Dans son rapport d'octobre 2010, le Conseil des prélèvements obligatoires préconisait la suppression pure et simple de ces mesures d'exonération, la hausse du PIB induite par ses mesures (0,3% soit environ 5 milliards € par an) s'étant effectivement avérée inférieure au coût de la mesure... Le nombre moyen d'heures supplémentaires par salarié (de 7 heures au 3ème trimestre 2007) avait atteint 11,3 heures à son apogée pour redescendre à 9,7 heures au premier trimestre 2013. En conséquence, le surcoût en 2012 pour les comptes publics (Etat et Sécurité sociale) était d'environ 5 milliards € (1,5 milliard € pour l'IR, 1 milliard € pour les charges sociales salariales et 2,5 milliards € pour les charges sociales patronales). Les créations d'emploi attendues n'étant pas au rendez-vous (là encore largement du fait de la crise), la mesure s'est muée en pur effet d'aubaine.
Les grands gagnants furent les salariés concernés (ce fut notamment le cas des enseignants qui réalisent quoiqu'il arrive et chaque année, un nombre significatif d'heures supplémentaires : la mesure aboutissait donc à exonérer systématiquement des heures récurrentes), mais les entreprises en bénéficièrent également via une subvention sur les heures les plus rentables. La mesure était en outre anti-redistributive car les principaux bénéficiaires étaient les 10% des actifs aux revenus les plus élevés avec un taux d'exonération total moyen (économie d'impôt et de charges sur un revenu supplémentaire de 100 €) de 60 € contre 30 € pour les 10% des actifs aux revenus les plus bas.
Un an après, des conséquences politiques douloureuses
Un an après l'entrée en vigueur de la loi du 16 août 2012 qui a annulé l'exonération d'IR pour les heures supplémentaires (dès le 1er août 2012) et l'exonération des charges sociales salariales à compter (au 1er septembre 2012), l'impact budgétaire est bien sûr positif pour l'Etat et la Sécurité sociale (de près de 5 milliards € en année pleine selon le gouvernement, plus sûrement autour de 4 milliards €). L'onde de choc politique a été en revanche mal évaluée par le gouvernement AYRAUT et constitue une cause certaine de la chute de popularité de l'exécutif depuis l'automne 2012. Elle se manifestera en trois vagues, de septembre 2012 à septembre 2014.
Dès réception de leur fiche de paie de septembre 2012, les salariés ont pu constater une baisse de leur salaire net lié à la hausse des charges sociales. En septembre 2013, avec l'arrivée dans les boîtes aux lettres des feuilles d'impôt sur le revenu 2012, les contribuables découvrent les méfaits de l'imposition des heures supplémentaires des quatre derniers mois de 2012. La troisième vague arrivera en septembre 2014, puisque toutes les heures supplémentaires 2013 seront alors imposées à la tranche marginale. Ces deux dernières vagues apporteront un démenti palpable à la récente promesse du président HOLLANDE de faire « une pause fiscale» et alimenteront le sentiment de ras-le bol fiscal diagnostiqué tout récemment par le ministre de l'Economie MOSCOVICI.
Un révélateur d'un niveau de prélèvements obligatoires trop élevé
Si la classe politique n'envisage pas sérieusement de revenir à une exonération que l'état des finances publiques rend illusoire, des voix s'élèvent, à droite bien sûr mais aussi dans les rangs du PS, pour dénoncer ces effets pervers et suggérer des aménagements. Le député PS (Essonne) Thierry MANDON a ainsi récemment proposé la création d'une franchise fiscale et sociale de 500 euros sur les heures supplémentaires, pour un coût, selon lui, de l'ordre de 100 millions d'euros.
Clos ou non, le feuilleton de la loi TEPA aura servi de révélateur en soulignant le niveau trop élevé des impôts et surtout des charges qui pèsent sur le travail, principale cause de la perte de compétitivité des entreprises depuis 1998. Illustrant parfaitement le concept hégélien de ruse de la raison, ce feuilleton contribuera à la mise en place de l'inévitable réforme des prélèvements obligatoires sur le travail.